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PROLOGUE 6 page





– Ne brusque rien, Antoine, conseille le cher homme: l'existence c'est tous les jours un petit peu. Fais ton travail, téléphone beaucoup à ta fillette et à sa mère. La logique s'imposera d'elle‑même.

Un silence nouveau, toujours aussi harmonieux, s'établit.

Puis il réagit après avoir dégazé un filet de fumée légère:

– Maintenant, occupons‑nous de ce massacre.

Il se découvrit et posa son bada sur le cuir blond de mon sous‑main, le gratifiant d'une auréole brune.

 

 

Il avait conservé sa carte de police et la montra aux perdreaux de garde qui le saluèrent.

Satisfait d'avoir renoué avec le passé, César pénétra dans la chambre de Titan Ma Gloire.

La pièce baignait (comme on dit puis à Machin‑les‑Bains) dans une douce pénombre. Le volet vénitien qui la créait laissait filtrer un peu de soleil entre ses lamelles incomplètement plaquées.

Le célèbre blessé reposait sous la potence lestée de produits chargés d'assurer sa survie. Pinaud remonta jusqu'à son chevet et prit place sur la chaise destinée au médecin. Il s'assit, se mit à contempler fixement le gisant.

Ce dernier respirait doucement et gardait les yeux clos.

L'Ancêtre le scruta sans broncher d'un poil ni émettre le moindre bruit: crotale fascinant sa proie[22].

On ne percevait, outre les glissements du couloir, que le minuscule chuintement du goutte‑à‑goutte.

L'homme de Marrakech devenait minéral. Il se sentait capable de rester ainsi des heures entières.

Du temps s'écoula, flou et sans notion de durée. Enfin, ce qu'escomptait le vieux flic se produisit: les paupières du blessé commencèrent à frémir, puis à s'entrouvrir. Le bout de regard qui s'échappa paraissait d'une totale lucidité.

– Je savais, murmura doucement Pinuche.

Rien de plus, l'autre avait déjà rétracté son coup de projecteur.

Une nouvelle attente s'ensuivit.

L'opiniâtre Baderne reprit son étrange guet. Une douce jubilation mettait de l'euphorie dans toute sa personne. En cet instant particulier, il se demandait comment il avait pu vivre si longtemps séparé de la vie policière. On ne devient pas poulet par vocation, celle‑ci se déclare au fil des années.

A la suite d'une autre période de guet, comme rien ne se passait, il fit craquer sa chaise et exécuta sur place un léger piétinement donnant à croire qu'il se retirait.

Aussitôt, une frange de regard coupa le visage du gisant.

La Pine se prit à rire sans ironie, pour libérer un peu de sa satisfaction.

– Ecoutez, cher Maître, dit‑il, nous n'allons pas finir la journée avec ce petit jeu indigne de nous. Vous comprenez bien que vous perdriez. Normalisons nos relations, vous avez tout à y gagner.

Mais l'autre se murait toujours derrière son inconscience feinte.

– Vous avez simulé votre agression, et vous saviez parfaitement que, pour la rendre crédible auprès du corps médical, il fallait payer de votre personne. La seringue était prête dans votre manche. Vous l'avez utilisée le plus tard possible avant que les brancardiers ne vous chargent dans l'ambulance. Et lorsqu'ils ont déposé la civière sur le sol, vous n'avez eu aucune peine à la jeter discrètement dans une plate‑bande. Je l'ai retrouvée: elle porte vos empreintes.

Pinaud se tut, puis s'éventa avec son chapeau.

– Maintenant, il me reste à vous apprendre une chose, enchaîna l'affable personnage. Je suis un ancien officier de police à la retraite qui vit au Maroc dans une coquette maison blanche de la Palmeraie. Mes rentes sont juste suffisantes pour assurer mon train de vie. J'ai donc résolu de me procurer des revenus complémentaires en usant de mon ancien métier. Je gage que vous commencez à saisir. J'ai conservé la possibilité de m'introduire où bon me semble, la preuve, me voici à votre chevet alors que des agents sont en faction dans le couloir. Ma proposition est la suivante: rachetez‑moi cette petite seringue, sinon je la déposerai au dossier. Je ne suis pas gourmand, cher Maître; à mon âge on sait rogner ses ambitions. Moyennant deux cent cinquante mille francs l'affaire est conclue. Je pense que c'est peu par rapport à ce que vous voulez dissimuler…


César cessa de parler pour rallumer son clope défaillant.

– Il est interdit de fumer dans un hôpital, je ne l'ignore pas, mais je cours le risque des réprimandes! fit‑il plaisamment.

Le blessé demeurait inerte, sans regard. Pourtant, Pinaud constata que sa respiration s'accélérait.

– Ma cigarette achevée je m'en irai, annonça le Revenant. Et quand j'aurai franchi cette porte, vous serez pratiquement en état d'arrestation.

Il continua de tirer sur sa cousue, voluptueusement.

Ce fut au moment où il quittait sa chaise que l'homme lauré se manifesta.

– Non, restez, murmura‑t‑il.

César stoppa et s'abstint, en vieux roublard, de scruter celui qu'il venait d'accuser aussi formellement. Il tenait son chapeau à la main, prêt à s'en coiffer, mais s'en éventa le visage, tourné vers la fenêtre. Des échos chargés de vie courante humanisaient l'instant. Un pigeon en déplumade se posa sur le rebord de la croisée et se mit à contempler la Pinade d'un œil incrédule.

– Monsieur! appela faiblement le prince de la littérature sous‑traitée.

– Je vous écoute?

– Je voudrais mourir…

L'Ancêtre hocha la tête.

– C'est votre problème, répondit‑il en s'asseyant.

– J'ai tenté de mettre fin à mes jours, mais c'est beaucoup plus difficile qu'on peut le penser.

– Dame, admit César, nous ne possédons qu'une vie et l'hypothèse d'un au‑delà reste aléatoire.

– Néanmoins, je DOIS mourir sans tarder.

– Pour ne pas connaître le déshonneur?

– Entre autres, et également parce que j'ai perdu tout appétit d'exister.

– En comprenant que je vous avais démasqué?

Ma Gloire ne répondit pas. Se mit à pleurer. Sa détresse parut grotesque à son visiteur. Il ne ressentait pas la moindre pitié pour le pompeux terrassé.

– Si vous souhaitez mettre fin à vos jours, je vais vous laisser, prévint l'ex‑officier de police. C'est le genre d'acte qui s'accomplit dans la solitude.

Il fit un nouveau pas vers la sortie.

– Non! Non! lança vivement Titan.

Il murmura, piteux:

– Si je vous dis tout, vous me jurez de détruire la seringue et de garder le secret?

– Vous oubliez «mes» deux cent cinquante mille francs, objecta l'homme tranquille.

Cette cupidité feinte eut raison des hésitations de son interlocuteur.

– Vous les aurez!

– Quand? demanda âprement le pseudo‑maître chanteur.

– Donnez‑moi la seringue et je vous ferai un chèque demain.


– Vous n'y pensez pas! On ne règle pas les maîtres chanteurs de cette façon! Vous voudriez peut‑être que je vous établisse une facture, pendant que nous y sommes?

– Mais je n'ai pas d'argent ici, vous vous en doutez bien!

– Procurez‑vous la somme pour demain.

– Je vais faire le nécessaire auprès de mon homme d'affaires, maintenant que je suis sorti du coma.

– J'en prends note, fit Pinuchet. Je reviendrai en début d'après‑midi.

Il ôta un bouton de rose du bouquet fourni par l'établissement et piqua la tige dans sa boutonnière, comme cela se faisait jadis dans les films en noir et blanc.

 

 

Si j'en juge à la modestie des locaux abritant la revue Le Cahier et la Plume, ce périodique n'est pas encore prêt d'atteindre les tirages de Paris‑Match. Il occupe le quatrième étage d'un immeuble bourgeois dont l'ascenseur, conçu pour deux personnes sortant de cure, n'a guère envie de trop hisser. Il s'élève au ralenti dans un cliquetis semblable à celui que produisait avec ses médailles le cher maréchal Goering quand il utilisait un marteau‑piqueur.

– Nous aurions dû emprunter l'escalier, maugrée Jérémie qui a tendance à «s'envelopper».

– On a au moins le temps d'admirer le paysage, tenté‑je de le rasséréner.

Effectivement, la cage d'escadrin, peinte en faux marbre brun colombin, est plutôt envoûtante, avec ses portes lie‑de‑vin aux pommeaux de laiton et ses plaques de cuivre gravées de patronymes suranonymes.

Lente, mais sans encombre est l'ascension.

Ensuite, une porte dont le haut est vitré. «Entrez sans sonner» conseille un écriteau composé en caractères «dymos». Invitation acceptée. Nous pénétrons dans un vestibule sur lequel bée la double porte d'une vaste pièce. Nous découvrons une salle de rédaction classique: tables équipées d'ordinateurs, paperasses en fouillis, trophées plus ou moins bizarres, photos à tendance érotique. Mais le surprenant, c'est qu'il ne s'y trouve aucun être vivant.

Comme nous nous faisons part de nos perplexités respectives, un formidable bruit de chasse d'eau se déclenche, tout proche. Une porte s'ouvre sur une dame d'une soixantaine d'années appesanties, très brune, frisottée, portant lunettes, mal poudrée, mal équipée dentalement, le menton escamoté par‑dessus des bajoues en pendeloques. Elle a la jupaille rassemblée sur le ventre et se livre à une œuvre charitable puisqu'elle remonte une culotte d'évacuée kosovar, nous privant ainsi de sa vieille moulasse dépecée par les coups de verge du temps jadis.


On la laisse requinquer du rez‑de‑chaussée. Après quoi je m'insère dans son champ de vision.

Tu crois qu'elle est gênée d'avoir été surprise le fion à l'air? Que tchi! dirait notre ministre des Affaires peu courantes.

– Oui? aboie‑t‑elle avec fougue.

Ça y est!

Son cotillon est retombé sur la féerie évoquée ci‑dessus.

La Carabosse trottine au premier bureau.

– Alors? elle houspille.

Je parle.

Toujours le doux refrain de la Poule annonçant la couleur.

Elle acquiesce (sans déliquescer).

– Si vous venez aux nouvelles, vous en serez pour vos frais de déplacement: je ne sais rien.

– Pourquoi les locaux sont‑ils déserts?

– Une saloperie de grève de notre personnel rédactionnel.

– Pour quelle raison?

– Ces jeunes cons n'étaient plus payés.

– Evidemment, ça crée des dissensions.

– Une bande de flemmards sans talent!

– Même sans talent, il faut bien vivre.

L'argument lui paraît stupide.

– Vous êtes communiste! diagnostique Mémère, à bout de conjectures.

– Ça dépend des jours, réponds‑je, et aussi de ce que j'ai absorbé au déjeuner. Mais nous ne sommes pas venus parler politique. Votre opinion sur Yvan Dressompert?

– Lui, par contre, a un beau brin de plume. Vous avez lu son livre intitulé Physiologie de l'Escargot, avec lequel il ne lui a manqué que neuf voix pour avoir le Goncourt?

– Pas encore, j'attends de me casser une jambe. Au plan humain, dans quelle catégorie le rangeriez‑vous?

– Pragmatique, avare, insensible. Il ne boit pas, mange peu, écrit beaucoup.

– Et sexuellement?

– Onaniste convaincu; il lui arrive de se masturber devant moi, voire en contemplant la photographie de Marguerite Yourcenar.

– Il doit avoir une grande confiance en vous pour s'autoriser un tel débordement?

– Le vice n'a pas besoin de confiance pour s'assouvir, je dirais même: au contraire.

– Vous étiez au courant des travaux sur Napoléon qu'il exécutait pour Titan Ma Gloire?

– Il ne m'en parlait pas, mais il y a dans son bureau une forte documentation sur l'Empire. En outre, il a reçu pas mal d'appels de l'académicien.

– Vous voulez bien nous conduire à son cabinet de travail?

Elle hoche la tête.

– Je ne sais pas…

Je tire ma brème et la place à vingt centimètres de ses lunettes.

– Moi, si! assuré‑je. Excusez, j'avais omis de vous montrer ceci.

Vaincue à la fleur de l'âge par mon autorité, elle se prend par la barbichette pour nous entraîner dans une pièce à l'écart. Sorte de studio aménagé en antre de fin lettré: murs garnis de rayonnages recelant des trésors reliés plein cuir et de revues austères qui ne publieront jamais mes zœuvres en feuilleton.

La place disponible est occupée par un vieux coffiot des établissements Fichet et une table sur laquelle Copernic écrivit sa théorie des mouvements planétaires.

Aux premier, second et troisième coups d'œil, je constate effectivement que ce meuble est surchargé de paperasseries relatives à Bonaparte et à son alter ego Napoléon.

– C'est bon, je vous remercie, dis‑je‑t‑il.

Comme elle n'a pas l'air de déceler que cette formule élégante est une mise en disponibilité, je poursuis:

– Vous pouvez nous laisser, madame Michu.

Youyouille! Tu la verrais, Carabosse!

– Dites donc, mon bonhomme, elle gosille, je ne m'appelle pas Michu et je resterai ici! Ce n'est pas parce que vous êtes flic que vous avez le droit de traiter par l'insolence et le mépris une femme respectable.

– Pardon, dis‑je, penaud, je ne pensais plus à vos poils de cul blancs!

Tout de suite après cette grossièreté, si peu dans mon style, je fais noisette honorable[23], lui débitant mes excuses en alexandrins et posant sur sa joue ravinée un baiser de voyou qui humecterait le fion d'une salamandre.

Oui, sans doute.Vaincue, elle rengracie.

– Petite cervelle brûlée! elle gazouille, vous devez en faire tourner des têtes!

Dès lors, elle s'emporte.

Nous cessons de perdre notre temps pour nous consacrer à l'exploration du P.C. Jérémie se charge du coffre, moi de la table de travail. Je dégauchis des piles de notes, des résumés sur le circus imperator du Corsico. Travail sérieux, bien construit. Tout ça archiconnu: Napo à Brienne, son papa, sa mother ramolinée, capitaine pruneau, général‑enfant, 18 brumeux, Désirée Clarifiée, l'épopée jusqu'au cancer de l'estom' final, à l'ombre des bananiers en fleur de Sainte‑Hélène avec, en bague ronde, diraient les Ricains, la présence de Joséphine de Béarnaise aux absences redoutables et aux empaffeurs nombreux…

Pendant que je révise mon Empire, kif si je préparais une licence, le beau Ténébré s'explique avec la Maison Fichet.

Je te le répète, sans surtaxe, le modèle est ancien. Au bout de tripatouillages stériles, mon pote va demander à la sorcière bien‑aimée les prénoms de l'épouse et des chiares d'Yvan Dressompert. En secrétaire dévouée sachant tout de son patron, elle les lui fournit, de même que leurs dates de naissance. Conclusion, en moins de jouge, le coffre reste bouche bée.

Le viol est dans la nature de l'homme. Nous ressentons une certaine délectance à éplucher ce coin secret. Y dénichons cent mille francs français et des livres britannouilles à effigie de la grosse dondon qui gère la taule. Cela ne nous regarde point puisque nous n'avons pas d'accointances avec les Services fiscaux. Un dossier contient le tapuscrit du bouquin en cours d'élaboration. Rien à frictionner! Poursuivons notre explorance.

Tiens: une chemise à rabat! Dedans, quelle merveille! nous découvrons de magnifiques photos de Titan en train de se faire taper dans la lune par un zig au cerveau plus petit que le membre! Tu parles d'un insatiable, l'Illustre! Tout‑terrain, Cécolle! Metteur‑receveur! Le pompeur pompé! A en croire sa gueule, il aurait tendance à aimer le piston hydraulique. Poussant la pernicerie jusqu'à se faire mettre devant une glace triple face.

Le chibré qui le déterge est bâti orang‑outan, avec du poil partout! Une vraie fourrure! Il a le nestor à boules fortement engagé dans la case de l'oncle Tom, mais la partie non immerdée de l'ustensile en exprime le calibre.

Jéjé murmure:

– Joli cul‑de‑lampe pour ses bouquins à tirages limités!

Nous passons à d'autres clichés de la même veine.

En fin de compte, il y a de la témérité chez ce glorieux. Faut‑il qu'il soit semoulé de la coiffe pour se laisser flasher en pareille posture!

Poursuivant la fouille, nous exhumons une enveloppe «rebondissante» dirait Béru. Dedans, un épais carnet à couverture rouge. Il s'agit d'un répertoire contenant des noms et adresses. La plupart de ceux‑ci ont été rayés; n'en subsiste qu'une demi‑douzaine.

– A conserver, dis‑je à mon Ebéné en lui confiant le mémento, car j'ai remarqué qu'il possédait davantage d'ordre que moi.

Clôture du coffiot.

Brouillage de la combinaison.

Retour vers Miss Immonde.

Tu sais quoi? Elle est occupée à se passer du rouge à lèvres, ce qui donnerait à croire que je lui ai percuté la Vallée des Commanches (à burnes).

– C'est pour moi que tu te fais belle, mon indicible passion? lui chuchoté‑je dans le cornet à frissons.

Elle minaude comme une vieille connasse.

J'enhardis. En pose cinq, articulés, sur sa fosse à langueur.

– Ne continuez pas! supplie‑t‑elle en espérant le contraire.

Ah! la carne. Juste de la moulasser à travers ses loques, j'en ai les premières phalanges qui sentent le coup de pioche intempestif dans un sarcophage!

Lors, je fais signe à Jéjé d'évacuer le terrain. Il annonce qu'il va modifier le disque de la bagnole.

Que nous voici donc en tête à tête, Mamy Gargouille et moi.

Elle soupire comme d'ici à Ton‑âne‑arrive[24]. S'imagine déjà avec mon beau joufflu dans le panier!

– Chérie, lui susurré‑je, tu as compris que nous allons connaître un avenir de folie?

– Vi, vi! orgasme‑t‑elle.

– Seulement, avant de connaître ce rare bonheur, je dois faire avancer mon enquête. Tu peux m'aider si tu le veux, bioutifoule darling. Yvan Dressompert est un individu plus que douteux, tu le sais. Réponds‑moi en toute conscience, ma Rose‑thé: cet homme n'hésite pas à recourir au chantage pour avoir de l'argent, c'est l'évidence même! Vivant dans son orbite, tu n'as pas pu l'ignorer.

Et de rougir à travers les grosses mailles de ses rides.

– Il ne faut rien exagérer, finit‑elle par murmurer.

– Pendant des lustres, il s'est servi de son canard pour jeter le trouble dans certains esprits et impressionner des gens qui avaient la conscience glauque, continué‑je.

En guise d'approbation, elle hausse ses belles épaules de cigogne décatie.

– Mais cette fois, il est tombé sur un bec. Ses manœuvres ont cacaté. Où est‑il? Tu le sais, toi, Poupée? Sois franche!

– Parole que non; je n'en ai pas la moindre idée.

– Nous le retrouverons! promets‑je. Tu as déjà contemplé le globe terrestre, naturellement? Tu as vu comme il est petit?

 

 

L'a si joliment écrit, Didier Van Cauwelaert: «Il vaut mieux rouler sa bosse que bosseler sa roue.»

Méditant sur cet aphorisme, je regagne mon bureau pour une conférence aux sommiers.

Une escouade d'inspecteurs viennent se délester de leurs butinages. Je les ai chargés d'enquêter sur les quatre personnes décédées dans la bagnole. Ils l'ont fait. Des gus très bien, les gazés, ne se singularisant que par leurs mœurs, ce qui, en l'an 2000, est d'une véniellerie absolue. Il y a cinquante ans, tu te faisais enculer, les gens se bouchaient le nez et se voilaient la fesse. A présent, c'est titre de gloire. Les parents sont fiers de leur chérubin quand il prend du rond. Le clament tous échos. S'en gargarisent. «Je vous ai parlé de mon fils? Pas le grand connard qui est père de famille: celui qui est marié à un pharmacien.»

Moi, je veux bien. Chacun ses trous, hein? Qu'une dame soit en ménage avec son caniche royal ou qu'un valet de ferme embroque ses chèvres, c'est pas ma bitoune qui trinque! Faut prendre son foot ù l'on peut! Celui qu'arrache les ailes d'une mouche pour la faire cavaler sur son gland émergé de la baignoire est aussi respectable que l'abbé Pierre. Le Seigneur se dépatouille avec!

Ce que j'en suis, c'est la pube faite autour, les manifs revendicatives de nos messieurs‑dames énucléés de l'œil de bronze. L'importance qu'elles dévêtent. Tous ces adeptes du trognon de chou, peinturlurés, gesticulants, beuglant qu'ils ont droit au mariage, à la femme au foyer, au remboursement de leurs tampons périodiques et de leurs pommades émollientes! On vit des temps que je ne regretterai pas mais qui m'auront fait marrer lugubre itou Dame Pomponnette, une étoile de la vie politicarde, frisottée dimanche, les nichebabes en capot de bagnole tout‑terrain, grassouillette comme une caissière de supermarché rayon viande. Elle s'était jointe par esprit de liberté. J'eusse aimé la voir sodomisée par des lutteurs turcs, cette Exquise, que son entrée des artistes devienne béante comme celles du Printemps Haussmann une veille de Noël! Puisqu'elle payait de sa personne, la chérie, puisqu'elle donnait l'exemple!

Ils sont givrés, tous, je te jure! Ne savent plus ce qu'ils font, encore moins ce qu'ils disent!

Et la Terre tourne autour du Soleil. La Lune autour de la Terre!

Alors pan dans la lune, mes frères!

Je te disais donc que mes limiers me dressent un papier à propos des quatre asphyxiés de la voiture, lesquels me semblaient plutôt nickel.

Talleyrand était fondé de pouvoir dans une banque en renom, le général Duroc gérait un restaurant à étoiles, Marie‑Louise dirigeait un service hospitalier dans un établissement de banlieue, assisté de la cantinière qui, dans le civil, était infirmier. Les deux amants éclectisaient, question baise.

Le quatuor fréquentait depuis peu le manoir de Titan Ma Gloire. L'écrivain (par Chronopost) les connaissait pour avoir un compte bancaire chez l'un, son couvert chez l'autre, et un traitement médical chez les deux derniers. Au fil des fréquentations, le Glorieux avait décelé leurs mœurs et des relations charnelles en découlèrent gentiment. Elles étaient sans histoires: je te suce, tu m'encules; l'harmonie complète! Partouzes assurées par le trio que nous savons, organisateur chevronné de cette discipline délicate.

Qu'ils eussent été conviés à l'annif du Maître semblait logique. Ce qui le paraissait moins, c'était leur quadruple assassinat.

L'enquête accroissait ma perplexité puisque ces gens, leur sexualité mise à part, menaient une vie «solide».

De plus en plus, je penchais pour le carnage d'un ou plusieurs déséquilibrés.

C'est alors que César Pinaud arriva, les tempes toujours dégoulinantes de teinture marocaine, mais l'œil triomphant.

Il nous fit part de sa visite à l'hôpital et des étranges transactions engagées avec Titan Ma Gloire.

– Je le tiens! exultait le cher homme. Demain il doit me remettre de l'argent en échange de la seringue.

Jérémie, dont le bon sens est proverbial, fit observer que l'écrivain se montrait léger en acceptant un tel marché, car la Pine pouvait fort bien lui donner n'importe quelle seringue ne comportant pas les empreintes de l'académicien.

Cette observation nous donna à réfléchir.

– Sa passivité cache quelque chose, prévint le Noirpiot.

Nous convînmes de voir venir. Demain serait un autre jour. En attendant, j'allais mettre le paquet sur le journaliste disparu.

A peine venais‑je de prendre cette sage décision que Napoléon IV surgit, loqué d'une longue redingote couleur olive, d'un gilet blanc déjà marqué de taches de vin et coiffé du nouveau feutre noir qu'il portait en travers de sa hure.

Je lui brossis un résumé express des événements. Il se rangit sous notre bannière pour aller prendre le pouls des personnes figurant dans le carnet d'Yvan Dressompert.

Comme mes âmes damnées étaient trois et qu'il fallait se documenter sur six quidams, je leur en confias deux à chacun. En ce qui me concernait, je rentris tout bonnement chez moi.

Surtout ne te méprends pas, petite tête, je n'agissais pas ainsi pour tirer au flanc, mais simplement afin de récupérer mon brave Salami que l'agression chez le jardinier avait sérieusement ébranlé. Sur l'instant je l'avais estimé presque indemne; un peu plus tard, je compris que cette dernière mésaventure, ajoutée à ce qu'il avait enduré au cours des semaines précédentes, l'avait remis sur les genoux. Sa série noire se déciderait‑elle à mettre les pouces?

 

* * *

 

M'man était allée rendre visite à Mme Tavassoni, une brave Italienne qui préparait souvent des lasagnes pour nos invités. Félicie avait remarqué que les pâtes de la vieille Ritale plaisaient beaucoup à nos convives. Elles composaient une entrée tonifiante dont il ne restait jamais rien, quelle que fût l'importance du plat.

Pilar, notre ancillaire ibérique, encaustiquait les pieds de la table du salon. En reconnaissant mon pas, elle remonta haut son abat‑jour et s'épanouisit du baigneur. Je dois à la vérité, et à ma sympathie pour l'Espagne, de préciser qu'elle disposait d'un très beau postère dont, avec moi du moins, elle ne se montrait pas avare.







Date: 2015-12-13; view: 504; Нарушение авторских прав



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