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PROLOGUE 7 page





Je lui eusse volontiers accordé le coup de bite qu'elle quémandait à deux battants, mais mon enquête me dissuadait de m'égarer dans des fredaines, fussent‑elles rapides, aussi me contentai‑je de glisser le plat de ma dextre sur sa cicatrice s'ouvrant au sein d'une sylve amazonienne.

Elle interjecta dans son patois andalou, puis murmura:

Muchas gracias, señor! avec une telle gentillesse soumise que j'en eus le regard aussi mouillé que sa chatte.

Salami croupissait contre un radiateur éteint (mais seule compte la foi, m'a‑t‑on enseigné).

– Où en es‑tu, vieux frère? le hélai‑je. Serais‑tu cap' de venir en expédition avec moi?

Instantanément, il se dressa et s'ébroua des oreilles, si j'ose dire.

– Ecoute, Rase‑mottes, si tu ne te sens pas en forme, repose‑toi!

Avant que j'eusse achevé ma phrase, il marchait déjà à la porte, s'efforçant d'adopter une allure bravache.

La fatalité était en route!

 

 

Il adore s'installer sur le siège passager, Salamoche. Ça lui permet de renoucher le panorama.

– Où allons‑nous? demande‑t‑il.

– J'ai envie d'aller retapisser le jardin de Moktar au grand jour, car je ne l'ai vu que de nuit.

Il trouve l'idée judicieuse, voire excellente, et chasse la poussière de son siège avec la queue.

– Tu as du nouveau? hasarde‑t‑il.

– Des bribes de pas grand‑chose, amertumé‑je. Il y a lurette que je n'ai été confronté à pareil massacre. Ce qui me trouble le plus dans cette affaire, c'est que la majorité des meurtres semblent gratuits. L'œuvre d'un fou homicidaire! Que les petites frappes aient eu besoin de buter Titan, ça peut se concevoir: il se passe des trucs pas jolis au sein d'un trafic de came. Mais à quoi bon une telle hécatombe? Les quatre honorables gazés partouzards, la servante noire, le jardinier arabe n'étaient sûrement pas mêlés aux sales combines! Et pourquoi cette cruauté, si ce n'est pour en éprouver de la jouissance? Folie! Le terme s'impose; il est le seul mot susceptible de qualifier la tuerie.

Il n'y a pas grande distance entre Saint‑Cloud et Louveciennes. Nous parvînmes chez El Djam en moins de jouge, et peut‑être moins encore.

Le môme mangeait une tartine de beurre saupoudrée de Banania en poudre. Assis devant une télévision que je n'avais pas remarquée lors de mes précédentes visites, il contemplait une production ricaine qui aurait fait hausser les épaules à un pingouin.

– Tu es seul? m'enquis‑je‑t‑il.

– Maman a mené mémé à l'hôpital voir pépé, m'expliqua ce prodige, dans les veines duquel sangs slave et arabe se conjuguaient.

Et vite, il refit face à l'écran. Une pétasse rousse annonçait à un connard brun qu'elle tuerait Barbara s'il partait vivre avec elle.

Je mis à profit la fascination du jeune troudeballe pour explorer la turne des Arbis.

Le tiroir d'un buffet bancroche recelait une pochette en plastique imitation où le brave jardinier rangeait les papiers de leur petite existence foutrique. Elle contenait ses fafs d'identité, des témoignages de son héroïsme militaire et quelques pièces officielles traitant de ses droits à séjourner sur le sol français. Des bafouilles écrites en arabe complétaient le lot.

Au moment où je refermais la pochette, un lambeau de papier déchiré dans la marge d'un baveux s'en échappa.

Une adresse, griffonnée par Moktar probablement, l'écriture étant celle d'un Maghrébin connaissant le français. Elle restait néanmoins «vermicellaire»[25].

Je remis ce morceau de journal dans la chemise, et c'est à ce moment que je lus les mots s'y trouvant tracés: «Jérôme Bauhame Tél.: (…)»[26].

Il existait autrefois un gadget en forme de bague, prolongé par un vibrator. Lorsque tu serrais la main d'un pote, ça lui filait une espèce de décharge électrique dans la paume. C'était marrant. Moi, de lire ce blase chez l'ancien harki me produisit un effet similaire.

Comme tu n'as pas davantage de mémoire qu'une poêle à marrons, je te rappelle que Jérôme Bauhame est le vieux garagiste borgne chez qui les pédoques‑trafiquants ont emprunté la torpédo contenant un pistolet. Tu y es? Banco!

Je sors au moment où le petit‑fils des El Djam fait connaissance avec cette pute de Barbara, alanguie au soleil de sa piscaille, sans se gaffer qu'elle va bientôt s'essuyer deux ou trois bastos dans le bustier.

A l'extérieur, mon copain Salami est en effervescence comme une pastille d'Alka Seltzer dans de l'eau. Il va de gauche et de droite, truffe au niveau des pâquerettes, oreilles battantes, émettant ces sortes de jappements escamotés des chiens de chasse sur le sentier de la guerre. De toute évidence, il renifle des choses intéressantes. Inutile de lui adresser la parole, ça le perturberait.

Je l'abandonne pour gagner la rue. L'agresseur de l'autre nuit avait laissé sa ronfleuse sur le trottoir de terre à une cinquantaine de mètres. La bécane devait être bien réglée car elle a démarré au premier coup de talon. Il y a quelques taches d'huile à l'endroit de son stationnement, également des gouttes de sang brunies, nombreuses et assez larges. Mon cador n'y est pas allé de dents mortes.

Perplexe, je looke (dérivé du verbe reluquer) les environs. Voie paisible, bordée d'un double alignement de platanes. De part et d'autre, des pavillons très banlieue parisienne se succèdent avec leur grille verte, leur jardinet poupette, leur crépi blanc. C'est la paix candide des environs de Paris, si douce à l'ombre des antennes TV en fleur.

Alors que je sonde la rue, le nez au sol, la bite (provisoirement) pendante, je perçois des heurts répétés. Le bruit provient d'une villa proche au style anglo‑normand. Y regardant plus attentivement, je distingue, par‑delà une large fenêtre à petits carreaux, un visage blafard, bouffé par de grands yeux sombres. Tête d'homme ou de femme? Une épaisse et longue chevelure blonde m'orienterait vers le beau sexe (ah! que je l'aime, celui‑là).

Très évidemment, c'est moi que la personne hèle.

Je m'approche de la barrière délimitant sa propriété, en pousse la portelle, gagne la jolie maison «Mon rêve» dont la lourde est incomplètement close.

– Entrez! me lance une voix plus feutrée que des charentaises de nonagénaire.

Répondant à l'invite, je pénètre dans un charmant living aux meubles rustique‑de‑qualité, aux murs ornementés de toiles approbationistes, époque albuplast.

Un être à l'aspect saisissant occupe un fauteuil d'infirme. Ma première impression était mauvaise car il s'agit d'un homme. Mais quel!

Il est très jeune. Convulsé, d'une maigreur à passer par la bonde de sa baignoire quand il la vide. Sa pâleur mortelle est intensifiée par le sombre regard mentionné plus haut. Que cet individu soit en vie constitue, sinon un mystère, du moins un prodige.

Ses pommettes sont à ce point saillantes qu'elles font songer aux genoux d'un enfant de la famine. J'ignore évidemment ce dont souffre le malheureux, toujours est‑il que le sort ne lui a pas fait de cadeau!

– Pardonnez‑moi de vous avoir interpellé, fait‑il de son ton plus anémié que sa personne, mais je me demande ce que l'on cherche dans cette portion de notre rue.

La question me produit l'effet d'une couleuvre s'introduisant par mégarde dans ton rectum, l'ayant pris pour le terrier d'une taupe.

– «On!» exclamé‑je. Voulez‑vous dire que d'autres sont venus inspecter l'endroit?

– Pas plus tard que ce matin.

Je lui déballe ma brème flicardière.

Il la contemple avec un rien d'extase, puis demande:

– Je peux la toucher?

Tout ce qu'il veut, tant qu'il ne s'agit pas de mon zifolo de parade!

Il la caresse un instant, puis murmure en me la rendant:

– J'ai toujours rêvé d'en voir une; je lis tellement de romans policiers…

Pauvre gars. Mon guignol toujours prêt à la sensiblerie se perd en compassion.

– Vous me disiez donc que, ce matin, quelqu'un m'a précédé?

– J'étais à peine levé, commence‑t‑il à narrer, lorsque j'ai aperçu un homme et une femme qui arpentaient le trottoir, là devant. Ils semblaient chercher quelque chose et se tenaient courbés. Ils allaient et venaient. Au bout d'un quart d'heure, la femme s'est baissée et a ramassé un petit objet. Je n'ai pas pu le voir, elle l'a montré à son compagnon qui a paru satisfait. Il lui a donné une tape dans le dos et ils sont repartis.

– Comment?

– A bord d'une voiture verte à toit noir, une vieille Versailles d'au moins vingt‑cinq ans.

– Vous n'avez pas noté le numéro minéralogique?

– D'ici je ne pouvais pas le voir.

– Vous sauriez me décrire le couple en question?

– Volontiers. L'homme, plutôt corpulent, portait une veste de toile beige et une casquette à carreaux; la femme avait un ciré noir brillant serré à la taille par une large ceinture. La trentaine environ, des cheveux blonds, mal coiffés, tombant sur les épaules.

Je prends note de ses descriptions sur mon calepin.

– Merci de votre témoignage, dis‑je à l'infirme, je gage qu'il nous sera précieux.

– Vous le croyez vraiment?

– Tout ce qu'il y a de vraiment, mon cher ami. Puis‑je vous demander votre nom?

– Léandre Méandreux.

– Peut‑être sommes‑nous appelés à nous revoir?

– Je l'espère. Vous êtes passionnant!

Sa petite patte flétrie est pantelante et froide dans le creux de la mienne.

 

 

En regagnant la bicoque des El Djam, je suis frappé par une évidence: les tortues femelles ne se mettent pas sur le dos pour baiser.

Il me vient de ces biscornances, parfois… A se demander si je ne devrais pas boire des tisanes d'hellébore de temps à autre, afin de me purger les méninges.

Je trouve mon tendre Salami, assis dans une flaque de soleil, près d'un massif de géraniums. Il dodeline du chef, en proie à un coup de pompe.

– Tu périclites, côté tonus! lui fais‑je.

Il bâille comme un piège à blaireaux prêt à fonctionner.

– J'ai peu dormi, la nuit dernière, m'avoue le prodigieux animal.

– Tu as déniché quelque chose?

– Whoui.

– Quoi donc?

Je sais parfaitement que tu incrédulises quand je te rapporte mes converses avec mon chien. Trop cartéconsien pour mordre à ce prodige! Et pourtant, comme disait Galilée à son petit garçon qui ne savait pas utiliser sa toupie: elle tourne!

N'importe, mijote dans ton scepticisme pendant que je poursuis cette route qui me conduit à l'immoralité[27].

Comme il tarde à me répondre, je le houspille:

– Ben raconte, bordel!

Son regard cesse de ressembler à deux figues séchées ou aux burnes d'un castrat pour libérer une juste réprobance.

– Si tu dois me parler ainsi, revenons à notre vouvoiement du début! me jette le brave compagnon, ulcéré.

– Je te demande pardon, j'ai les nerfs en pelote d'épingles, ces temps‑ci, piteusé‑je.

Magnanime, il s'écrase.

– Chacun a ses problèmes, assure ce canin d'expérience.

– Tu prétendais avoir découvert du nouveau?

– C'est beaucoup dire. En humant les lieux où s'est déplacé l'agresseur de l'autre soir, je retrouve une odeur.

– De quel type?

– C'est compliqué. Elle n'appartient pas à la maison. C'est quelque chose que je reconnais sans parvenir à m'en souvenir.

– Quel genre de fragrance?

– Artificielle; j'entends, ce genre de senteur ne se vaporise pas.

– A quel endroit est‑elle la plus forte?

– Viens!

Il me guide dans les parages de la remise, près d'un bosquet de sureaux. Se remet à flairer le sol.

Tu sais quoi? Je l'imite. Vautré dans l'herbe, je me démène de l'olfactif. Mais je ne suis pas un chien. Tout ce que mon tarbouif récolte, c'est un parfum d'herbe fraîchement coupée et de compost humide.

J'en suis là de mon exploration lorsque la fille El Djam rentre de l'hosto avec sa vioque.

Sidérées, elles sont, en me découvrant à plat bide sur le sol.

Ma sublime Schéhérazade vient jusqu'à moi, indécise.

– Que fais‑tu? s'inquiète‑t‑elle.

– Je joue les Sherlock, mon amour.

Putain, même vue d'en bas, elle me porte au tricotin. Mon regard lui remonte l'entrejambe. Charitable, elle s'approche jusqu'à placer son Fragonard à l'aplomb de mon périscope géant. Vue imprenable sur un délicat slip blanc harmonieusement moustaché. Si j'écoutais mes pulsions, je me mettrais à genoux, plongerais du chef sous sa jupe et la déculotterais avec les dents. Seulement, y a Mémère bédouine et le petit en attente, tout près.

Bref instant pour dominer ma bandance, je me relève.

– La chasse aux indices, réponds‑je avec retard.

– Tu en as découvert?

– Non. Comment se porte papa?

– Il va sortir demain. J'ai peur qu'on lui fasse encore du mal.

– Peu probable. Celui qui l'a attaqué sait que nous surveillons les lieux.

– As‑tu des nouvelles de mon mari?

– On le dorlote. Le processus d'expulsion est en cours; n'aie plus de crainte, chérie.

Elle rosit et demande:

– On se revoit bientôt?

– Peut‑être avant; mais je suis terriblement mobilisé par cette enquête, tu le comprends?

Elle mouille, mais comprend. Je la quitte à regret, en embarquant un gros bâton de guignol dans ma soute à paf.

 

* * *

 

Cap sur Créteil, rue du Maréchal‑Féran[28]. La vie n'est qu'un perpétuel recommencement. Faut pas redouter les allers‑retours. Cent fois remettre son ouvrage sur le métier, disait Jacquard.

On investit les lieux au moment où Jérôme Bauhame s'apprêtait à partir.

Il a troqué sa tenue de marnage contre un blouson de daim luisant comme un cétacé fraîchement capturé, aplati sa chevelure ébouriffée à l'aide d'huile de vidange et mis une coquille de velours noir sur son lampion fané. Il fronce le sourcil de son quinquet valide en me voyant débouler derechef.

– Quelque chose ne va pas? s'inquiète‑t‑il.

– Quelque chose, non: c'est TOUT qui ne va pas, mon bon ami, riposté‑je.

– Comment cela?

– Je suis sur une affaire dont les pistons sont fendus, le delco mortibus, les pneus crevés, les pédales folles et le pot d'échappement en haillons; y a plus que le cendrier qui fonctionne encore, et hélas! il est plein de mégots.

Nonœil paraît soucieux. N'a pas l'habitude de se faire chambrer ainsi.

– Tout cela pour en arriver à quoi? demande‑t‑il.

– Je l'ignore encore. Il y a une période cafardeuse dans les enquêtes, c'est leur départ: le sol n'est pas très stable, réponds‑je loyalement.

Il B. du C.[29] et, d'un ton rogue, demande:

– C'est tout ce que vous aviez à me dire?

– Je voudrais que nous parlions d'une de vos connaissances.

– Encore!

– Cette fois‑ci, il ne s'agit plus de la famille «Prends‑du‑rond» mais de Moktar El Djam.

– Qui, dites‑vous?

Je répète en articulant comme à la Comédie‑Française.

– Non, franchement, je ne vois pas, assure le borgne. C'est un Arbi?

– Ce blase ne prête pas à confusion. J'ai déniché vos coordonnées parmi les papiers de l'homme en question.

Bauhame semble explorer sa mémoire.

– Il m'est arrivé d'avoir des mécanos maghrébins, mais aucun d'eux ne portait ce nom.

– Alors pourquoi conservait‑il le vôtre?

– Quelqu'un le lui aura donné pour le cas où il lui faudrait une voiture?

– Il ne sait même pas conduire.

– Alors, je ne vois pas. C'est si important que cela?

– Ça pourrait l'être.

– Des gens qui vous sont inconnus peuvent posséder votre adresse, non?

Sarcastique avec ça, l'enfoiré de mes deux! Un jour prochain les hasards de l'existence créeront des relations entre mon poing et son menton, c'est inévitable!

En reprenant ma chignole, je constate l'absence du chien. Je ne vais pas lui faire l'affront de le siffler, il ne me le pardonnerait pas. Je préfère l'attendre en regardant s'éloigner le borgnot. Ses ateliers sont fermés et le silence n'est troublé que par les vociférations d'une meule du quartier.

Dans son parc automobile, symboliquement protégé par une chaîne et un cadenas (pareil à ceux que l'on donne à forcer en classe préparatoire des écoles de cambriole), une douzaine de tires font les putes pour aguicher l'amateur de tacots. Certaines sont très anciennes. Cependant un mec comme Bibi leur préfère les nouvelles bagnoles, bâclées mais performantes!

Alors que je passe en revue ces vieilles dames, Salami se ramène dans le parking, l'air soudain guilleret.

– Tu viens de satisfaire un besoin naturel? questionné‑je, indiscret.

– Non: j'ai retrouvé l'odeur qui m'obsédait.

– Celle de ton agresseur de l'autre nuit?

– Affirmatif.

– Tu m'en dis davantage ou ça doit rester top secret?

– Elle provient de l'une des voitures.

– Tu me la montres?

Nous sinuons à travers les guindes et messire Burnausol stoppe devant une Juvaquatre souffrant du vilain chancre de la rouille. Sa truffe s'enfle, ses narines sifflent, son regard joue au balancier de pendule.

– Tu devrais pouvoir percevoir le parfum, à présent, assure‑t‑il, apitoyé par la carence de l'odorat humain.

– En effet, ça renifle le cannabis.

– C'est‑à‑dire?

– L'autre nom de cette plante est chanvre indien, on en extrait le haschich et la marijuana.

Les stups restent étrangers aux animaux. Ils sont sains, eux. Ignorent les paradis artificiels.

– Mon glorieux ami, dis‑je, tu viens de me rendre ce que les vieux cons appelaient autrefois «un signalé service». Grâce à ton fabuleux flair, «un pan du voile se déchire», toujours selon les mêmes glandus.

Nous entreprenons un contrôle approfondi de tous les véhicules. Outre la Juva, seule une Rosengart contemporaine d'Héraclius Ier présente les caractères olfactifs précités.

– Une perquise du garage s'impose! décidé‑je, avec cette énergie ayant assuré ma proverbialité.

Ce qui s'ensuit, je n'ai pas l'outrecuidance de te le faire deviner car tu l'as tout de suite compris: à moi sésame! Au diable la légalité! Nous contournons le bâtiment jusqu'à la porte coulissante située à l'arrière. Les serrures sont coriaces, pourtant mon bistougnot joint à ma détermination obtiennent gain de cause.

Le vaste local est divisé en deux parties: le hall d'exposition et l'atelier de réparations. Les dimensions des lieux me font prévoir de longues recherches, mais c'est compter sans mon basset. Il est déjà en train d'arpenter le territoire, le tarbouif s'usant sur le sol carrelé. Si on lui cloquait un fil électrique dans l'œil de bronze, tu le prendrais pour un aspirateur. Fidèle au comportement des chiens de chasse, il décrit des figures géométriques désordonnées, fonçant en avant, louvoyant, revenant sur ses pattes, subjugué par sa mission.

Je le contemple, plein d'intérêt et d'attendrissement. En voilà un qui mérite son tournedos Rossini, espère! Passionnant de contempler ses circonvolutions!

Sa frénésie quêteuse dure cinq bonnes minutes (peut‑être six), après quoi il se penche sur la fosse à vidange, reniflant avec la force d'un aérateur pour salle de meetinges. Des échelons scellés dans une paroi de l'excavation permettent d'y descendre (et accessoirement d'en remonter).

– Qu'est‑ce que tu attends? me lance tout à coup le hound d'une voix irritée.

– J'hésite à cause de mon costard, réponds‑je. Mais bon: «quand faut y alla, faut y alla», dit‑on dans mon pays.

Et une livraison pour la teinturerie, une!

Je dégravis l'échelle. Au fond, c'est plein de flaques d'huile aux moirures vertes et jaunes. Je craignais pour mon Cerruti, mais mes targettes de daim dégustent davantage que lui!

Une chanson de papa disait comme ça: T'es au bal, faut qu'tu danses. Alors, me fiant à Salami, je commence les investigations. Aucune porte ni trappe n'est décelable. J'ai beau mater de près: ballepeau!

– Tu ne te serais pas excité pour rien? lui lancé‑je.

Ça lui hérisse le poil.

– Aide‑moi, j'arrive.

L'Intraitable se jette horizontalement dans mes bras tendus. Le reçois quatre sur quatre (je fais allusion à ses pattounes) et le dépose à mes pieds.

Nouvelle série de fouinassements, puis il stoppe au bord de la grille par laquelle s'évacuent les huiles vidangées.

Faisant définitivement le deuil de mes hardes, je passe huit doigts agiles à travers les mailles de fonte et parviens à arracher le filtre.

Tu vas me dire que lorsqu'on cherche, trouver ne constitue plus une surprise; cependant j'ai un sursaut en découvrant le sous sous‑sol. Je m'attendais à un tuyau d'évacuation, mais nenni! Figure‑toi un énorme entonnoir dans lequel coule le résultat des carters purgés. Ledit occupe le centre d'une sorte de grotte artificielle. Tout autour sont rangés des sacs de toile blanche hermétiquement cousus. D'un coup de canif j'en éventre un. Il s'agit de came surchoix.

Evaluer la quantité rassemblée est presque impossible. D'après moi, cela représente plusieurs centaines de kilos.

Sans plus attendre, je remonte dans la fosse et, de là, dans l'atelier.

Mon turlu de gousset me permet de contacter la brigade des stupéfiants.

J'expose le topo et conclus:

– Arrivez sur la pointe des pieds, mes drôlets. Il convient d'établir une souricière ouatinée car il me faut toute l'équipe, depuis le grand patron jusqu'au mec qui rallume ses cigares.

 

 

Le prodige fit que les trois intimes de San‑Antonio: Béru, Pinuche et le Négus se retrouvèrent simultanément à la Maison Poulardin après leur enquête sur les six personnes figurant dans le carnet d'Yvan Dressompert.

Ils eussent pu arriver à intervaux espacés, mais non, ils se rencontrèrent dans le vaste hall de la Cabane Bambou comme dans une comédie de boulevard.

S'exclamèrent sur ce caprice du hasard et grimpèrent de conserve jusqu'au bureau du célébrissime San‑A. Le surhomme étant absent, ils s'y installèrent pour l'attendre.

Bérurier, se promouvant chef du groupe, prit l'initiative.

– La pêche a t'été bonne? questionna‑t‑il.

César Pinaud (dont la teinture capillaire avait fini par sécher) hocha sa tête chenue.

– En ce qui me concerne, déclara‑t‑il, ça a été réglé rapidement: mes deux «clients» sont décédés.

– Pas possible! s'écria Jérémie: les miens également. Tués ensemble dans un accident de télécabine.

– Pareil pour moi! s'exclama la Pine.

Béru, qui se réservait pour la bonne bouche, intervint à son tour:

– Pavanez pas, les mecs. Mes zigus ont fait de même!

Nos amis passèrent rapidement et sans difficulté de l'étonnement à la stupeur. Confrontant leurs fiches, ils s'aperçurent que les six personnages (en quête de hauteur) s'étaient abîmés de concert, quatre mois auparavant, dans la station alpine de Pran‑Deloigne, en Savoie; suite à la rupture d'un câble, leur cabine s'était décrochée à mille cinq cents mètres d'altitude. Huit touristes l'occupaient: deux sportifs belges et les hommes sur lesquels San‑Antonio avait demandé d'enquêter. Comme il ne pouvait s'agir d'une coïncidence, nos limiers d'élite décidèrent de pousser les recherches sur ces gens.

Constatant que San‑Antonio ne réapparaissait point, Jérémie laissa un mot sur la table de travail, après quoi ils repartirent au charbon. A l'exception de César, qui s'en alla négocier les confidences promises par Ma Gloire en échange de la seringue compromettante.

 

* * *

 

La Pine passa par le labo et demanda à Mathias de lui remettre l'objet délictueux. Le Rouillé lui donna une réplique de cette pièce à conviction. Nanti de l'objet, la Vieillasse partit pour l'hôpital, tenir son rôle de ripou.

Cet emploi de maître chanteur ne lui messeyait pas et même l'amusait. Il est beaucoup plus attrayant pour un honnête homme de jouer les fripouilles que l'inverse.

En quittant l'ascenseur, il fut charmé par le spectacle d'une agréable infirmière qui remettait son collant en place.

Cet être aimable appréciait les scènes de qualité et remercia le hasard de lui en fournir une en cet instant fortuit, aussi fut‑ce d'un cœur primesautier qu'il toqua à la porte de Titan.

Nul ne lui répondant, il se permit d'entrouvrir l'huis et eut droit à l'émouvante vision de l'académicien endormi avec, sur la poitrine, l'un de ses livres qu'il n'avait jamais eu encore l'occasion de lire.

Saisi par la majesté de l'image, Pinuche s'approcha jusqu'au siège de chevet, s'y déposa et consentit un sursis au dormeur.

Date: 2015-12-13; view: 386; Нарушение авторских прав; Помощь в написании работы --> СЮДА...



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