Ãëàâíàÿ Ñëó÷àéíàÿ ñòðàíèöà


Ïîëåçíîå:

Êàê ñäåëàòü ðàçãîâîð ïîëåçíûì è ïðèÿòíûì Êàê ñäåëàòü îáúåìíóþ çâåçäó ñâîèìè ðóêàìè Êàê ñäåëàòü òî, ÷òî äåëàòü íå õî÷åòñÿ? Êàê ñäåëàòü ïîãðåìóøêó Êàê ñäåëàòü òàê ÷òîáû æåíùèíû ñàìè çíàêîìèëèñü ñ âàìè Êàê ñäåëàòü èäåþ êîììåð÷åñêîé Êàê ñäåëàòü õîðîøóþ ðàñòÿæêó íîã? Êàê ñäåëàòü íàø ðàçóì çäîðîâûì? Êàê ñäåëàòü, ÷òîáû ëþäè îáìàíûâàëè ìåíüøå Âîïðîñ 4. Êàê ñäåëàòü òàê, ÷òîáû âàñ óâàæàëè è öåíèëè? Êàê ñäåëàòü ëó÷øå ñåáå è äðóãèì ëþäÿì Êàê ñäåëàòü ñâèäàíèå èíòåðåñíûì?


Êàòåãîðèè:

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ET LA FÊTE (galante) CONTINUE





 

Paris sous la neige, à cinq heures du matin, c’est positivement féerique, mes amis, on se croirait dans une carte postale, dirait la concierge que je n’ai pas. Les rues, les avenues silencieuses ont un mystère, une poésie. Les laides guirlandes d’autos disparaissent sous ce que les plus grands poètes ont appelé – et appellent encore – le manteau blanc, elles deviennent un moutonnement bizarre, discontinu…

Les lumières sont froides dans le grand désert; on pressent, à travers cette brume incertaine, le passage de fantômes bienveillants…

Les pneus de ma voiture chuchotent dans la neige. Parfois, une légère embardée me rappelle à l’ordre. Je crève de sommeil, mort de mes os! J’ai laissé le Gros dans les mains magiciennes de Jeannot. La naissance d’un cœur sur les miches du Gros est un spectacle sûrement fascinant, mais la pionçaille est plus forte que la curiosité. L’homme ensommeillé est incapable de savourer un coucher de soleil sur la mer des Caraïbes on le grand cañon du Colorado. Il faut qu’il souscrive ans exigences du néant. Quand celui‑ci réclame, on ne peut longtemps rester sourdingue. On meurt en pointillé, les gars. Le sommeil? Un apprentissage! Faut s’y soumettre… Parfois, quand je me sens partir dans les quetsches, j’étudie le coup. Je me dis que ça pourra me servir, le moment venu. La mort? Un parachutage, non? Il y a une position à prendre, des manœuvres à opérer pour amortir la réception. On n’en sait jamais suffisamment sur ce chapitre. Trop de gens meurent à l’improviste. Ils sont tués au dépourvu, ce sont les cocus du dernier soupir. Moi, j’essaie de prendre mes garanties, de contracter une assurance sur la mort en somme, une vraie. L’idéal c’est que l’inconscience et l’asphyxie s’entendent comme larronnes en foire. Alors la glissade dans le sirop peut s’opérer à l’amiable…

Paris sous la neige, à cinq plombes du mat! L’heure blafarde et pure. La ville est ivre de solitude.

Pour commencer, je prends la direction de l’Etoile, pensant rentrer chez moi, à Saint‑Cloud, et puis, parvenu au mausolée de l’Inconnu, je me dis qu’Odile crèche à deux pas et qu’il serait doux de la réveiller. «Ah, madame, si vous saviez avec quoi je frappe!C’est une heure industrielle, comme dit Béru, mais l’amour justifie tous les manquements aux usages, n’est‑il pas vrai?

Alors j’adopte l’avenue Victor‑Hugo (ô combien de marins, combien de capitaines!..) et, signe de Vénus ou de Cupidon? je trouve une place juste devant la porte cochère de ma dame. Je déclique et claque la lourde. Un chat furtif et papelard qui inventoriait les poubelles se sauve, fait dix mètres et se retourne pour m’accabler d’un vilain regard de chat importuné.

Odile, c’est au troisième gauche. Il y a un strapontin fixé au mur à côté de son paillasson. La maison sent la moquette neuve car on a refait la cage d’escadrin. Je sonnaille sur le rythme établi lors de mes fréquentes visites. Il me vient un léger pinçon. Je me dis: «Et si tu te berlurais à son propos, San‑A.? Si cette jeune femme avait un monsieur sérieux pour ses quittances de gaz? Suppose qu’il soit là, au dodo, et que tu radines dans leur intimité?La porte s’entrouvre, sans bruit. Odile est là, souriante, avec des algues de sommeil accrochées à ses cils. Son expression heureuse me rassure.

– Mon amour, quel bonheur! chuchote‑t‑elle (car elle réussit à s’exclamer en chuchotant).

Ses bras se nouent à mon cou. Elle sent bon le lit et la femme.

– Pardonne‑moi de t’avoir réveillée, Odile… Mais j’ai passé la nuit à travailler et…

– Tu ne vas pas t’excuser de me rendre heureuse, proteste‑t‑elle en m’entraînant dans sa chambre.

C’est une pièce que j’adore, la chambre d’Odile. Les murs sont tendus d’indienne en camaïeu gris. Le lit est en cuivre, avec un baldaquin de mousseline et sa fenêtre aux rideaux cerise donne sur une grande cour mélancolique aux arbres dodus.

– Tu as faim?

– De toi, oui…

– Alors déshabille‑toi…

Elle m’aide à le faire, sans hâte, sans vice. Elle aime l’amour, mais calmement. Elle porte un pyjama léger, dont le pantalon, si je puis dire, est remplacé par une culotte bordée de dentelle. Une vraie merveille! Mes fringues tombent sur le tapis. Elle sourit, heureuse, ravie, comme si elle venait de capturer un animal très rare. Je l’aime bien, décoiffée. Ça m’a toujours déplu, les nières trop sophistiquées. Pour qu’une femme me touche droit au cœur, elle doit conserver un petit côté improvisé.

Elle est châtain très foncé, avec des reflets roux… Elle a des taches de rousseur et sa peau est ocre. Je l’appelle quelquefois mon petit Van Gogh.

– Maintenant, couche‑toi, chéri…

Je plonge dans ses draps tièdes; c’est bon de se recroqueviller dans de la chaleur de fille. Elle me rejoint, se tient en équilibre sur un coude pour me contempler…

– Tu m’aimes?

Je dis oui. Une langueur fabuleuse me réduit. Je pose la main sur ses cuisses douces. Allons, San‑A., un sursaut, tu roupilleras plus tard. Mais Odile déjà a saisi ma main et la refoule tendrement.

– Dors d’abord, mon amour, au réveil, nous verrons.

C’est ça une femme compréhensive, je vous le jure. L’honneur étant sauf, puisque c’est d’elle que vient le refus, je me file la frite dans le creux de son bras et je me mets à en écraser.

Une sensation de demi‑solitude me réveille. Je perçois la chose la plus formidable qu’on puisse percevoir avant d’ouvrir les yeux: une odeur de café frais. Une clarté de neige entre par la fenêtre et éclaire le plafond. On voit tournoyer des ombres imprécises… Odile revient de la cuisine avec un plateau réconfortant.

– Quelle heure est‑il? demandé‑je en réprimant le classique bâillement matinal.

– Bientôt dix heures!

En vrac m’arrivent sur le coin de la mémoire nos investigations de la veille. Déjà, dans mon esprit fertile, s’élaborent les grandes lignes de la journée: interviewer la môme Rita, et puis entrer en contact avec la police de Hambourg pour essayer de découvrir l’identité d’Hildegarde, si tant est qu’elle n’ait pas menti à Jeannot avec son histoire de château au bord de l’Elbe…

Odile m’installe deux oreillers et pose le plateau sur mes genoux.

– Tu as dormi d’une façon extraordinaire, Antoine.

– C’est‑à‑dire?

Elle est serrée dans une robe de chambre verte qui colle magnifiquement avec sa couleur de peau.

– Tu ressemblais à une bête dans son nid. Deux sucres?

– Trois.

Elle touille mon café, me beurre un toast.

– Tu veux de l’aspirine?

– Quelle idée!

– Il m’a semblé que tu avais un peu bu, hier?

– En effet, mais je filtre bien, sois tranquille, le mal de crâne, c’est seulement dans les séances extraordinaires.

J’expédie mon petit déjeuner. Ce caoua est extra, parfumé, reconstituant. Je pose le plateau sur le plancher et je tends les bras à Odile.

– On n’avait pas envisagé quelque chose pour mon réveil?

Elle acquiesce et pose sa robe de chambre, elle est nue par‑dessous. Je ne voudrais pas qu’elle prenne froid, alors je la réchauffe.

Quand un grand romancier parvient à cette période d’un récit, il n’a que deux solutions: l’ellipse ou la description complaisante. Courageux de nature, moi San‑A., je dédaigne l’ellipse quand elle ne crée pas un effet comique: je suis pour le stylo‑vérité. Ainsi, à partir d’une phrase telle que: Je ne voudrais pas qu’elle prenne froid, alors je la réchauffe[21], j’aurais tendance à déclencher ma mitraillette à véhémence sexuelle pour vous amorcer que je lui fais: le store vénitien, la bouillabaisse hongroise, la racine du ciel, le collier de Néfertiti, la colonne Nelson (mort à Trafalgar en 1805), le cratère géant, le pneu Tubless, le paratonnerre avec poches à foudre, la marche arrière capricieuse, l’astronaute décapsulé, le manche à gigot écarteleur, la tartine beurrée, l’ermite à moustaches, la faim des arts‑déco, l’accroche‑nombrils, l’anneau de sa turne, la seringue sous cultanné, la flèche wallonne, le tramway nommé Désir, la soutane aux orties, l’avis des seins (du révérend Black‑Appard), la banane épluchée, la fin des lions sots, la marche de la deuxième B.P., la tondeuse à gazon, le thermomètre à percussion, le fixateur à blanc d’œuf, le grand et le petit stroumbitz (médaille d’or aux jeux de l’amour et du hasard), la figue confite, le bain du canari, la mangue de lady Chatterley (un truc exotique), le bidon renversé et la baguette à modulation de fréquence.

Oui, si je me laissais emporter et porter par ma nature généreuse, je pourrais vous dire tout ça, seulement j’en pince pour Odile, que voulez‑vous, et ça rend discret. Alors ne m’en veuillez pas si je gaze un peu sur cette séance casanovesque et si je me contente de vous dire qu’elle a les yeux soulignés trois fois, les jambes en X majuscule et l’influx nerveux qui fait la colle lorsque je cesse de lui exprimer mes bons sentiments.

Ce bout de conduite sentimentale a duré une plombe. Je me dis que tout ça n’est pas raisonnable et qu’il va me falloir mettre les bouchées doubles.

Ma promptitude de mouvements déborde Odile.

– Tu sembles terriblement pressé, me dit‑elle avec un léger regret dans la voix.

– Je le suis, mon ange.

Tout en me rasant (son ex‑mari a oublié son Sunbeam), je la mets au courant de nos avatars de la veille. Elle compatit aux malheurs de Bérurier. Elle ne connaît le Gros que par la description que je lui en ai faite, mais, à travers mon lyrisme ambitieux, Sa Majesté lui est devenue sympathique.

– Pauvre homme, s’apitoie Odile, comme il doit souffrir! Il ne faut pas l’abandonner en ce moment, mon chéri. Que peut‑on faire pour lui?

Ça me donne une idée majuscule.

– Tu es libre aujourd’hui?

– Je suis en vacances depuis hier, il me semblait te l’avoir signalé…

– Alors viens avec moi, on va essayer de lui remonter le moral.

Ma proposition l’emballe. C’est une fille dévouée, Odile; quand elle sera vieille, le soir, à la chandelle, elle ira laver les nougats aux lépreux, je parie; on bien évangéliser l’enfance délinquante, recta. Le don de soi, c’est son hobby, comme on dit en français.

Elle se loque en vitesse, ce qui est un exploit pour une madame. Les sœurs, faut toujours des éternités avant qu’elles se déclarent parées pour la mise à flot. Les bains de lait, les crèmes, les masques astringents, les rinçages, les lotions, les mistifrisettes, les séchages, les massages, les messages, les mets sages, les onglades, les laquages, l’élagage, l’habillage, le maquillage, le bijoutage, le miroitage, le finissage, l’abattage… Des heures, je vous dis. Pendant ce temps, Julot, piaffant d’impatience, se roule sur le canapé, devant le poste de téloche, si bien qu’il est plus froissé qu’une feuille de papier hygiénique ayant accompli sa mission lorsque sa bobonne radine dans ses beaux atours (ses atours de rôle, ses atours drôles, ses atours de Rolls, etc.). Leur beauté, c’est comme qui dirait l’essieu de la vie conjugale. Elles s’imposent des régimes à faire maigrir une plante grasse, elles s’examinent dans toutes les surfaces polies (polies au point de refléter leurs charmes) et, quand leur pauvre bonhomme leur explique ses misères professionnelles, histoire de se déboutonner un peu, elles l’interrompent pile, en plein mitan d’une phrase, pour lui dire: «Tu sais que je fais 58 de tour de taille maintenant?»

Ce qui fait qu’une Odile, mignonne, intelligente et capable de s’attifer à une allure frégolienne, à mon avis, ça n’a pas de prix.

J’ignore ce qu’elle se met comme parfum, mais je peux vous dire que ça sent vachement bon. Ça renifle les fleurs, les feuilles, les bois au printemps. Quand je l’hume (tu m’humes, il m’hume, un peu, beaucoup, passionnément), y me semble entendre gazouiller les petits braillards dans la mer des branchages, à l’époque où les feuilles sont minuscules et où l’on aperçoit encore les touffes de gui parasite exposées tout là‑haut à des cupidités druidiques.

– Comment me trouves‑tu? coquette‑t‑elle.

– Je te trouve comme je t’aime, Odile.

Dans l’ascenseur, elle me regarde en souriant.

– Tu ne dois pas aimer souvent, murmure‑t‑elle, je veux dire aimer vraiment.

Sa perspicacité me désarme un peu. Je lui prends le menton entre deux doigts.

– Non, Odile, pas souvent… Si peu souvent, même, que je ne me rappelle plus la fois d’avant.

Et je l’embrasse. Pas du tout le baiser léger, style «petit‑cœur‑va», mais la belle galoche passionnée du genre de celles qu’on ne réussit qu’après avoir fait de la plongée sous‑marine. Il y a échange de muqueuses, inflammation des gencives, écaillage des dents et sécrétion assurée, on est tellement accaparés par ce baiser qu’on ne s’aperçoit pas que la cage d’acier est arrivée à bon port et que la porte du rez‑de‑chaussée vient de s’ouvrir.

– Mande pardon, dit une voix, mais vous pouvez détacher vos ceintures!

Dans l’encadrement se trouve un vieux plombier‑zingueur qui vient plombier‑zinguer dans l’immeuble. Il est tout joyce sous sa casquette, le déboucheur de lavabos. L’amour, ça commence à ne plus être de son âge, mais ça l’attendrit encore. On rit avec lui et on s’en va.

Un léger soleil, couleur de jaune d’œuf de poule mal nourrie[22], ne parvient pas à faire fondre la neige (en anglais the snow). Les rues ont perdu leur pureté fantomatique de la nuit pour redevenir salement urbaines.

Je roule jusqu’à Béru’s house. Des senteurs de safran s’échappent de chez le bougnat et un facteur en grande tenue largue sa cargaison de conneries de porche en porche. La vie est là, simple et tranquille. Qu’on soit venu kidnapper Berthe en ces lieux si paisibles, ça me déroute plus encore que la veille.

Comme nous atteignons le palier du Gros, j’ai la surprise de découvrir deux personnes, l’oreille collée contre sa porte. Il y a là son voisin du dessus, le sourdingue, et la petite bonniche du dernier, celle qui a de la moustache et une médaille pieuse.

– Vous êtes certaine? Moi, j’entends rien! clame le sourdingue.

– Que se passe‑t‑il? m’empressé‑je.

Ces deux spécimens de voisins béruréens me reconnaissent.

– Je descendais, explique la soubrette, et il m’a semblé entendre comme des gémissements.

– Moi, j’entends rien, répète le sourdingue pour qui le silence est devenu une sorte de violon d’Ingres.

Alarmé comme si j’étais à l’armée, je plaque mon éventail à moustiques contre le trop de serrure.

– C’est des idées que vous vous faites, s’obstine l’homme au sonotone, on n’entend rien!

– Fermez‑la une seconde! lui lancé‑je, furax, car à moi aussi il m’a bien paru percevoir quelque chose.

Mais un sourd authentique à qui l’on dit de se taire se croit toujours invité à poursuivre son raisonnement.

– S’il y avait des gémissements, on les entendrait, continue le fané du tympan.

Je me redresse pour sonner. Comme on n’arrête pas le progrès, Sa Majesté a fait placer une sonnette ultra‑moderne dans sa crèche, car de nos jours, il existe jusqu’à des sons de luxe. Lorsqu’on presse le timbre, on entend un bruit mélodieux et on se croirait à Orly.

– Il m’a bien semblé entendre un soupir, en effet, admet le sonotoné lorsque l’avertisseur à visites retentit.

Sans plus tergiverser, je me munis de mon sésame et j’ouvre la porte du Gros. Un spectacle d’une puissante désolation s’offre à nos yeux, comme on l’écrit si justement dans les quotidiens du matin. Deux corps sont allongés dans le couloir de Bérurier… Je reconnais en un coup d’obturateur Laurentine et son cousin. Laurentine baigne dans ce que les quotidiens du soir appellent si pertinemment une mare de sang. Elle porte, au lieu de bigoudis, une plaie à la tête.

Alexandre‑Benoît, quant à lui, n’a pas de blessures apparentes, mais il est tout aussi inanimé que sa cohéritière. Je bondis sur la vieille fille, assisté d’Odile. Le sourdingue rameute l’immeuble. C’est vrai que ça crie fort, un sourd!

Du coup, la concierge alertée radine, à cheval sur son balai de sorcière. La bonniche moustachue s’évanouit. Les locataires de dessous montent, tandis que descendent ceux du dessus. On questionne, on postillonne, on interjectionne.

J’ose glisser la main dans le corsage, aussi gonflé qu’un étui de cithare, de Laurentine. Le cœur bat. Il bat même à une belle cadence.

– Elle est tombée sur la tête? balbutie Odile.

La plaie est significative: la cousine du Gros a pris un coup de marteau sur le chapiteau. Le zig qui a confondu sa tronche avec une enclume n’y est pas allé de main morte; heureusement qu’elle porte le chignon, Laurentine, sinon, sans ce coussinet naturel qui a amorti le gnon, sa cervelle allait lui couler par les trous de nez.

Je me penche sur le Mastar dont les râles sont relativement rassurants. Renseignements pris, il gît et vagit dans un coma éthylique; m’est avis qu’il est rentré blindé comme un destroyer.

Police‑Secours mystérieusement prévenue s’annonce et l’on brancarde Laurentine tandis qu’à grand renfort d’ammoniaque et de café noir Odile tâche de récupérer le Gros. Moi, je m’offre une conférence au sommet avec la pipelette.

– Vous avez vu arriver la blessée dans l’immeuble? je lui demande.

– Oui, hier soir.

– Quelle heure était‑il?

– Autour de dix heures, c’était juste après le film de la télé, je préparais mes poubelles.

– Comment a‑t‑elle pu pénétrer dans l’appartement, les clés ne se trouvaient pas en sa possession?

Elle me désigne Béru que, maintenant, Odile ablutionne.

– Ce gros porc n’avait pas ses clés, alors, en repartant, il a laissé sa porte ouverte avec le verrou tiré pour pas qu’un courant d’air puisse la refermer. Quand la pauvre femme m’a expliqué comme quoi elle était la cousine à ce sac à vin, j’y ai conseillé de monter l’attendre…

– Vous n’avez pas vu pénétrer ensuite des personnes étrangères à l’immeuble?

– Non, mais vous savez, on ne marche plus au cordon et avec l’ouverture électrique tout un chacun peut entrer…

Comprenant que je n’en tirerai rien de valable, je lui conseille d’entrer en loge et je m’approche de Béru. Il recommence à fonctionner et saisit la main d’Odile en bégayant.

– Ah, ma Berthe chérie, je savais bien que je te retrouverais…

Avant que d’ouvrir les yeux, il se tourne sur le ventre et fait glisser son pantalon.

– Mate un peu si je t’adore, ma poule, clapote‑t‑il d’un ton humide, c’est pas de l’ersatz d’amour ça, ma brebis, dis voir?

Odile, terrifiée, n’arrive pas à détacher ses yeux de l’énorme, du plantureux, du tumultueux, du velu dargif qu’on lui propose. C’est grisâtre, c’est veineux, c’est vineux, c’est moussu. Et tatoué, madame! Il n’a pas plaint sa peine, Jeannot, ni son encre ni sa calligraphie. Enorme, avec des éclats qui lui partent tout autour pour bien montrer à quel point il irradie, le cœur sacré de Béru. Les rayons vont jusque dans la raie médiane, s’abîmer dans le plus effroyable des gouffres. Au‑dessus de ce cœur, comme il restait encore une place défrichée, Jeannot lui a tatoué un palmier. C’est son vice, le palmier. On distingue même un petit singe dans les branches! Ce que c’est beau, si vous saviez, ce cœur avec l’inscription: A ma Berthe adorée, pour toujours (bien qu’il n’y ait pas eu assez de place pour le «Sde toujours…). Et puis ce mignon palmier qui incite aux voyages, avec ses palmes vraiment vertes et son ouistiti impertinent accroché par la queue! Un chef‑d’œuvre!

– C’est pas émotionnant ça, ma caille? Je m’ai regardé le prose plus d’une plombe dans le miroir à barbe de Jeannot tellement que j’admirais le travail. Mais raconte un peu ce qui t’est arrivé, ma gazelle!

Il se retourne et avise Odile. Il en oublie de rabattre son pan de chemise sur son cure‑pipe à balancier.

– Ah, c’est pas Berthe! bredouille le Tatoué…

– Non, mon pote! fulminé‑je, et je te prie de rectifier ta tenue! Un spectacle pareil, le matin, il y a de quoi vous faire éclater le pancréas!

Ça le refrène, il se dresse, le radada dans la position médaille, et salue ma petite fée.

– Excusez la méprise, madame, roucoule‑t‑il, je vous ai confusionnée d’avec mon épouse.

Sa difficulté d’élocution m’indique que sa cuite est tenace et qu’elle a survécu aux lueurs de l’aube.

– Tu es frais, rabroué‑je, tu as dû pinter jusqu’aux aurores!

– Le tatouage, c’est douloureux, plaide mon ami; et puis avec le chagrin que je coltine, j’avais besoin de me reconstituer le mental. Après la séance, moi et Jeannot on a été aux Halles pour la gratinée.

– Ensuite?

Il bâille, s’étire et s’étonne.

– Ben, ensuite mon pote m’a enfourné dans un bahut et je suis rentré chez moi…

– Ensuite? impitoyé‑je.

Ça le trouble. Il se lève en geignant, enjambe son pantalon défait et se met à se gratter le trou du cœur en allégeant que c’est démangeant, ces coups d’aiguille.

– Tu n’as pas répondu à ma question, Alexandre‑Benoît, insisté‑je; une fois rentré chez toi, qu’as‑tu fait?

Il est brusquement paniqué, car il devine, à mon expression, que je ne le questionne pas pour du beurre et que quelque chose de nouveau et de désagréable s’est produit.

– Mais, bafouille‑t‑il, mais… je… Pourquoi que tu me regardes comme ça, San‑A.?

– Réfléchis, si toutefois le tas de choucroute qui te sert de cerveau te le permet encore, et réponds!

– Attends, bouge pas… La porte d’ici était pas fermée… Je suis rentré, j’ai tripoté l’interrupteur, mais il a pas interrupté…

Je fais trois pas pour actionner le bouton électrique situé près de la porte. Effectivement, la lumière ne se fait pas. La raison en est simple: on a ôté l’ampoule du vestibule.

– Et alors, Gros?

– Alors j’ai relourdé à tâtons, et puis après j’ai buté dans quéque chose de mou et je m’ai payé un jeton d’orchestre monumental; tant et si bien que j’ai cogné du gadin et que je me rappelle plus de la suite…

– Le quelque chose de mou, c’était ta cousine Laurentine, à qui on venait de souhaiter sa fête avec un marteau.

Je lui raconte tout et ça finit de le dégriser.

– Mon Dieu! s’insurge‑t‑il, qu’est‑ce qu’on vous a fait, pour que Vous Vous en preniez à notre famille pareillement, hein?

Il dresse un dur regard d’homme bafoué vers le plafond.

– On n’est pas une famille respectable, dites voir? Est‑ce qu’on est des escrocs? Est‑ce qu’on est juifs ou communistes?

Mais Dieu, qui déteste qu’on lui parle sur ce ton, s’abstient de répondre et, pauvres humains, nous ne pouvons que nous perdre en conjectures.

Odile nous attend au café d’en bas. Le charme le plus subtil de la France, c’est que partout se trouve un «café d’en bas». Ma tendre amie est passionnée par la tournure des événements. Quand elle lisait des trucs pareils dans son journal, elle estimait qu’il y avait de la triche, que les reporters en remettaient pour que ça se vende mieux. Elle aimerait bien nous accompagner mais franchement, vous nous voyez pas débarquer cher Rita avec une dame de la bonne société, hein?

Une fois Béru remis d’aplomb, nous sommes allés prendre des nouvelles de Laurentine, à Beaujon. Elle souffre d’une fêlure du crâne, pourtant il paraît que ses jours ne sont pas en danger. Coïncidence? on l’a installée dans la chambre contiguë à celle de Mongénéral, comme ça ils pourront se tenir compagnie et cocoricauser du pays quand ils entreront en convalo.

J’embrasse Odile, sagement installée devant un Americano. C’est la première fois que j’enquête «en amoureux». La première fois depuis que je suis un salaud d’adulte. Je me rappelle le temps où je travaillais comme garçon à tout faire dans une petite revue mensuelle au tirage confidentiel. J’encaissais la publicité, je corrigeais – mal, d’ailleurs – les épreuves et j’aidais le directeur à se planquer dans le placard à balais lorsqu’un créancier turbulent venait donner la sérénade dans le miséreux local d’arrière‑cour servant de bureaux rédactionnels. Le bon temps? A l’époque, je frayais avec une petite lycéenne brune et, le jeudi, elle me suivait dans toutes mes pérégrinations. Je chiquais les importants. Je me prenais – et me faisais prendre – pour Lazareff. Elle s’emballait pas, malgré mes allures solennelles, malgré mes gestes affairés, la mignonne brunette. Une gosse raisonnable, c’était. Je crois que, dans le fond, elle n’était pas dupe et que je l’amusais. Elle ne se fardait pas et j’ai encore en mémoire le goût intact de ses lèvres qu’elle gardait fermées lorsque je l’embrassais. Et puis son odeur aussi… Une odeur comme je n’en ai jamais retrouvé depuis, si simple, si humaine… Et encore la tiédeur de sa peau, et le grain de sa peau… Tous les sens participaient, mais en tendresse, avec pureté. Suave… Je ne savais pas que ça représentait la fin de ma vraie jeunesse. J’ignorais que je traversais alors un tunnel enchanté qui allait déboucher sur l’âge d’homme. Brusquement, un individu se met à contracter une horrible maladie incurable: il devient adulte (d’où dérive le mot adultère). Et son cas s’aggrave d’année en année. Il ne s’en remet pas. Lorsqu’un amour nouveau fleurit en lui, il se reprend à espérer, il croit être sorti de l’auberge. L’espace d’une flambée… Vite, ça redevient hideux, abominablement infect et il replonge dans l’univers concentrationnaire des grandes personnes…

Pourquoi Odile, ça me fait comme la petite étudiante, soudain? Je lui jette, en la quittant, le long regard vorace et désespéré que je jetais à cette gosse de jadis lorsque je l’abandonnais, pour quelques minutes, devant la porte d’un commerçant téméraire qui avait bien voulu souscrire un ordre publicitaire à notre revue.

– T’es pincé, grommelle Béru, tandis que nous gravissons l’escalier.

– Tu plaisantes, Gros! Elle me plaît, c’est tout…

– Minute, pape Pie XI, intervient le Mastar, on pige, aux coquards que tu lui roules, que c’est pas seulement une question de fignedé. Fallait bien qu’un jour on l’autre ça te choie sur la coloquinte. Un zig comme toi ne peut pas aimer tonte sa vie jusqu’à la hauteur du kangourou, San‑A… En tout cas, je te félicite, c’est une fille très bien…

Nous voilà devant l’appartement de Rita. On sonne. Une vieillasse en savates et blouse bleue nous ouvre. Elle a deux dents sur le devant et une grosse verrue contre l’aile gauche du nez.

– Mlle Rita? je demande.

L’épousseteuse secoue sa tête ridée.

– Elle est à son bureau!

Nous manquons nous étrangler. Et puis je me ravise. Après tout, quand une tapineuse se paie une femme de ménage, elle n’est pas obligée de lui dire qu’elle puise ses revenus dans le pantalon de ses contemporains, s’pas?

Devant notre indécision flagrante, la bonne femme ajoute:

– Mais Monsieur est ici.

Tiens! voilà qui est nouveau. Nous acceptons vivement de voir Monsieur. Il est en train de petit déjeuner bien qu’il soit presque midi. C’est un superbe mec de trente piges, très méditerranéen, avec le teint bistre, les yeux sombres, la bouche gourmande, les sourcils touffus. Il est drapé dans une robe de chambre en soie crème, à parements bleus, et il lit Le Parisien libéré (sous caution) en trempant la corne d’un croissant dans un bol de café noir.

En nous voyant débarquer, il nous retapisse aussi sec, ses sourcils se joignent et il nous virgule un sobre mouvement de menton.

Pour dissiper les doutes qu’il pourrait encore entretenir, je lui produis ma carte, puis je m’installe en face de lui. L’appartement est clair, propret, moderne: meubles scandinaves, grande baie ouvrant sur un horizon de toits.

– A qui ai‑je l’honneur? je demande.

– Alfred Couchetapiane, jette‑t‑il d’un ton sec. C’est à quel propos?

– A propos de Rita. C’est elle que nous aimerions voir, mais elle est déjà partie à son «bureau», d’après ce que raconte votre esclave…

J’ai mis l’accent et beaucoup d’ironie sur le mot «bureau». Le ténébreux pour noces crapuleuses et dancings me vote un regard furibond.

– Qu’est‑ce que vous lui voulez?

– Discuter de ses relations professionnelles. Elle a été assez liée avec une de ses camarades de… bureau qui nous intéresse, mais peut‑être l’avez‑vous connue, cette émérite dactylo?

– Ça m’étonnerait, dit‑il péremptoirement.

Vous ne me direz pas que c’est pas de la mauvaise volonté, non! Ce vilain coco m’a l’air aussi peu coopératif que possible. Du coup, je sens que mon distillateur de rogne se met en mouvement. Une terrible envie me prend de lui balancer son bol de caoua dans la physionomie. Je me retiens cependant car il faut toujours laisser aux pécheurs l’occasion de se racheter.

– Pourquoi cela vous étonnerait‑il, Freddo? familiarisé‑je.

– Je ne fréquente pas les copines de ma femme.

– Il ne lui arrive jamais d’en recevoir ici?

– Vous charriez! Je ne tolérerais pas…

– Oh, dis donc, mec, s’exclame le Gros, c’est pas parce que tu crèches dans une turne en marbre qu’y faut te prendre pour le comte de Pantruche! M’est avis qu’ils sentent l’eau de bidet, tes signes extérieurs de richesse…

Le mac de Rita coule un regard peureux en direction de la cuistance où s’est embusquée la vieille. Comme on ne perçoit aucun bruit, il est probable que sa dépoussiéreuse a collé son vieux tympan contre la serrure.

– Je vous prie de cesser vos insinuations malveillantes! il fait.

Dire ça tout de go à Béru quand on est coupable de proxénétisme, il faut être téméraire on inconscient. La réplique ne se fait pas attendre. D’un coup de genou, mon gros teigneux renverse la table et la cafetière va se propulser sur un divan en velours frappé, ce qui donne aussitôt du café frappé! Couchetapiane blêmit et ses mâchoires forment deux vilaines boules sous chacune de ses joues. Je suis prêt à vous parier une livre de marrons contre un livre de messe qu’il a envie de dérouiller le Mastar. Pourtant il se contient.

– Ecoute, le hareng, gronde Sa Tornade en se penchant sur lui, faut jamais me prier de quoi que ce soit quand on a plus d’écailles qu’un poisson rouge, autrement sinon je perds mon calme et ça se met à vinaigrer mochement!

– Qu’est‑ce que je vous ai fait? proteste misérablement Alfred.

– Tu me cours sur l’haricot, répond Béru; rien qu’à te regarder, j’ai les phalanges qui me grattent, tu piges?

Il balance son énorme poing devant le nez de notre hôte. L’autre louche sur les poils frisés et les cicatrices, sur le pouce en forme de marteau, sur l’ongle en berne qui le pare.

La porte de la cuisine s’ouvre et la ménagère apprivoisée intervient.

– Faut‑il que je prévienne la police, monsieur Couchetapiane? elle propose assez crânement.

Béru éclate d’un rire en cascade.

– Dérangez‑vous pas, mémère, lui dit‑il en exhibant sa plaque.

– Jésus! Marie! Joseph! s’exclame dame Chiffon en reculant.

– Beau tiercé! apprécie mon ami qui a de la religion.

Je demande à la vieille femme de nous laisser bavarder et elle s’évacue dans sa cuisine en prenant soin de ne pas refermer complètement la porte.

Le sieur Alfred commence à trouver que sa journée démarre mal. Il a dû se lever du pied gauche. Y a des matins, comme ça, où la vie nous montre son dargeot mal torché. Pour peu que vous vous penchassiez (Béru dixit), vous vous apercevez qu’en plus, elle vous tire la langue et vous fait le pied de naze entre ses jambes écartées. Tout est grimaces, tout est trou de balle, tout malodore, tout souille, tout impertine. Vos contemporains ont une sale frime et de mauvaises intentions. Ils vous haïssent et vous barbouillent de merde et d’ennuis.

– Voyons, Alfredo, interviens‑je, en adoptant ce ton conciliant à quoi se raccrochent les gus malmenés; tu ne vas pas faire la vilaine tronche…

– Sûr que non, qu’il la fera pas, promet le Gros en retroussant sa manche droite.

Il montre son avant‑bras jambonesque au barbeau. Des poils partout! Des cicatrices! Un fier trophée!

– Il en ferait, continue Sa Brutalité, qu’on en viendrait aux gnons et ça se gâterait pour sa frimousse. La lutte du pot de fer contre la peau de fesse, censément!

– Mais je ne vous ai rien fait, proteste humblement le Julot de Rita.

– Manque d’esprit coopératif, Alfred, dis‑je en ramassant un sucre sur la moquette et en le croquant. Pour nous autres, poulardins comme nous sommes, c’est un délit. On peut fort bien t’enchrister après une partie de bourre‑pif pour proxénétisme et coups et blessures…

– Coups et blessures! s’indigne le malfrat.

– T’as jamais fait la raie à ta souris avec un tesson de bouteille, réfléchis!

Là, ça lui cisaille ses effets. Il se met à me défrimer autrement. Cet esprit clairvoyant se dit que je ne me suis pas amené dans sa crèche les poches vides et que je dois avoir un dossier épais comme une tranche de pudding sur son compte.

– Questionnez‑moi, je vous répondrai…

– Bravo! clame Bérurier en lui filant un petit coup de poing mutin sur le nez, je savais que t’étais un petit gars bien convenable.

Le petit gars bien convenable tamponne son nez endolori avec une irrésistible pochette de soie. Il saigne et ça lui déconjugue le moral.

– Rita avait une bonne copine, reprends‑je, une ravissante Allemande prénommée Hildegarde. Elle est venue ici; tu dois t’en souvenir?

– Oh, oui, p’t’être bien, fait Alfred avec un air tellement sincère qu’on a envie de l’arroser d’essence et d’y foutre le feu.

– Imagine‑toi, poursuis‑je en m’asseyant à califourchon sur une chaise, que nous désirons avoir un entretien privé avec cette belle Germaine. Le hic est que nous ne savons pas où la pêcher…

Béru, poulet modèle, prend le relais sans laisser tomber le bâton.

– Alors, on compte sur toi, conclut‑il.

Couchetapiane prend une expression d’infinie détresse, toute ruisselante de regrets éternels.

– Je ne peux vous être d’aucun secours, affirme‑t‑il. Cette fille est venue ici une ou deux fois prendre un pot, mais elle nous disait qu’elle créchait chez une copine à elle, à Passy. Son adresse, je l’ai jamais sue. Et d’ailleurs je m’en foutais. Si j’avais su qu’un jour…

Là, il chique les Judas à tout‑va. Le sourire est torve, l’œil papillotant.

Je le dévisage un bon coup, après quoi je me lève et je prends mon Béru à l’écart pour une conversation particulière.

Pendant que je chuchote dans la trompe d’Eustache du Gros, Alfred ramasse les décombres de son petit déjeuner. La vieillarde de service montre son museau défraîchi par l’encadrement. Elle est anxieuse. Je suis prêt à vous parier une pomme d’arrosoir contre les pommes pommes pommes pommes de La Marseillaise qu’elle ne savait pas pour le compte de qui elle travaillait. Ça la terrorise, de réaliser qu’elle époussetait dans le Milieu. Le gars Alfredo va devoir se mettre en quête d’un autre appartement vu qu’il va y avoir la grosse levée de boucliers dans le très respectable immeuble.

Ayant filé ma consigne au Mahousse, celui‑ci s’esquive en trombe. C’est un signe béruréen de ne se mouvoir qu’en trombe. Le départ en locomotive de ses locaux motive une profonde inquiétude chez Alfred Couchetapiane.

– Tu es bien certain de ne pouvoir m’affranchir davantage, bambin?

Il secoue la tête très vite et très fort. On pourrait la croire montée sur ressorts.

– Certain, je vous le répète, cette fille, je m’en rappelais même pas. Pour ce que je l’ai vue… Et puis je défends à Rita de se lier avec ses compagnes…

– Tu as bien raison, approuvé‑je, les mauvaises fréquentations, c’est la porte ouverte aux pires calamités… Cela dit, il faut que je bavarde un peu avec ta morue, mon petit gars. Où négocie‑t‑elle ses charmes, la Rita?

Il va pour interpréter les évasifs, mais mon œil de plâtre l’en dissuade. L’expression, c’est le véritable langage. A preuve: le cinéma était bien plus éloquent à l’époque du muet.

Alfred murmure:

– Elle s’explique rue Caumartin.

– A quelle hauteur?

– En face de l’entrée des artistes de l’Olympia.

Depuis un moment, je louche sur une photo coincée dans le cadre de la glace et qui représente Couchetapiane tenant par la taille une belle brune à l’air salingue.

– C’est ta donzelle, cette pétroleuse?

Il opine. J’enfouille l’image.

– Tu permets? dis‑je, je me la ferai dédicacer un de ces jours…

Et sur cette réplique je me tire.

Je retrouve Odile et Béru en tête à tête, l’une devant un Americano, l’autre devant un beaujolais‑villages. Ils devisent aimablement. Elle doit lui parler de sa Berthe, le réconforter, car il a le visage mouillé et les coquards plus roses que les pages centrales du Larousse.

– Tu as fait ce que je t’ai dit? m’enquiers‑je.

– Ça tourne! répond‑il. Qu’est‑ce que tu penses de cet oiseau?

– Pas tellement de bien, Gros. Mais, dans un moment, je te dirai si ma mauvaise impression est ou non justifiée.

– Il paraît que c’est un marlou? demande Odile.

– Oui, ma chérie. La pire espèce d’hommes. Les arnaqueurs de l’amour. Les exploiteurs du sexe…

Elle fait la réflexion propre à toutes les honnêtes femmes lorsqu’elles s’intéressent à la prostitution.

– Comment des filles peuvent‑elles vendre leur corps et remettre cet argent à un homme?

– Au début, ce sont des vicieuses, mon chou. L’acte devient vite pour elles une petite formalité. Puis elles rencontrent un mâle qui les domine, leur inspire crainte et amour, et la prostitution n’est plus alors qu’une espèce de philosophie élémentaire. L’abandon de leur corps à un «michése transforme en travail. Elles disent du reste «travailler»… Elles finissent par tout admettre de leur protecteur: qu’il les rançonne, les frappe et même les double. Un barbeau a souvent deux femmes, et même plus. La seconde fille s’appelle une doublarde, terme assez péjoratif qui calme la jalousie de la première. Le fin des fins pour un maquereau consiste à faire croire à chacune de ses gagneuses que l’autre est sa doublarde. C’est un métier honteux, mais qui requiert beaucoup de psychologie lorsqu’on veut éviter les crêpages de chignon et les basses dénonciations.

Je me tais brusquement en voyant déboucher la vieille femme de ménage de Couchetapiane. Frileusement serrée dans un vieux manteau de lainage noir à col de faux astrakan, un fichu noué sur la tête, la balayeuse s’éloigne d’un petit pas rapide et furtif de souris.

– Une seconde! lancé‑je avant de m’élancer du pas d’un lancier dont la lance se balance en cadence, comme la ganse d’un lansquenet.

En six enjambées et demie, je rattrape Mme Furibarde qui marmonne en marchant des trucs malveillants.

– Vous permettez, chère madame?

En me reconnaissant, son visage flétri par l’âge et la réprobation s’illumine.

– Ah! monsieur le policier! s’exclame‑t‑elle, vous allez un peu me dire…

– Tout! la coupé‑je. Je vous dirai tout et vous me direz tout, vous verrez comme, ensuite, la vie sera belle lorsque nous n’aurons plus de secrets l’un pour l’autre. Puis‑je vous offrir une consommation afin de vous remettre de vos émotions?

– Alors un petit rosé sec, dit‑elle en femme persuadée que la cirrhose est une maladie exclusivement masculine.

Nous nous rabattons sur le comptoir de mon rade.

Le loufiat connaît mon invitée puisque, d’autor, il lui cloque son rosé sec.

– Ainsi, fait‑elle, d’après ce que j’ai cru entendre, les gens chez qui je travaillais étaient des voyous?

– C’en sont toujours, madame!

– J’en parle au passé parce que je viens de leur rendre mon tablier! fait‑elle. Moi qui pensais que cette Rita travaillait dans l’immobilier.

– Ce n’était que demi‑mensonge de sa part, madame; elle travaille dans l’immobilier meublé.

– Une pute?

– A l’état pur, madame… heu…

– Merluche! Virginie Merluche, si vous avez besoin que je témoigne dans Le Parisien libéré, veillez à ce qu’on n’écorche pas mon nom!

Son nom dans le baveux! Rêve des humbles ensevelis dès la naissance sous un Himalaya d’anonymat. Que ne feraient‑ils pas pour voir, l’espace d’une édition, s’étaler leur patronyme dans leur journal habituel! J’ai connu un écrivain célèbre par ses souvenirs qui publiait des éditions de luxe de ses couvres et adressait un bulletin de souscription aux intéressés avec la mention «Votre nom est cité dans cet ouvrage». Cet homme remarquable connaissait bien ses contemporains car les tirages étaient épuisés en un clin d’œil. Il savait que les vrais best‑sellers, ce sont les annuaires.

– Madame Merluche, votre bonne foi a été surprise. Vous avez fait le ménage d’une catin et d’un maquereau. Ce sont des choses qui arrivent, ne vous en désolez pas. L’argent qui rétribuait votre labeur provenait certes de honteuses copulations, mais il se trouvait purifié par votre travail!

Vous allez trouver, mes fils, que votre San‑A. use d’un style ampoulé, comme on dit chez Mazda, mais gardez‑lui votre entière confiance, il sait ce qu’il fait. L’emphase, c’est ce qui plaît aux pauvres. Elle les ennoblit.

Un pleur perle à sa paupière. Elle vide cul sec son rosé du même tonneau et fait claquer fortement sa langue pour signifier qu’un autre compléterait admirablement le premier. Je le lui commande.

– Voici la photographie d’une fille, dis‑je en lui tendant le portrait d’Hildegarde. L’avez‑vous vue chez Couchetapiane?

– Mlle Hildegarde! s’exclame la plumeauteuse. Ben, vous pensez…

– Ils étaient donc en bons termes?

– Derrière et chemise! Quand ils donnaient une réception, c’était chaque fois avec la blonde et des copains à elle!

Brave Mme Merluche, si simple, si honnête, si à califourchon sur les principes! Comme il me plairait de lui donner l’accolade si les aigrettes de ses verrues, sa barbe et sa moustache ne constituaient une protection naturelle inaffrontable.

– Parlez‑moi des amis d’Hildegarde, madame…

– Merluche! Virginie Merluche? Vous devriez le noter sur un papier… Pour vous en revenir, les amis d’Hildegarde, vous dites? Il y avait une autre fille, blonde comme elle, avec un accent à couper au couteau; et puis un type aux cheveux gris qui s’appelait Jérôme… Et aussi un autre bonhomme bronzé, pas français, avec un beau nez… J’ai jamais su le nom de ce bonhomme. Entre eux, ils l’appelaient le Prince. Si prince il y avait, ça devait être un prince arménien ou en quelque sorte.

– Vous prendrez bien un troisième rosé sec, madame Virginie Merluche?

– J’ai peur que ça me tourne!

– Le rosé sec est un breuvage délicat, plaidé‑je. Dieu a créé le vin rouge pour l’ivrogne, le blanc pour les huîtres et le rosé pour la femme.

Elle se laisse faire.

– Avec ces émotions, dit‑elle pour se justifier, un peu de remontant, c’est pas de la gloire!

– Il y a eu souvent des réceptions chez Rita?

– Deux fois! On me prévenait et c’était moi qui m’occupais du frichti. J’acceptais de travailler le soir à condition que Couchetapiane me raccompagne jusque chez moi. Je me croyais en sécurité, vous parlez d’un comble! Si je m’étais doutée…

– On est souvent mieux gardé par un loup que par un chien, déclamé‑je.

Belle image, et qui atteint son but. Elle en sourcille d’admiration et je devine qu’elle fait un nœud à son cerveau pour pouvoir se la rappeler.

– De quoi parlaient ces gens lors des soirées en question?

Elle secoue ses épaules de cigogne.

– Pourrais pas vous dire. Ils causaient par allusions en ma présence…

– Essayez de vous souvenir… La dernière fois, par exemple?

Virginie Merluche pêche de son index un bout de bouchon qui flotte dans son rosé.

– Ecoutez, déclare‑t‑elle avec un rien de solennité, je crois bien qu’ils causaient d’un bonhomme qu’ils arrivaient pas à retrouver, et puis d’un autre qui leur créait des ennuis.

– Ils ont cité des noms?

– Juste un que je me souviens!

Je me décapsule bien les entonnoirs.

– Lequel, madame Merluche?

Elle se rince le dentier à l’anjou de comptoir.

– Ils parlaient d’un dénommé Bérier, on Béroyer, on Bérurier; enfin dans ces eaux‑là, conclut‑elle en éclusant son troisième gorgeon.

En prenant congé, elle me chuchote d’une vois pathétique:

– Surtout, pour ce qui est des déclarations à la presse, oubliez pas: veuve Virginie Merluche, j’habite 34, rue Bayen.

Je promets et presse avec effusion sa main valeureuse. Dès qu’elle est partie, je retourne à la table de mes commensaux. Je jubile.

– L’enfant se présente bien, Gros, exulté‑je (car jubiler ne me suffit plus), je crois que le gars Couchetapiane nous a berlurés en prétendant tout juste connaître Hildegarde. Le temps de tuber aux services et on arrose ce pas en avant.

– Je ne pensais pas qu’un flic se démenait de cette façon, plaisante Odile, décidément, vous ne restez pas deux secondes en place.

– Une oie sur une plaque chauffante, mon petit ange, plaisanté‑je en fonçant au biniou.

Les services d’écoute, alertés par Béru, me branchent avec la table 22 (celle qui est à gauche de la cheminée).

Je me fais connaître et l’homme de quart me ligote son rapport.

– Votre client de la rue des Acacias vient de téléphoner, fait‑il. Je vous lis… (Bruit de feuillets froissés qui, un court instant, me donne l’impression d’être près des cagoinsses.) Premier appel à Opéra 69 deux fois, qui est le numéro d’un café‑tabac.

Le zig de la table 22 se met à déclamer, un peu du ton qu’adopte la dame des télégrammes tubophonés pour vous relire votre message:

 

«Demandeur: – Allô! le café Dutrinal?

«Répondeur: – Oui.

«Demandeur: – Je voudrais parler à Mlle Rita qui doit se trouver sur le trottoir d’en face…

«Répondeur: – Bougez pas, on va voir si on la voit!

«Silence… (que récite le table d’écouteur)

«Répondeur: – Elle y est pas.

«Demandeur: – Ça va, merci.

Il raccroche.»

 

Et le préposé, imperturbable, d’enchaîner:

– Second appel, immédiat, à Opéra 00–07 qui est le numéro de l’hôtel Goldmiché.

 

«Demandeur: – L’hôtel Goldmiché?

«Répondeur: – Allô! oui.

«Demandeur: – Je voudrais parler à Mlle Rita, ça urge!

«Répondeur: – Elle est en passe!

«Demandeur: Je vous dis que ça urge, bor‑bordel de merde!

«Répondeur: – De la part?

«Demandeur: – Alfred.

«Répondeur: – Je vais voir…

 

«Un temps assez long, récite le préposé. Puis, une voix de femme essoufflée:

 

«Voix de femme: – Allô!

«Demandeur: – C’est moi, Alfred!

«Voix de femme: – Tu charries, j’étais en plein charbon avec un vieux crabe qu’il m’avait fallu démarrer à la manivelle…

«Demandeur: – Ta gueule! Tu vas avoir incessamment la visite d’une paire de perdreaux qui fouinassent au sujet d’Hildegarde…

«Voix de femme: – Merde!

«Demandeur: – Comme tu dis. Je leur ai affirmé que c’était une simple copine de tapin à toi et qu’elle était juste venue prendre un glass à la maison, mais ça me défrisait et que je t’avais ordonné de la larguer. On ne savait rien d’elle, juste qu’elle habitait chez une potesse à Passy, vu?

«Voix de femme: – Vu!

«Demandeur: – Juste ça et rien d’autre, hein! Si t’as le malheur de déconner, compte sur moi pour te dorloter le trésor. Tchao!»

 

– Et on a raccroché, conclut le standardiste.

Thank you very much, mon pote!

Cette fois, je ne jubile plus, je n’exulte plus; je trépigne. On serait dans un moulin, je me roulerais dans la farine tellement ma joie est vive.

Je me hâte de révéler ce bonheur à mes compagnons. Le Gros se masse le poing droit dans la main gauche, puis le poing gauche dans la main droite, ce qui, chez lui, est un signe extérieur de rudesse. J’ai idée que dans pas longtemps et peut‑être avant, le physique du Roméo à Rita va ressembler à une indigestion de tomates. Il se pourlèche! Il étincelle! Il brille! Il reluit! Il miroite! Il éclabousse!

– Je sens qu’on brûle, dit‑il. Mes enfants, si tout marche et que je retrouve ma Berthe, je te vous offre un gueuleton mémorable dans une boîte à grand standinge que votre foie en roulera sur la jante! Je connais justement un hôtel de classe qui fait aussi bureau de tabac à Levallois, et vous mendierez des nouvelles!

Tandis qu’il lyrique, une idée me cavale par la bonbonnière à génie.

– Odile, murmuré‑je, puisque notre enquête te captive, ça t’amuserait d’y participer?

– Oh! oui! s’exclame‑t‑elle si fort que le barman se file un jet de vapeur du perco dans la moustache.

– Je te préviens, ça peut‑être dangereux…

– Crois‑tu que je sois une poltronne, Antoine?

Quel amour, cette nana! Je vous jure que si j’y prends pas garde, je suis chiche de la présenter à môman et de m’acheter une paire de gants blancs pour aller la demander en mariage à Monsieur son daron qui vit toujours.

– Tu vas monter chez Couchetapiane, Odile!

– Chic!

– Tu lui diras que tu viens de la part d’Hildegarde pour le prévenir que la Rousse est à ses trousses et qu’il se pourrait qu’il ait la visite des flics… Sois mystérieuse et inquiétante.

– Mais…, objecte Béru.

Je le coupe du tranchant de la voix.

– Bois ton beaujolais, Gros, et ne pense pas, ça ferait des vagues.

– Et ensuite? demande sagement Odile qui a pigé.

– Il va, soit se méfier de toi et chiquer à l’incompréhension, soit te dire que les flics sortent de chez lui et qu’il n’a pas parlé. Dans la première éventualité, n’insiste pas. Dans la seconde, recommande‑lui d’avertir Rita. Et puis deviens menaçante et révèle‑lui que M. Jérôme est mort parce qu’il n’a pas su se tenir à carreau. Tu me suis toujours?

– Toujours, sourit Odile.

Je lui prends la main et lui baisote le bout des doigts. C’est drôlement chouette à bisouiller, le bout des doigts de la femme qu’on aime. Beaucoup de tordus se figurent que les points de contact physiques sont immuables. Pour eux c’est la bouche, le raminagrobis ou les mamelons de Cavaillon. Manque d’imagination! Atrophie du sensuel! Quand on aime, pas besoin de poser en terrain balisé: c’est bon partout. L’être aimé, vous devez avoir la secousse aussi bien en lui caressant le mollet qu’en lui becquetant le postiche. Le courant électrique, il passe tout le long du fil qui le véhicule, non? Mêmement, l’amour passe tout le long du corps qui l’abrite. Vous pouvez placer votre fiche voleuse sur la hanche ou le cou de pied, entre les omoplates ou dans le creux du nombril, c’est du kif. La même chair, chaude partout pareil, avec le même sang qui vient la caresser entièrement et sur lequel navigue votre tendresse. Oh oui, le bout des doigts, le talon, la nuque, le pli du bras, là où les veines montent à la surface et font une ombre bleue… Tout est à embrasser chez la femme aimée, de même que tout est bon dans le cochon. Y a pas de morceaux choisis ni de bas morceaux. Elle est une et indivisible, pire que la République dont il ne reste plus que la tronche, tellement on l’a malmenée, celle‑là.

– Et après, chef? demande‑t‑elle en me retirant sa main.

– Le Jérôme en question a pour nom Laurenzi. Ceci au cas où il te parlerait de lui. Et il habite rue de Buzenval à Saint‑Cloud… Je compte sur toi pour avoir l’air affranchie, hein?

– Je ferai de mon mieux.

– J’en suis certain. En admettant que tout aille bien et que tu le sentes en confiance, demande‑lui s’il sait où l’on peut joindre le Prince, tu te souviendras?

– Où on peut joindre le Prince, répète‑t‑elle. C’est tout?

– C’est tout. Nous t’attendons ici. Si, par hasard, les choses tournaient mal, prends n’importe quel objet qui te tombera sous la main et balance‑le dans un carreau de la fenêtre.

Cette fois, elle a droit à un bout de galoche escamotable et je la propulse vers la sortie. Béru la regarde sortir d’un œil gluant de sympathie fervente.

– Un bon petit lot que tu viens de tirer à la tombola, Mec, déclare‑t‑il. Cette gosse, c’est ma Berthe en plus jeune, du temps qu’elle servait comme serveuse au restaurant du père Hippolyte à Issy‑les‑Moulineaux.

 

Date: 2015-12-13; view: 344; Íàðóøåíèå àâòîðñêèõ ïðàâ; Ïîìîùü â íàïèñàíèè ðàáîòû --> ÑÞÄÀ...



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