Ãëàâíàÿ Ñëó÷àéíàÿ ñòðàíèöà


Ïîëåçíîå:

Êàê ñäåëàòü ðàçãîâîð ïîëåçíûì è ïðèÿòíûì Êàê ñäåëàòü îáúåìíóþ çâåçäó ñâîèìè ðóêàìè Êàê ñäåëàòü òî, ÷òî äåëàòü íå õî÷åòñÿ? Êàê ñäåëàòü ïîãðåìóøêó Êàê ñäåëàòü òàê ÷òîáû æåíùèíû ñàìè çíàêîìèëèñü ñ âàìè Êàê ñäåëàòü èäåþ êîììåð÷åñêîé Êàê ñäåëàòü õîðîøóþ ðàñòÿæêó íîã? Êàê ñäåëàòü íàø ðàçóì çäîðîâûì? Êàê ñäåëàòü, ÷òîáû ëþäè îáìàíûâàëè ìåíüøå Âîïðîñ 4. Êàê ñäåëàòü òàê, ÷òîáû âàñ óâàæàëè è öåíèëè? Êàê ñäåëàòü ëó÷øå ñåáå è äðóãèì ëþäÿì Êàê ñäåëàòü ñâèäàíèå èíòåðåñíûì?


Êàòåãîðèè:

ÀðõèòåêòóðàÀñòðîíîìèÿÁèîëîãèÿÃåîãðàôèÿÃåîëîãèÿÈíôîðìàòèêàÈñêóññòâîÈñòîðèÿÊóëèíàðèÿÊóëüòóðàÌàðêåòèíãÌàòåìàòèêàÌåäèöèíàÌåíåäæìåíòÎõðàíà òðóäàÏðàâîÏðîèçâîäñòâîÏñèõîëîãèÿÐåëèãèÿÑîöèîëîãèÿÑïîðòÒåõíèêàÔèçèêàÔèëîñîôèÿÕèìèÿÝêîëîãèÿÝêîíîìèêàÝëåêòðîíèêà






Dans lequel on en apprend beaucoup… et de belles .





 

Une immense rumeur…

Une rumeur qui n’est peut‑être que le grondement de mon sang dans mes tuyaux?

Non, puisqu’elle se précise. J’entends la voix altière du cher Béru. Ineffable musique! Allons, fais un effort, San‑A.! Et soulève tes paupières cimentées pour, une fois encore, jeter un regard désabusé sur le monde. La mort t’emportera un jour. Mais plus tard. Mais ailleurs. Quand on perçoit l’organe du Valeureux, on n’est pas canné. Je rouvre mes beaux yeux si chargés de séduction que je suis obligé parfois de prendre un sac tyrolien pour les coltiner. Je suis toujours dans le local aux statues. Béru, lui, est toujours en slip. Crépi de ciment, ruisselant de sueur, il s’évertue sur mes chaînes, lutteur de foire superbe et infatigable. «Encore vingt francs, m’sieurs‑dames et je brise la chaîne!»

Il s’aperçoit que j’ai repris conscience et me vote un clin d’yeux. Se permettant une pause, il s’essuie le front d’un revers de bras sale, ce qui lui macule la devanture un peu plus.

– Je vais te dire, déclame le Puissant, c’est pas que t’as pas l’intelligence; mais c’est la persévérance qui te manque.

– Qu’entends‑tu par là? soupiré‑je.

– On se kidnappe une sœur chez le prince. Elle nous baragouine en chleu, je te suggérasse alors bêtement que peut‑être elle pigeait pas le françouze et toi, aussi sec, tu décroches. Tu prends mon hypothèse argent comptant, San‑A. Tu cherches et trouves son adresse, et tu nous moules comme des malpropres pour radiner ici où ce qu’on t’a fait ta joie de vivre dans les grandes largeurs! C’est un peu braque comme système. Un peu cavalier!

– Tandis que toi, Grosse Pomme?

– Tandis que moi, je prends mon temps, je suis un méthodiste, Mec. Mon côté terreux, probable. Seulement j’arrive à temps quand il faut arriver à temps!

– Raconte!

– La fille de chez le prince, Isabeau, elle s’appelle.

– Comment, le sais‑tu?

– Voyez méninges! dit‑il en se frappant le bocal. Dès que t’as été tiré j’ai voulu en avoir le cœur net qu’elle causait pas français. Alors je la biche au grand écart des autres et je lui chuchote:

– Maintenant que le boss est parti, si on conclurait un petit marché, vous z’et moi? quèque chose comme un gentelman agrémenté.

Du beurre, mon pote! Du Beurre! Un vrai velours! Elle a pas pu résister à la tentation. La v’là pour le coup qui se met à déballer un français que le mien, à côté, ferait presque pas sérieux.

– Qu’avez‑vous à me proposer? elle demande.

– Ça pour commencer, hypocrite! je lui rétorque en lui assaisonnant une baffe pour grande jeune fille.

Le Gros s’acharne sur mes entraves.

– Tu me connais? enchaîne‑t‑il tout en me déchaînant. Je suis le bon garçon, serviable et plutôt galant, mais quand la rogne s’empare, je me connais plus. Tous ces meurtres, tous ces attentats: à la matraque contre Laurentine, à la mitraillette contre nous deux, à la pudeur contre Berthy, ça m’avait dégoupillé l’hépatique. En plus, de constater que cette garcerie de fillasse venait encore de nous chambrer, ça m’a congestionné. J’ai vu rouge, quoi!

– Et alors?

– Alors la môme est à l’hosto, ellipse‑t‑il. Mais avant son admission, elle a craché ce qu’elle savait, je te le jure, depuis son nom, son adresse et en continuant par le reste.

Mes chaînes de mains tombent, vaincues par la poigne béruréenne. Quel cadenas saurait résister à la vigueur du cher A.‑B.?

– Tu fusses été là, reprend le Fameux, recta tu m’empêchais de la cuisiner façon Béru, vu que tu seras toujours bécasson avec les sœurs bien roulées et qu’ont l’œillade en grain de courge. Moi, ce que j’ai besoin, c’est de mes coudées franches quand je suis en interrogatoire. Chez le prince j’ai pu prendre mes zèzes, laisser galoper mon imagination.

– Bref?

– Bref toi‑même! s’insurge mon ami. Je radine ici comme Zorro pour sauver la fille du shérif qu’est ligotée sur la voie du train sibérien, et tout ce que tu trouves à me remercier, c’est bref!

M’est avis, qu’il subit un coup d’orgueil, le Gros. Les lauriers de sa victoire lui chauffent la rotonde. Va falloir l’anoblir, le convoyer d’urgence sur la Chambre des pairs, ou sur celle des paires; des pairs d’Angleterre ou des paires de couilles (c’est souvent du kif).

– J’ai hâte de savoir, m’excusé‑je…

– Ce qui m’a chauffé à blanc contre elle, poursuit le Mastar, plein d’indulgence, en s’occupant de me déferrer les nougats, c’est sa malveillance en ce dont qui concerne mon oncle. Moi, tu me connais?

– Oui, Béru, soupiré‑je, je te connais, de haut en bas, de l’intérieur et de l’extérieur, de gauche à droite et en diagonale, mais je t’en supplie, raconte de façon cohérente, j’ai la comprendette qui fait roue libre à t’entendre vagabonder de la menteuse!

– Ce que t’as aussi qui te jouera toujours des mauvais tours, c’est ton impatience, sermonne‑t‑il.

Dites, les beautés, comme revue de détail de mes défauts, ça se pose là! Il a entrepris le grand ramonage de printemps, Bérurier.

Pourtant, se léchant la sueur qui lui perle dans le goulet de la lèvre supérieure, il continue.

– Figure‑toi que Kelbel était un copain du père nazi d’Hildegarde… A la fin de la guerre, il a sauvé la mise du gars ainsi que d’un autre dont je me rappelle plus le blaze…

– Wolfgang Ster, dis‑je.

– Oui, c’est ça, paisible‑t‑il.

Puis il fait un double look à la Laurel et Hardy et s’égosille.

– Comment t’est‑ce que tu sais ça?

– Parce que je ne suis pas aussi truffe que tu parais le croire depuis un moment; vas‑y, poursuis!..

Le cœur n’y est plus. Je lui ai fauché l’allégresse. Coupé net l’avide bonheur de révéler.

– Donc, fait‑il, le type en question, comment déjà?

– Wolfgang Ster.

– D’accord. Le Gangster était pote au prince. Quand la révolution a éclaté au Jtempal, Kelbel lui a remis des diams…

– Pour qu’il aille les déposer dans un coffre en Suisse, mais Wolfgang a préféré les sucrer pour son compte!

Il sévérise tout de go:

– T’es décourageant, Mec. Si t’es au parfum, dis‑je, pas la peine que je te joue mon concerto pour nouilles aux œufs frais si tu le connais par cœur!

– Là s’arrêtent mes connaissances, le libéré‑je, à partir de dorénavant, ce que tu vas dire, c’est de l’entièrement neuf, du bénéfice net pour toi!

Ça le requinque.

– Gis go! Le prince est flouzé et, qui plus est, détrôné. Le v’là qui radine à Pantruche. Il a prévenu la fille de son camarade Heinstein qu’est prostipute à Hambourg. Elle radine pour l’aider à retrouver l’arnaqueur, lequel se planque sous des faux blazes, vu qu’il est recherché pour nazisme. Ce zig, c’est un amateur de pétasses. D’où l’esploration des différents points de prostitution de Paris par Hildegarde, tu suis?

– Je!

Il m’ôte ma seconde chaîne. Quand y a plus de chaîne, y a du plaisir. Je me fais jouer les muscles, les articulations, les membres…

– Après, mon Gros?

– Hildegarde a été tuyautée. Elle a appris que le Gangster…

– Wolfgang Ster, en deux mots qui se décomposent en prénom et nom, rectifié‑je.

– Et si je préfère l’appeler Gangster tout court pour la commodité du transport? se rebiffe le Dodu. Tu trouves que ce diminutif lui va pas?

– Entièrement d’accord avec vous, baron. After?

– Hildegarde a donc appris que le Gangster s’est mis en cheville avec Laurenzi pour couler les gadins[62]. La v’là qui s’introduit dans les relations de Laurenzi, comme pensionnaire de sa turne d’abord, puis, une chose en amenant d’autres, comme amie. Elle se fait un allié de Laurenzi et lui demande de l’aider à mettre la paluche sur Gangster.

– Minute, tu ne m’as pas dit si Laurenzi avait bradé les pierres du nazi?

– C’est là que je m’ai filé en rogne. Cette ordure a prétendu qu’il avait branché le Frisé sur mon oncle, comme quoi tonton Prosper eusse été un receleur de grande envergure.

Béru se claque les jambons.

– Tu vois d’ici? Tonton dans sa métairie, avec sa paillasse et son coq pour copain, chiquant les grands cracks du recel dans la bouse de Saint‑Locdu‑le‑Vieux! Y a de quoi s’extirper les boyaux pour en faire des blagues à tabac, non?

– En effet.

Ça l’a mis de bonne humeur, cette perspective.

– Qui est la dénommée Isabeau par rapport à Hildegarde?

– Une amie d’enfance, elles ont fait les Beaux‑Arts ensemble. C’est elle qu’est propriétaire de cette galerie dont tu es dans l’annexe du fond de la cour. Paraît qu’elle est entretenue par un riche maniaque de la finance. Ces deux bergères se sont si tellement bien démenées qu’elles ont fini par découvrir que le Laurenzi les berlurait et qu’il trafiquait avec Gangster.

– C’est pourquoi elles lui sont serré le corgnolon jusqu’à ce que mort s’ensuive?

– Exact.

Il se rembrunit.

– Auparavant elles avaient appris le décès de mon tonton et elles pensent que c’est un coup de Gangster destiné à clore le bec à mon pauvre onc’.

– Parce qu’elles le croient réellement coupable de recel?

– Exact. D’où ma colère légitime, San‑A. J’ai exposé mes arguments à la sœur, comme quoi un Bérurier ne trempe pas dans des combines de ce genre.

– Des arguments frappants, je suppose?

Il montre ses phalanges écorchées.

– La preuve!

– Et alors, j’avoue que je ne pige plus la suite. Pourquoi s’en sont‑elles prises à toi, à Laurentine, à ta Grosse?

– Parce que, dans l’intervalle, elles ont retrouvé le gars qu’elles cherchaient, le Gangster en deux mots. Il a avoué sa copulation avec Laurenzi, mais en plus, il les a lui aussi fait naviguer dans son barlu personnel en prétendant avoir vendu les bouchons de carafe à mon tonton. C’est à cause qu’elles sont allées fouiller la ferme de Saint‑Locdu, le soir de l’enterrement. Au paravent, comme disent les Chinois, elles avaient réglé son compte à Laurenzi.

– Elles n’ont rien découvert?

Il pâlit et m’accable d’un regard blanc et souligné de bistre.

– Dis voir, San‑A. Tu suspicionnerais mon oncle Prosper, toi z’aussi?

– Ça m’a échappé dans le feu de l’action, Gros, amende‑honorablé‑je.

Il consent à m’absoudre.

– Ces garces ayant appris qu’on héritait, elles se sont jeté le dévolu sur nous autres, comprends‑tu?

– Parce qu’elles croyaient que tu avais les pierres?

– Elles ignoraient. Elles se trouvaient dans un nomade slang, ce qui les a inquiétées, c’est d’apprendre que je fusse flic. Elles se sont assuré la personne de ma Berthe à toutes fins utiles. Elles voulaient me tâter le terrain, d’où ce rencart à la foire du Trône. Ce qui a tout gâché, c’est toi. En te voyant, elles ont cru à un braquemard, je veux dire à un traquenard. Le frangin qu’elles avaient appelé de Tunisie où qu’il tient une boîte de jeu, pour les aider, nous a défouraillé dessus. Après quoi ils ont cavalé chez moi pour fouiller, vu que de jour ils n’avaient pas z’osé, craignant un retour éventuel de moi‑même. Ils sont tombés sur Laurentine et l’ont estourbie.

Je marche un peu dans le local. Je vais au lavabo du fond pour me nettoyer. Le Mastar me suit, docile comme un gros toutou qui marche sur les talons de son maître.

– Le reste, t’es au courant, conclut‑il.

– Rita et Couchetapiane dans tout ça?

– Elle a connu Rita en tapinant. C’est par son jules qu’elle a fait connaissance de Laurenzi.

– Dis voir, qu’ont‑elles fait du dénommé Wolfgang Ster?

– Elles l’ont torturé, lui ont piqué son paquet de flouze pour le restituer au prince, à défaut des pierres.

– Et puis?

Béru a un geste large pour me désigner l’atelier.

– Et puis elles lui ont fait ce qu’on venait de te faire, mon pote! Le camarade nazi est parmi nous en ce moment. Dans quelle estatue, ça reste à découvrir…

Il passe en revue les énormes, les germains personnages de pierre qui nous environnent.

– Peut‑être là‑dedans, dit‑il en flattant la croupe d’une matrone; peut‑être là‑dedans, continue le Gros en montrant les vestibules d’un éphèbe à la mâchoire carrée et au ventre musclé.

Je suis propre maintenant. J’enfile une blouse blanche accrochée au mur.

– Comment as‑tu eu l’idée de venir ici?

– Le pressentiment, mec. Quand je suis radiné, tout était vide, mais y avait de la fumaga de cigarette blonde dans l’air. J’ai aperçu alors la statue à la renverse, bourrée de ciment frais. Me souvenant de ce que l’Isabeau venait de m’apprendre sur le sort de Gangster, j’ai eu l’idée de touiller le potage, du temps que ça n’était pas pris. Je t’ai sorti de la complètement groggy. Dix minutes de bouche‑à‑bouche je m’ai payé… Mon bonheur quand t’as poussé un soupir… Une minute de retard dans les transmissions et on te rayait de l’état civil, San‑A., soit dit sans me vanter.

Je le chope par le cou et lui plaque une monumentale bise sur ses joues plâtreuses.

– Combien de fois déjà m’as‑tu sauvé la vie, mon Béru?

Il écrase un pleur plus salé que de la morue en baril.

– Et toi, dis, San‑A.? Nous deux c’est réciproque, alors on est quittes.

– Où sont ces dames?

– Berthe et Mme Odile? A la maison. Et fais confiance qu’elles se boucleront à double tour et que pour leur faire ouvrir, suffira pas de leur dire qu’on vient relever le compteur ou leur proposer le calendrier des éboueurs!

– Les larbins du prince?

– Le rouquin est à l’hosto avec Isabeau, l’autre je l’ai fait mettre au frais.

– Bravo!

– Quels sont tes projets dans l’immédiat, San‑A.?

– Prendre un bain bien chaud, boire un scotch bien frais, mettre des fringues bien masculines et me lancer sur les traces d’Hildegarde.

– Ça va pas être commode, une nière aussi organisée doit posséder des positions de repli…

– Elle s’apprêtait à partir en voyage, m’a dit Berthe qui a assisté à des adieux de Fontainebleau entre elle et le prince…

– Nacht la Bochie, je suppose? Mamzelle nazifiée a dû rejoindre sa base.

– C’est également ce que je suppose, Béru.

Le Gravos pilote ma guinde et la drive vers mon domicile. Moi, je gamberge en profondeur à cette affaire. Admettez, mes z’enfants, qu’elle est pas piquée des hannetons! Mieux que dans un roman d’espionnage, hein? D’ailleurs y a pas de mal à faire mieux. Dans les bouquins d’espionnage, on cultive l’infantilisme. Lorsque deux messieurs doivent se filer rendez‑vous, au lieu de se téléphoner, comme on fait en pareil cas, ils louent deux barques au bois de Boulogne. Y en a un qui a mis son message dans une boîte plombée peinte en rouge et qui la largue au mitan du lac, tandis que le second, nanti d’un appareillage de plongée, pique une tête dans la baille pour aller le récupérer. Et sur le message, y a écrit (en code): «Trouvez‑vous demain à 14 heures à la terrasse du Fouquet’s.C’est ça, le roman d’espionnage. Une supercomplication des actions les plus banalement quotidiennes. La recette, je vous la donne pour si des fois le cœur vous en dirait.

– A quoi t’est‑ce tu songes, San‑A.?

– Le sais‑je, mon ami?

Moi, quand j’entreprends un bouquin d’espionnage, je vais jamais plus loin que la vingtième page. Notez que lâcher un livre à la page 20 c’est pas grave; ce qui l’est c’est de le larguer à la page 180. Peut‑être que les miens vous les moulez à cette distance, non? Trop farfelus! Trop abracadabrants? Vous y fiez pas, à mes outrances, passez outre mon argot de cuisine, mes amours, on a le droit de mettre son cœur devant des miroirs déformants pour qu’il fasse moins cœur et un peu plus con, non?

– Ce qui me fout en renaud, c’est les avatars de mon pauvre oncle Prosper! murmure le Dodu, dents crispés. Un brave homme, un peu radin, pris comme tête de pipe par ces sauvages, c’est démoralisant, tu ne trouves pas? Je me demande s’il a vraiment été refroidi, et par qui?

On arrive à notre pavillon de Saint‑Cloud. Tout est éteint. Félicie dort. Mais d’un sommeil si léger qu’elle allume avant que je sonne.

En me voyant dans cette blouse blanche, elle s’inquiète:

– Qu’est‑ce qui t’est arrivé, mon pauvre grand?

Le pauvre grand la rassure, invente des prétextes apaisants. Il fait bon ici. On est en sécurité. Passé la grille du jardinet, c’est l’odeur de lessive et de cire fraîche, les gentils relents d’échalotes, la touffeur de la maison heureuse où flotte une sagesse de mère attentive. La tendresse de Félicie a fini par se matérialiser. On la sent comme on sent la brise, les soirs d’été, quand la journée a été chaude et que le jour meurt dans toute sa gloire. Félicie, son amour pour moi ressemble à une brise fraîche, faite pour calmer et pour endormir.

– Pendant que je prends mon bain, téléphone à la Maison mère, Gros, des fois qu’ils auraient du nouveau de leur côté à propos de la môme. Tout à l’heure, j’ai refilé son nom de famille pour qu’ils le transmettent à Hambourg…

– Puis‑je vous faire un peu de café, monsieur Bérurier? s’inquiète M’man.

Mais le Gros dubitative:

– Trop p’aimable, Maâme, mais si vous auriez un reste de soupe ou de viande froide, je préférerais, vu que je m’ai payé des travaux de maçonnerie plutôt fatigants.

Je suis immergé à quatre‑vingt‑dix‑huit pour cent (seuls restent hors de l’eau mon nez et ma bouche) lorsque mon ami se met à tabasser la lourde. Quand on a les portugaises dans la flotte, les bruits sont décuplés et caverneux. J’ai l’impression que le mont Blanc s’écroule ou qu’un Boeing traverse un tunnel.

– San‑A.! Ça y est!

Je chique au triton jaillissant. Une flaque d’eau bascule de la baignoire avec un bruit de crêpe ayant raté la poêle.

– Ouais?

– Ça y est. Ils ont l’adresse de la gonzesse, près de Hambourg. Tiens‑toi au bastingage, Gars, ton Hildegarde a un château!

Un avion‑taxi frété d’urgence par les Services nous dépose au petit matin sur l’aéroport de Hambourg. Il fait un temps gris et blanc. Y a de la neige et les arbres givrés semblent être fabriqués avec de la pâte de verre. On voit l’Elbe, noire, frangée de glace, avec de gros bateaux mélancoliques qui déambulent au loin à travers la campagne souillée d’usines.

Une auto noire, pilotée par un grand gaillard blond, sanglé dans un long cuir noir nous attend. Il sait où nous nous rendons, car, après avoir claqué les talons et les portières, il s’installe au volant et démarre sans un mot.

On franchit des faubourgs neufs, des ponts neufs… On avance lentement à cause du verglas. C’est plein de mecs emmitouflés qui roulent à moto, de Volkswagen aux vitres embuées… Le peuple du labeur va au turf sous le halo des lampadaires pas encore éteints.

Notre voyage dure une heure. Le Gros ronfle dans le fond de la bagnole. J’ai les yeux qui me picotent. Le jour est pleinement levé lorsque nous stoppons devant la monumentale grille d’une somptueuse propriété.

A notre coup de klaxon impératif, un gardien unijambiste accourt. Il est coiffé d’une casquette à visière de cuir noir et porte une canadienne à col de mouton. Le chauffeur parlemente avec lui. L’unijambiste délourde. Notre bagnole s’engage dans une majestueuse allée bordée de sapins. Je secoue Béru.

– Allons, Gros, on arrive dans le monde!

Il grogne, bâille, mugit, s’étire, clape de la menteuse (une langue qui évoque irrésistiblement une balayette (de gogues) et se fourbit les phares pour mieux déguster le paysage.

Le château est de style Louis XIII allemand, comme me disait naguère un antiquaire. Une fois sur l’esplanade, on découvre une immense pelouse descendant en pente douce jusqu’à l’Elbe. Au loin, un kiosque à musique romantique se découpe en sombres croisillons sur la blancheur ambiante. Ne serait‑ce pas la propriété de l’ex‑chef nazi dont Hildegarde avait parlé à notre copain le tatoueur? Elle décrivait les uniformes verts à parement rouges, la foule mondaine et terrible du Troisième Reich…

L’auto stoppe devant le perron. Un maître d’hôtel, prévenu par le gardien, s’empresse. Notre pilote se met à lui baragouiner. J’écoute, mais je pige trop mal l’allemand pour pouvoir suivre.

Nous pénétrons dans un immense hall où des armures bien fourbies montent une garde médiévale.

– Que dit‑il? demandé‑je à notre convoyeur.

– Fräulein Hildegarde Heinstein est en voyage. Elle doit rentrer aujourd’hui…

Ils se remettent à bavasser.

Le Gros les écoute, sourcils froncés.

– Quand deux Allemands causent, on dirait toujours qu’ils s’engueulent, remarque‑t‑il. C’est une langue qu’a été inventée pour commander un peloton d’exécution ou pour vendre du poisson à la criée!

J’opine. Je suis surpris par l’atmosphère du lieu. Ce château évoque plutôt une clinique. J’aperçois deux chariots d’infirme sous l’escalier. Et, au premier, un type en pyjama traverse la galerie en s’aidant de béquilles.

Je frappe le dos de cuir de mon collègue hambourgeois.

– Qu’est‑ce que c’est que ces voitures orthopédiques?

Il pose la question. Le maître d’hôtel est un grand glabre, aux cheveux rares, aux traits creusés. Des rides profondes mettent sa bouche entre parenthèses et son regard est calme. Il explique des trucs que, scrupuleusement, le flic allemand nous traduit:

– Mlle Heinstein a fait un procès au gouvernement allemand et l’a gagné. Elle est rentrée en possession des biens dont on avait dépouillé sa famille à la chute du régime. Depuis lors, elle a transformé cette propriété en maison de repos où sont recueillies les victimes nécessiteuses des atrocités nazies.

On se regarde, médusés, Béru et moi. On croit être les jouets d’un mauvais rêve, comme on dit dans les romans bien chiadés.

Hildegarde, en bonne dame secourable! Cette meurtrière, cette prostituée, consacrant ses ressources à soulager ceux que son défunt père mit à mal pendant la guerre!

– Dis donc, San‑A., murmure Béru, tu crois pas qu’il y a confusionnement quant au sujet de la personne et que notre Hildegarde à nous a dû usurper l’identité de celle‑là!

– Je voudrais voir une photographie de Fräulein Heinstein! dis‑je à notre mentor.

Il transmet ma requête au chef larbin. Le maître d’hôtel s’absente et revient avec une grande photographie montrant Hildegarde (la nôtre) en maillot de bain sur une plage.

– Alors c’est une façade, bavoche Béru. Son castel aux éclopés lui sert de couvrante, Mec. Elle est mâtée, la futine[63]!

Comme dans une pièce, le téléphone sonne, le maître d’hôtel s’excuse et décroche. J’ai beau ne pas entraver la langue de Bach, je réalise immédiately et même un peu plus vite qu’il s’agit de la môme. A la façon qu’il a rectifié la position, le larbin, et qu’il s’est cassé en deux pour lancer un emphatique: «Ja woll, Fräulein!»

Aussitôt je bondis. D’un index péremptoire, je lui fais signe de ne pas parler de notre présence ici. Curieux comme on trouve l’éloquence du geste en cas d’urgence. Il pige clairement. A peine s’il a marqué un temps d’arrêt. Mon collègue de Hambourg (les poulets de cette ville sont tous des flics hambourgeois) s’est rapproché, a pris l’écouteur annexe… Ça dure très peu de temps. Le maître d’hôtel répète un tonitruant «Ja woll, Fräulein!» et raccroche.

– C’était elle, n’est‑ce pas?

L’homme au manteau de cuir noir opine.

– Elle vient d’arriver à Hambourg. Elle demandait si tout allait bien ici. Elle a dit qu’elle passerait demain, mais qu’aujourd’hui elle va rester dans son logement de Sankt Paoli.

– N’est‑ce pas le quartier crapuleux de la ville?

– Le port, oui…

– Marrant qu’une fille possédant ce château ait un appartement dans les bas‑fonds, vous ne trouvez pas?

Déjà, il demande l’adresse au maître d’hôtel. Je le vois ouvrir de grands yeux stupéfaits.

– Elle habite la rue aux filles! me traduit‑il, dans une phrase qui n’est qu’une exclamation.

Herr ami, lui dis‑je, vous allez surveiller ce domestique pour qu’il ne communique pas avec sa maîtresse, tandis qu’avec votre permission j’emprunterai votre voiture pour aller à Hambourg!

Il n’est pas joyce.

– Je peux téléphoner à mes collègues pour qu’ils…

– Je préfère m’occuper de cela en personne!

Il a des ordres très stricts me concernant et il s’incline.

– Comme vous voudrez, Herr commissaire.

C’est crapuleux, c’est louche, c’est angoissant, et c’est terrible comme est terrible le vice lorsqu’il est allemand.

Des chicanes de fer barrent la rue aux véhicules, n’en permettant l’accès qu’aux seuls piétons.

Nous entrons. Une succession de petites vitrines s’offrent à la convoitise des passants. Derrière les vitres, nous découvrons une série d’intérieurs meublés de divans pelucheux, de lampadaires à pompons, jonchés de coussins, décorés de poupées de fêtes foraines et de chromos naïfs. Des dames de tout poil (o yes) prennent des poses sur leurs coussins, exposant leurs charmes frelatés à la sanguinité des clients en puissance. C’est le palais des mirages pour Béru qui en prend plein ses vasistas (de l’allemand was ist das?). Il est époustouflé par ce déballage. Y a de tout: des grandes, des grosses, des maigres, des obèses, des brunes, des blondes, des bossues, des tuberculeuses, des vérolées, des chattes, des dianes, des houris, des guerrières (avec des slips et des bottes noirs), des amazones, des protestantes, des juives, des rousses, des ogresses, des qui ressemblent à Mm’zelle Lili, des qui ressemblent à Lili Marlène, des aphrodisiastes, des réfrigérantes, des surbaissées, des déglandées, des gorginantes. Faites votre choix, messieurs! Y en a pour tous les goûts et, n’ayons pas peur des maux: pour toutes les bourses. C’est un lot, un lotissement, une loterie, c’est une affaire! Préparons la mornifle! Entre les vitrines, des appareils distributeurs distribuent des préservatifs ou de la poudre aphrodisiaque. Une faune surprenante, déprimante, avide, gravite dans cette rue fermée. C’est plein de voyeurs qui vont d’une vitrine à l’autre, avec des déplacements lents et mornes de poissons rouges. Les femmes leur adressent des œillades, des baisers, des gestes crus, ignobles.

Certaines frappent à la vitrine. D’autres ouvrent leurs jambes en un effroyable mouvement d’invite. Ils sont furtifs ou font les matamores, les gars clients. Y a les petits vieux prestes comme des suppositoires, qui regardent, qui contemplent, qui perspectivent et puis, tout à coup, frroutt, pénètrent dans un logement. Le rideau se ferme. On imagine. Le gars ressort très peu de temps après. Le rideau se rouvre. La dame est là, dans sa posture initiale avec un sourire repeint aux lèvres. Des matafs en goguette, beurrés encore de la nuit, chantent et font des démonstrations, collés contre les vitres.

– Oh dis donc! croasse Béru, mords un peu cette sirène! Si on serait pas en service commandé, je m’offrirais un extra.

La personne en question doit peser dans les deux tonnes. Deux fois, trois fois grosse comme Berthe, elle est. Avec des cuisses comme la dame‑canon de la foire du Trône, où les bourrelets s’étagent comme la vigne sur les coteaux de Sicile. Elle porte un tutu rouge sang, un soutien‑gorge rouge avec des écailles argentées et une magnifique fleur de celluloïd dans ses cheveux roux. Elle sort sa langue et la promène sur ses lèvres graisseuses afin de faire rougeoyer l’imagination de mon ami.

– Arrive, Gros, c’est pas le moment des fredaines.

Nous parvenons devant le numéro de la môme Hildegarde. Une porte basse, deux marches. Les rideaux de sa vitrine sont fermés. Je tourne le loquet et ça s’ouvre. Je débouche dans une pièce pas plus grande qu’une cuisine parisienne. Il y a un canapé face à la fenêtre‑vitrine. Une forme est allongée dessus, tout habillée. Je reconnais le ciré noir, la chevelure blonde…

– Je m’excuse de vous réveiller, Fräulein…

Hildegarde sursaute et se dresse sur un coude. En me reconnaissant, son visage se convulse. Elle doit se croire en pleine hallucination. Une valise de cuir est posée sur le plancher. Elle a les traits tirés. Elle a dû conduire toute la nuit, car elle paraît épuisée. Et ce coup de stupeur pour finir! Le revenant! San‑A. dressé hors de son sépulcre dans un impeccable pardingue en vigogne, une limace bleu pervenche et cravaté d’une régate rouge et bleu… San‑A. présent! San‑A. vengeur! San‑A. implacable malgré son sourire. San‑A. et son Béru excité.

– C’est vous! ne peut‑elle s’empêcher de murmurer.

– C’est moi, ne puis‑je m’empêcher de lui répondre.

On se dévisage.

– Pas assez prompt, votre ciment, Hilde, en tout cas moins prompt que mon copain.

– Que me voulez‑vous?

Béru en glapit.

– C’est la meilleure! Mademoiselle nous kidnappe, nous tue, nous cimente et elle demande qu’est‑ce qu’on lui veut! Ah, je te jure, faut venir à Hambourg pour entendre ça. En France, on n’oserait pas. C’est boche, cette question. Ces mecs, leur force est dans l’inconscience.

Je le calme.

– Hildegarde, nous avons appris l’essentiel de la bouche de votre amie Isabeau. Mais le gros point d’interrogation qui me reste à élucider concerne votre personne. Ce château plein d’éclopés, ça veut dire quoi? C’est une couverture? Vous êtes riche et vous tapinez dans la rue aux putains, par vice?

Elle rit triste et fort.

– Personne ne pourra me comprendre, et surtout pas un Français, dit‑elle.

– C’est ça, laisse‑nous traiter de crêpes, s’indigne l’Avantageux.

– Ta gueule! lui dis‑je.

Je m’assieds sur le canapé près d’Hildegarde. Chose curieuse, je n’ai plus peur d’elle. Elle est pourtant dans son fief, mais il me semble que ses maléfices sont conjurés.

– Essayez tout de même de m’expliquer, Hilde…

– Mon enfance a été un cauchemar. La chute de l’Allemagne. Mon père traqué. Les polices de toutes les nationalités tuant ma mère à coups d’interrogatoires et de brimades. Ce complexe affreux…

– Malgré ce que vous pensez, il me semble que je saisis, lui dis‑je.

Cette fille est folle. Folle à sa manière. Elle charrie depuis toujours un complexe affreux en effet. Un complexe de culpabilité, le pire de tous…

– Vous avez voulu réparer les crimes de votre père?

Elle acquiesce.

– Il a fait violer d’honnêtes jeunes filles; alors, pour réparer, vous vous êtes prostituée. Il a torturé des hommes, alors vous essayez d’en récupérer pour les soigner?

– Si j’ai pris cette honteuse officine, c’est pour recruter ses victimes, soupire‑t‑elle. Ici, ne viennent que des hommes de condition modeste. De pauvres types. Des mutilés, des infirmes, des disgraciés. Il est arrivé qu’on en amène dans des petites voitures et qu’on les coltine jusqu’à moi pour que je leur donne un instant d’oubli. Je cherche ceux qui portent tatoué sur le flanc leur numéro de détenu. Quand il s’agit de gens qui furent déportés dans le camp dirigé par mon père, je m’arrange pour leur venir en aide.

La lassitude rend sa voix plus rauque que de coutume. Curieuse histoire, mes amis, que celle d’Hildegarde.

– Pourquoi alors avoir entrepris cette équipée sanglante pour aider le prince Kelbel?

– J’avais une dette envers lui, commissaire. Il avait aidé mon père à un moment où le malheureux avait l’univers entièrement contre lui.

Je continue de comprendre. De bien comprendre… Car tout cela est clair, tout cela est infiniment triste.

– Vous aimiez votre père, malgré ses crimes?

– Oui, et c’est pour honorer sa mémoire que j’ai entrepris de réparer…

Quel beau monstre, cette Hildegarde! Trop et pas assez de cœur! Un sentimentalisme excessif, ahurissant, démentiel, et la plus extraordinaire des implacabilités. Ange et démon. Le génie du mal et celui du bien. Doctoresse Jeckyl and Mrs. Hyde!

Elle quitte le canapé et va ouvrir un placard.

– Eh! faites gaffe, tonne le Mastar en s’interposant. Pas de blagues, ma gosse, je suis là!

Elle lui coule un froid regard.

– Imbécile, fait‑elle.

Curieux, mais le Gros, n’importe qui d’autre lui aurait balancé ça, il y allait de la grande torgnole. Il se contente de fulminer:

– Soyez polie!

Elle prend un flacon dans le placard. Un petit flacon bleu avec un bouchon de verre en forme de papillon. Je crois piger. Que dis‑je, j’ai déjà pigé. Je n’interviens pas. Au contraire, comme Béru tend la main pour capter l’objet, je m’entends lui dire:

– Laisse, va!

Hildegarde boit, d’un coup. A la Erich von Stroheim. C’est raide, c’est déterminé. Elle lâche le flacon bleu qui n’en finit pas de rouler sur le plancher. Elle reste un moment droite, dodeline la tête et s’abat doucement sur le canapé.

Son beau et démoniaque visage est enfoui dans un coussin de velours jaune sur lequel est brodé un innocent petit chat.

Bérurier s’incline sur Hildegarde et lui tâte le dos à l’emplacement du cœur. Au bout d’un moment il se redresse.

– Toi, me dit‑il, toi, je te comprendrai jamais!

 

 

Date: 2015-12-13; view: 361; Íàðóøåíèå àâòîðñêèõ ïðàâ; Ïîìîùü â íàïèñàíèè ðàáîòû --> ÑÞÄÀ...



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