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PROLOGUE 3 page





D'en plus, il identifie ce joyau de la rondelle à poils! Pas plus tard que ce matin, il est allé le quérir à Pantruche pour l'amener dans cette maison où devait se perpétrer son destin. Se rappelant qu'il est catholique, le driver s'exécute un magistral signe de croix sur le placard, pas lésiner avec la religion dans les cas critiques!

J'attends qu'il retrouve un semblant de souffle pour lui demander son témoignage. Me le fournit en haletant comme le vainqueur du marathon olympique à qui tu demandes de réciter le théorème de Pythagore.

Lorsqu'il s'est pointé chez les frivoles, Guytou savourait une tasse de thé anglais aromatisé à la rose. Paré pour le départ, son petit baise‑en‑ville à terre, près de la porte.

– Et ses deux copains?

– Je ne les ai pas vus, mais comme il a déposé la clé de l'appartement sous le paillasson, j'en ai déduit qu'il était seul.

– Il vous a parlé, pendant le trajet?

– Pensez‑vous! Une mijaurée pareille! Elle se serait crue déshonorée de faire la conversation à un chauffeur de taxi! Ces lopes sont une insulte à la moralité publique, et se prennent pour des aristos!

– Tout vous a paru normal, en arrivant ici?

– Sans problème. La domestique a ouvert le portail et le Maître est sorti sur le perron.

– Pour vous régler?

– Non, je lui envoyais ma note en fin de mois car il me confiait beaucoup de travail.

– Au noir, naturellement? charogné‑je, en parfait poulet semant la merde partout où il passe.

Niqué, il retrouve son asthme; hausse les épaules, rendu fataliste par les circonstances vérolantes qui viennent perturber sa retraite sans flambeaux.

– Le baise‑en‑ville dont vous parliez, comment était‑il?

– En croco gris avec des coins d'argent.

Curieux, qu'il ait disparu. Mais peut‑être ne l'avons‑nous pas suffisamment cherché, Jéjé et ma pomme. Faudra voir…

– D'une façon générale, quelles sortes de courses faisiez‑vous pour Titan Ma Gloire?

Là, il rengorge:

– Je le conduisais à l'Institut, ou bien chez son médecin; parfois il participait à des réceptions. Lorsque je devais l'attendre, il m'offrait le restaurant près de l'endroit où il se rendait. On ne peut pas dire qu'il soit rapiat. Il me recommandait toujours de boire une bonne bouteille, pourtant il craignait les accidents. Quand nous roulions, il me répétait: «Pensez à la princesse de Galles, mon vieux: allez doucement!»

– En une phrase, comment le définiriez‑vous, monsieur Montmajour?

– Un pédant, pas mauvais cheval, qui sur le tard s'est fait mettre le grappin dessus par une équipe de petites frappes. Il ne s'était jamais marié et devait «couver» des mœurs spéciaux.

– Vous savez que mœurs est un nom féminin, glissé‑je.

Il hoche la tête:

– Possible. En tout cas c'est pas mes oignons.

Le chauffeur évacué, je rejoins Olympio et Norman dans un boudoir voisin où ces deux chevaliers de la rondelle moletée boudent, justement. Je les devine aussi à l'aise que le cuistot distrait voulant se laver les mains dans son bac à friture.

Ils sont assis entre les bras d'un canapé à deux places. D'après leurs frimes, tu les croirais chez le dentiste.

– Pas marrant, tout ça, hein? leur fais‑je avec un brin d'urbanité (le Gros dirait «urbanisme»).

– Affreux, conviennent‑elles en chœur.

Je sors du sac en plastique l'impressionnante pétoire saisie par Jérémie dans leur torpédo, la brandis.

– Auquel de vous deux appartient ce poudrier? Mais peut‑être faites‑vous flingue commun?

Ils passent du vert olive au brun excrément sans changer de slip. Ne se consultent pas du regard. Restent tu sais quoi? Cois!

– Le premier qui me fournira la bonne réponse aura droit à une carte de demi‑tarif sur les tramways sahariens, reprends‑je en m'avançant.

Le méchant traczir les biche. Olympio se met à sucrer.

– Il n'est pas à nous!

Son pote, la belle Norman, explique:

– C'est un vieux tacot emprunté pour la fête prévue.

– L'identité du propriétaire?

L'un des compères extirpe de sa vague une carte grise délivrée à une époque où la préfecture de la Seine était dirigée par Philippe IV le Bel et me la présente. Le véhicule appartient au sieur Jérôme Bauhame, garagiste à Créteil, Val‑de‑Marne, rue du Maréchal‑Féran, 26.

N'étant pas vergogneux, je l'enfouille.

– Un ami à vous, mes jolies?

– C'est un parent de Guy, murmure Norman.

– Sa tante?

Il ne sourit pas. Il sent bien que l'heure est fauve pour eux, un tant soit peu crépusculaire, même.

Je me penche pour leur mettre à chacun une main sur l'épaule.

– Vous me berlurez trop, mes agnelles, c'est mauvais pour votre avenir immédiat!

– Mais…, bêlent‑elles.

En chœur.

Je les lâche pour appliquer deux mandales simultanées, et de puissance sensiblement égale, sur leurs joues de rosières pubères.

– Réfléchissez, les mecs. Je ne vous ai pas dit que le riboustin provient de la torpédo, et vous vous récriez comme quoi la bagnole n'est pas à vous. Conclusion: vous saviez qu'il s'y trouvait!

Coincés! Je donne dans l'Hercule Poirot pour les confondre. La méthode sent le rance mais elle a du bon. Comme quoi c'est dans le pot des vieilles Agatha qu'on fait les meilleurs polars!

Oh! les frimes de ces tourterelles tombées du nid! Nicht gut! iètrement piégées. J'espère qu'elles ne vont pas chialer.

– Y a encore autre chose: lorsque le chauffeur de Titan est venu prendre la pauvre biche, il l'a trouvée seule à l'apparte; où étiez‑vous?

– On avait été chercher la bagnole de Jérôme Bauhame.

– Et vous lui avez laissé la vôtre?

– Vi.

N'ont plus la force d'articuler trois lettres.

N'à cette seconde je perçois, provenant du rez‑de‑chaussée, les tonitruements d'une grosse voix mêlécassissienne: l'incontournable Bérurier.

Il clame:

– Ah! v'là la serviteuse scrafée! Laisse un peu qu'j'r'monte la carouble! Vache! C'coup d'hache dans les naseaux! Ell' craint plus les rhumes d'cerveau, la pauv' grande. Et ça? Quoi‑ce? Un plantoir dans la moniche? Tu parles d'un gode, my éfiouve. Quelle sauvagegerie! C't'un drôle d' syndic, l'jolibrius qu'a équesécuté ce viol à la tire! D'pus qu'les nazzezis sont r'd'venus allemands, on n'voye plus d'crimes pareils!

«Tu t'rends compte, Félisque, d'un carnage! Ben t'es tout pâlot, mec! T'vas pas nous la jouer fillette, un briscard comme toi, av'c un membre classé au Patrimoine d'France!

«Tiens, l'Négus! Salut, Jéjé! Dis voir, on a du bred su' la planche! Où c'qu'il est, l'Antoine? En n'haut? Y a rabe d'viande froide à l'étage? J'grimpe!»

 

 

Ayant passé pas mal de temps à m'affairer, d'un macchabe l'autre, j'eus soudain besoin de quitter ce lieu sentant la morgue mal ventilée. J'alertai enfin les services compétents pour un ramassage de la viande froide et laissai le Gros s'occuper de nos petites loutes, Olympio et Norman. J'avais bien «préparé» ces frivoles et le moment des manières frustes et dures me semblait arrivé.

M. Félix s'en fut dans la bibliothèque, pendant qu'Alexandre‑le‑Grand‑Benoît prenait en charge le tandem.

Nous regagnâmes Pantruche, Jérémie et Bibi, aussi vite que le permettait la circulation foutrailleuse. Mon black pote tenait à rentrer at home de bonne heure, afin de fêter en famille l'anniversaire de Cadillac V 12, la sœur de Ramadé.

Après l'avoir craché à la Maison Poupoule, je poursuivis en direction de Créteil.

Une fin d'après‑midi grisailleuse, coupée de rayons solaires intermittents, couleur de pâtisseries arabes, donnait à la capitale cet aspect mi‑figue, mi‑raisin qui lui sied si bien.

Je gambergeais béatement. La violence du drame de Louveciennes me sidérait. Quelques meurtres de sadiques exceptés, nous tombions rarement sur de telles affaires! Celle‑ci allait faire un drôle de cri. Tous les ingrédients se trouvaient réunis pour décrocher les «Cinq colonnes à la une». Le lieu: un manoir! Le propriétaire: un académicien! La faune: des zomos! La sauvagerie: sexes mutilés, tête fendue! La France entière retiendrait son souffle, la Presse nous charognerait à bloc pour obtenir des tuyaux. Je vivais mes dernières minutes de tranquillité bourgeoise.

 

* * *

 

Le garage de Jérôme Bauhame se composait d'un parc d'exposition et d'une construction blanche, en ciment et verre.

Je laissai ma tire en compagnie de beaucoup d'autres qui eussent pu être ses bisaïeules et me mis en quête du proprio. Un minet, doré sur tranche dans une combinaison immaculée, décrocha un parlophone et déclara que «Jérôme» était demandé à la réception. Je continuai d'évoluer au milieu d'un essaim de folles guêpes.

Compte tenu de cette constatation, je m'attendais à voir surgir une nouvelle biche au regard mouillé. Quel ne fut pas mon déroutement lorsque s'avança vers moi un gazier dont la crinière grise à ressorts évoquait les diables en boîte, d'autrefois. Il portait un short bleu cambouiseux, un polo distendu dans les tons verdâtres, et des espadrilles crevées du bout, écrasées du talon. Comparée à la peau de son visage, celle d'un crocodile évoquait la frimousse du bébé illustrant une marque de savon. Des touffes de poils jaillissaient des narines et des portugaises de ce primate. Il ne devait plus beaucoup les faucher car elles exubéraient comme la mauvaise herbe sur la tombe d'un célibataire.

L'hirsute me flaira avec défiance, kif la gazelle se rendant à un point d'eau fréquenté par des lions. Il avait un œil crevé, lequel, désormais, ressemblait à une agate. Son unique pupille dispensait le plus étonnant monoregard de fumier jamais rencontré, si on excepte celui du gars qui confondait les fonds récoltés pour la lutte contre le cancer avec son propre compte en banque.

– Bauhame, annonça‑t‑il d'une voix de bétonnière trop remplie.

– Police, répondis‑je en écho.

– Service des cartes grises?

– Non: des homicides!

Son lampion crevé marqua de la surprise.

– Ça veut dire quoi? demanda‑t‑il.

– Qu'il y a des meurtres à propos desquels j'enquête.

– Qu'ai‑je à voir là‑dedans?

– Vous avez prêté une vieille Talbot à deux petites follingues, exact?

– Et alors?

– On a trouvé ceci à l'arrière du véhicule.

Je sortis mon sac de plastique, l'ouvris en grand pour qu'il puisse voir son contenu.

– Ce pistolet est à vous?

– Je ne l'ai jamais vu!

Mon incrédulité par trop criarde l'irrita:

– Parole!

– Joignons le geste à votre parole! Venez par ici!

L'entraînai jusqu'au bureau sur lequel, parmi d'autres objets, figurait un tampon encreur. Sans la moindre gêne, je pris un papier à en‑tête de sa taule.

– Si vous voulez bien m'accorder votre main, fis‑je‑t‑il, non que j'entende vous épouser, mais j'aimerais relever vos empreintes.

Promptement, il plaça ses paluches sur ses fesses.

– De quel droit? rebuffa le borgne.

– Simple vérification. Ça ne fait pas mal, ça ne coûte pas cher et ça permet d'éclaircir certains points.

Le Jérôme eut un barrissement d'éléphant pris dans un éboulis en franchissant les Alpes pour ce con d'Hannibal[13].

– Ecoutez, monsieur le flic, enchaîna‑t‑il, la police n'est pas la Gestapo, que je sache! On ne débarque pas chez les honnêtes gens en se livrant à de tels agissements! Si vous avez quelque chose contre moi, je téléphone à mon avocat et vous vous démerdez avec lui!

En parlant, il avait retrouvé l'usage de ses mains pour les poser sur le bureau.

Sa vocifération achevée, je saisis la feuille, naguère blanche, qu'il venait de maculer de cambouis, la pliai en deux pour la glisser dans la pochette avec le pétard.

– En matière d'empreintes, encre ou graisse, c'est du kif, dis‑je. Je suis convaincu que nous nous reverrons très bientôt.

Le minet blond, pâle réplique de l'Ange Heurtebise, me regarda partir d'un œil plus humide que le slip d'une hôtesse d'accueil en train de me fournir des renseignements sur la couleur de celui‑ci.

 

 

Il en va des chiens comme des hommes. Ils traversent des périodes roses et d'autres d'un vilain gris. C'est le cas de Salami, mon basset, le cador le plus intelligent de la création. Un surdoué de l'espèce canine! Il sait tout de la vie. Il ne lui manque même pas la parole puisqu'il nous est possible de communiquer, lui et moi. Il pige le langage humain et je capte sans difficulté ses pensées.

Le brave clebs vient de se payer une méchante série noire: hernie, gastrite et, pour en terminer, s'est fait shooter par un chauffard auquel j'aurais volontiers retiré son permis de conduire si je m'étais trouvé là.

Présentement, il boitille, because l'un de ses quatre cylindres[14] est encore nase, mais je sens qu'il a récupéré son énergie.

Je passe à la maison pour changer de limouille et appliquer un bisou dans le cou de Félicie. Au moment de repartir, messire Bite‑à‑terre me la joue pathétique, le regard ovalisé, les oreilles en vol de faucon, la truffe brillante et le fouet battant la mesure.

– Ecoute, lui réponds‑je, je veux bien t'emmener, mais à la condition que tu ne te fatigues pas!

Il est d'ac. Me l'assure d'un hochement de tête. En fait de quoi, je le coltine jusqu'à ma Jag et l'allonge sur la banquette arrière.

Tu le verrais se «royaumer»[15], t'en serais attendri. Il halète un peu, because la douleur, et tient la tronche au‑dessus du tapis de sol pour épargner sa bave au cuir blanc du siège.

Je mets le cap sur l'hosto où a été conduit Ma Gloire. Si le fameux écrivain vit toujours, je veux absolument l'interviewer. Une foule de photographes se pressent dans le hall. Cette fois, la nouvelle est bien sortie! Rien de plus pénalisant pour entreprendre une enquête!

Le personnel, prévenu, joue mystère et bouche scellée. Mais le groupe n'est pas fastoche à contenir. Reusement, on a disposé quatre agents dans le pavillon, des implacables habitués aux débordements.

Mon arrivée me vaut une grappe sur les endosses. Je la leur fais «bon pote débarquant sur l'affaire» mais me dégage à coups d'épaule et de promesses.

On a placé l'académicien au troisième étage, dans la chambre où l'on soigne les prostates de l'Etat et ses cancers qui n'osent encore dire leur nom.

On m'accède.

Au chevet du Glorieux, dûment tuyauté, le professeur Jouvance, l'abbé Soury, deux infirmières dont la plus vioque est gouine et l'autre gratifiée d'un bec‑de‑lièvre (son père était un chaud lapin).

Me présente.

Le prof n'est pas d'accord quant à ma venue qu'il estime prématurée.

– Le patient ne saurait subir le moindre interrogatoire! me prévient‑il.

– Je peux tout de même prendre de ses nouvelles?

– Etat stationnaire.

– Comme moi, ricané‑je. De quoi souffre‑t‑il, au juste?

– Injection d'une substance en cours d'analyse.

– Mortelle?

– Lorsque nous aurons le résultat du laboratoire nous pourrons poser un diagnostic.

Je regarde les instruments dressés autour du lit.

– En tout cas, la vie continue pour lui.

Il ne répond pas. L'aumônier me miséricordise d'un regard que plus chrétien, tu te fais bonze!

– Déjà à pied d'œuvre, mon père? lui lancé‑je, aimable.

– Je me trouvais dans le couloir lorsqu'on l'a amené et je l'ai reconnu.

– Grand écrivain, n'est‑ce pas?

Il s'abstient de me répondre par l'affirmative, preuve qu'il a horreur du mensonge.

M'adressant derechef au professeur Jouvance, je demande:

– Où lui a‑t‑on pratiqué l'injection dont vous parlez?

– A la base du cou; sur l'épaule gauche.

– Cela vous ennuierait de me montrer?

Il émet un «Tssst! Tssst!» révélateur d'un agacement congénital.

Manière de l'amadouer, je lui roucoule:

– J'ai lu votre livre relatif à l'hypoglycémie chez les cultivateurs de betteraves sucrières; il m'a littéralement envoûté.

Il s'amadoue comme un vieux briquet. Son visage grave se décrispe dans la région labiale.

– Heureux qu'il vous ait plu. Pour en revenir à notre blessé, vous pouvez voir ici la marque de la piqûre auréolée d'une légère rougeur.

J'acquiesce. L'infirmière au bec‑de‑lièvre me sourit, ce qui n'arrange pas son problo.

Je demande au G.P.[16] de me cheminer dans un coinceteau peinard.

Nous gagnons son burlingue, au bout du couloir. Diplômes aux murs, photos de ses chiares, sur la table de travail, portrait d'un politicien éminent débarrassé par ses soins d'une vacherie malfaisante et qui l'en remercie chaleureusement avant que la convalescence ne génère l'ingratitude.

Jouvance, c'est pas le genre G.M.[17] du Club Med. Cheveux trop noirs, bordés de blanc, là où la teinture n'a pas bien pris. Teint pâle, lèvres minces, pomme d'Adam en pic de piolet, regard ombragé et ombrageux; m'est arrivé de rencontrer plus joyeux drilles.

– Monsieur le professeur, attaqué‑je, on a trouvé Titan Ma Gloire sans connaissance auprès d'un homosexuel émasculé. Il avait le pénis sectionné du garçon dans la bouche. Un certain temps s'est écoulé avant que mes services soient prévenus.

«J'ai dû survenir dans la maison des meurtres une bonne heure, peut‑être davantage, après leur découverte. Or, comme je venais d'arriver, l'écrivain qui se trouvait au premier étage est apparu en haut de l'escalier. Il a descendu quelques marches et s'est écroulé. Ce qui veut dire que, longtemps après l'injection, Ma Gloire a repris connaissance. Cette "résurrection momentanée" ne vous laisse‑t‑elle pas perplexe?»

Il n'a pas le temps de formuler sa réponse. On frappe à la porte; une belle jeune fille blonde, moulée par une blouse verte, s'annonce, tenant un feuillet tapuscrit. Elle le présente au grand patron, ce qui me régale d'une plongée rapide dans son décolleté. Ils sont deux, avec une émouvante façon de se faire la paire. Servis sur un matelas moelleux, t'en as pour la nuit et tu finis les restes au petit matin, sans avoir besoin de les réchauffer.

– Voici le résultat des analyses, m'informe, avec un brin de solennité, l'éminent praticien.

Il lit:

– Du «brillasavarinus» mélangé avec du «sirop orgeacien».

– Substance mortelle? interrogé‑je.

– Elle peut l'être chez un sujet souffrant de défaillances cardiaques prononcées, n'est‑ce pas, Candice?

Acquiescement de la hübsch interpellée.

– Mlle de Montaloigne va vous en parler de façon plus complète. Quant à moi, vous voudrez bien m'excuser, mais je dois me rendre à un symposium.

Il se lève, me tend une main de trois doigts (sans doute parce qu'il a eu un accident de faf à train avec les deux autres en se torchant l'œil de bronze) et passe dans son vestiaire.

Me voici miraculeusement seul avec la créature de rêve. Et tu prétends ne pas croire en Dieu, toi! Insensé que tu es!

– Depuis le temps que j'espérais ce tête‑à‑tête! murmuré‑je en l'enveloppant d'un regard qui ferait fondre une glace vénitienne biseautée.

Elle hautecorpse.

– Pardon? fait‑elle, simultanément outragée et surprise, ce qui n'a jamais été incompatible.

«Bigre! me dis‑je en aparté (car je parle couramment cette langue), le minois de mademoiselle est plus seyant que son caractère!»

Elle a la peau bronzée, des taches de son aux pommettes, une bouche dont j'aimerais faire une collerette à mon paf et des yeux gris‑bleu saupoudrés d'or.

– N'importe l'humeur: vous êtes très belle, assuré‑je. Il est regrettable que vous accueilliez si mal un compliment parti du cœur sans esprit de retour.

Ce discours la perplexite sur les pourtours. Elle décide d'en rester là.

– A défaut d'amour, parlez‑moi du «brillasavarinus», l'imploré‑je avec une contrition tellement outrée qu'elle en sourit, enfin!

– C'est un produit toxique et hallucinogène extrait d'une plante mexicaine, m'informe‑t‑elle d'une voix si mélodieuse que la peau de mon testicule droit se craquelle comme une potiche chinoise de l'époque Ming. Il est consommé par des initiés capables d'en user avec mesure, sinon il génère, le professeur vous l'a dit, des crises cardiaques souvent mortelles.

– Dans le cas présent, la victime a subi cette injection l'ayant privé de conscience pendant un temps assez long, puis elle est revenue à elle et a parcouru quelques mètres avant de s'effondrer. Cela vous semble cohérent?

– Pas tellement, mais la nature humaine réagit souvent de façon inexplicable.

Jolie phrase, qui ne fait cependant pas mon blaud.

Je sors mon biniou miniature et presse la touche réservée à Mathias.

Il répond presto.

– Es‑tu certain de bien avoir examiné l'écrivain? demandé‑je.

– Naturellement.

– Tu n'as pas remarqué une trace de piqûre à la base de son cou, sur l'épaule gauche?

– Non. Et sais‑tu pourquoi? Parce qu'il n'y en avait pas! répond froidement le motocycliste fécond.

– Tu pourrais le jurer?

– Je le jure! Tu ne peux pas me voir, mais j'ai la main droite levée!

– Merci. C'est tout pour l'instant.

Lorsque j'interromps la communication, la belle Candice a déjà quitté le burlingue.

Tu ne la trouves pas un peu bêcheuse, dans son genre, toi?

 

 

Salami contemple le ballet des ambulances en m'attendant. Ses yeux chaleureux cherchent les miens.

– Y a comme une couillerie dans cette affure, dis‑je.

Il m'invite aux confidences à sa manière: orientant sa truffe vers le haut avec un léger cri.

Je lui narre les faits. Il m'écoute gravement, puis se passe une langue sur les roustons et grommelle en hound courant:

– Allons faire un tour au château!

Je décarre à l'instant où d'autres journalistes se pointent. Putain, si je m'écoutais j'irais enquêter à la Grande Chartreuse ou dans le désert du Sahel pour qu'on me foute la paix (en anglais: the peace!).

 

* * *

 

Dans quel film ancien y a‑t‑il des gens silencieux qui attendent la mort au salon? Chef‑d'œuvre du noir et blanc, compassé, funèbre de par son sujet. Des plans me reviennent: un mec endeuillé, au visage blafard de Pierrot tragique; une vieillasse «du monde», emplumée, enfourrurée, plâtreuse, aux yeux ruisselant de khôl!

L'image que je prends dans le portrait lors de mon retour au château me déclenche une émotion similaire à celle provoquée par cette œuvre.

Des invités sont assis sur les banquettes du hall, en costumes Empire. Ils muséegrévinent dans une effarante mornitude.

Ma venue les intéresse tout juste.

Ils sont quatre: une fille blonde en Marie‑Louise, un gussier loqué Talleyrand, un autre avec une tenue de cantinière, le dernier enfanfreluché pour figurer, je pense, le général Duroc, grand maréchal du palais.

Pareille enquête m'échoit pour la première fois. Peu banale! Y aurait de quoi pouffer si cela ne baignait pas dans la tragédie et le ridicule!

Je vais pour m'enquérir du Gravos lorsqu'une plainte, désespérée comme les chants les plus beaux, parvient du premier.

Grimpette express.

Spectacle récompensant!

Béru, en bras de chemise, le bicorne de traviole, les paluches sanguinolentes, brise le médius gauche de Joséphine, comme toi une langue de chat lorsque tu prends le thé chez la marquise.

La folle guêpe est au bord extrême de l'évanouissement. Son copain est étalé, hors d'usage, sur le tapis qu'il fertilise de son sang. A la place du joli nez aquilin parant naguère son minois: une tomate italienne quenelliforme. Une chiée de dents, l'une avec plombage, deux autres couronnées d'or, parsèment les alentours.

Je me pétrifie.

– Tu les cognes depuis des heures, Sandre?

L'eau gouline de sous le bicorne comme d'un bac transparent recelant des tranches de noix de coco.

Yes, mec! Mais ça paie!

D'un crochet conclusif, il envoie la Beauharnais rejoindre le maréchal Ney au pays des vapes.

– Quinze minutes d'anthrax! annonce‑t‑il.

Il se dirige vers une délicate table Louis Chose en marqueterie sur laquelle paradent une dizaine de bouteilles prestigieuses.

– Ça vient d'où? questionné‑je en les désignant.

– Bédame, d'la cave, mec. D'où viendraient‑ce‑t‑elles sinon? Les interviouves m'foutent la pépie. J'ai envoilié c'vieux nœud d'Félisque en r'connaissance et y m'a sectionné c'lot d'flacons. Ton agadémicien, sa bibliothèque, j'peuve pas juger, mais sa picrathèque est d'feurste bourre.

Date: 2015-12-13; view: 440; Нарушение авторских прав; Помощь в написании работы --> СЮДА...



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