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PROLOGUE 14 page





– J'ai apporté le carton à la maison. C'était un paquet comme on en vend dans les bureaux de poste, de taille moyenne.

– Quelqu'un est venu le récupérer?

– Non. Je l'ai remis à Monsieur quand il est rentré, une quinzaine de jours plus tard.

Un nouveau silence. Je me dis que l'écrivain de la troisième main était bien léger de confier à son jardinier les coordonnées du type qui l'approvisionnait en came. Un authentique romancier, j'entends par là un qui rédige lui‑même ses bouquins, se serait montré plus prudent.

– Depuis cette affaire, vous n'avez jamais été confronté à d'autres histoires de paquets?

– Au grand jamais!

Je batifole un brin de la pensarde.

– Cela n'explique toujours pas pourquoi l'on a tenté de vous assassiner.

El Djam est tout contrit par ma remarque. Il aimerait tellement me proposer une version rationnelle.

– La raison de cet attentat existe, reprends‑je; il faut absolument que nous la découvrions. Vous savez quelque chose, Moktar; vous savez quelque chose! Votre vie sera menacée jusqu'à ce que nous ayons la clé de l'énigme!

Sur ces fortes paroles, la merveilleuse Schéhérazade apparut, flanquée du chiare que lui avait fait son Europecentralien. En la voyant, j'eus spontanément un tricotin à enfiler un berger allemand femelle, pour peu qu'il soit muselé!

Je prétextis avoir besoin de lui faire signer des fafs à la Grande Chaumière, concernant son époux, et l'emmenas directo en l'hôtel Bonifacio où mon pénis et sa luette eurent un entretien d'un intérêt brûlant.

 

 

N'ayant pas de bagage, il sortit le premier de l'aéroport. Un soleil, violent comme un coup de massue, l'agressa.

Un Noir, coiffé d'un large chapeau de paille l'aborda, tenant dans sa sinistre un éventail de cartes postales compostées de chiures de mouches.

Le Rouquemoute refusa d'un geste.

– Fais pas l'andouille, lui souffla le marchand à la sauvette, achète‑moi la première du lot.

C'est ainsi que, sous les larges bords de la coiffure, l'homme de science découvrit Jérémie.

Il réussit à refréner sa stupeur, saisit la carte présentée, la paya d'une pièce française et gagna les toilettes du hall dont la détresse fit peur à l'usager. Là il retourna la vue générale de Kalamarfarcî et lut: Tu es piégé. Va mettre les petites clés de Sana dans l'annuaire de la cabine téléphonique n° 2 et prends un taxi pour l'ambassade de France. Elle est prévenue.

Mathias sentit s'accélérer les battements de son cœur. Il chiqua l'indifférence, sortit son répertoire téléphonique de sa poche et fit mine d'y chercher un numéro.

Après quoi, il gagna la guérite indiquée. Dieu merci, celle‑ci n'avait que sa porte de vitrée, contrairement aux guitounes de chez nous qui ressemblent à des châsses. Il composa un numéro imaginaire puis, à petits gestes prudes, retira les clés de sa fouille pour les glisser entre les feuillets du gros volume.

Un instant après, il s'évacuait en taxoche.

Le «marchand de post cards» demeura un bon moment à distance avant de se risquer à son tour dans la cabine. Son atavisme de chasseur en brousse, accru par sa carrière limière, le dotait d'une sorte de sixième sens l'avertissant des dangers les moins discernables. Il commença par fourrer quelques dragées de chewing‑gum mentholé dans sa bouche et se mit à mastiquer avec cette application imbécile des amateurs de cette sotte denrée. Pour ma part, quand je visionne un match de foot à la télé, je ne peux supporter ces glandus de banc de touche qui se surmènent les maxillaires en vociférant des ordres. Mais tant et tant de choses m'agacent chez mes cons si temporains!

Jérémie se décida enfin à composer un numéro qu'il aperçut, gravé au couteau dans la cabine.


Une voix perturbée par l'asthme, se mit à baragouiner en arabe.

– Je t'encule, enfoiré! répondit le Noirpiot.

Il y eut un silence, la voix au goût de miel reprit:

– Qui demandez‑vous?

Il répondit: «Le pape» et raccrocha.

Le flot des passagers s'écoulait lentement. Tous montraient cet air indécis des gens débarquant d'un long voyage.

Pour la vraisemblance de son personnage, Blanc continua de proposer ses cartes postales à des individus ayant bien d'autres préoccupations en tête. Les plus polis lui adressaient un signe négatif, les autres l'écartaient d'un coup de valoche dans les cannes.

Pour un temps, le hall de l'aéroport devint à peu près désert.

Jérémie s'assit sur une banquette après avoir rangé le paquet de cartolinas dans sa poche. Il semblait rêvasser, mais en réalité son vibromasseur à perruque fonctionnait à deux cents tours minute.

Autour de lui, tout avait l'innocence de l'indifférence.

Au bout de dix minutes, devant cette léthargie paraissant l'exclure, il faillit retourner à la cabine; mais un signal d'alerte, émis au plus profond de son être, lui parvint une fois encore; il décida de lui obéir.

Quelques taxis peints en jaune et blanc s'alignaient en une file maigrichonne sur l'esplanade. Il s'avança pour fréter la voiture de tête. Au moment où il l'atteignait, une Range‑Rover portant le mot «Police» sur ses portes, fonça jusqu'à sa hauteur. Deux hommes en uniforme jaillirent du véhicule et se jetèrent sur lui. Ils lui mirent les menottes (elles ne ressemblaient pas aux cadennes françaises).

On le poussa dans la voiture. Laquelle s'éloigna aussitôt dans un vacarme de sirènes hystériques.

 

 

La ravissante Marie Bizarre jouit trois fois consécutives car Monosperme, le dangereux cousin de Jérémie Blanc, était une authentique «bête d'amour» dotée de surcroît d'un membre particulièrement long, à tête de bolet comestible. L'objet pénétrait sans problème, mais par contre mettait beaucoup de réticences à se retirer. Pareille anomalie, loin d'éprouver l'ardente policière, ajoutait à son plaisir. Elle dut faire appel à sa conscience professionnelle pour ne pas devenir l'esclave fanatisée du gredin.

Lorsqu'elle eut accueilli le sombre voyou par tous ses orifices de nature, elle pensa qu'il était temps de rejoindre sa base.

Manifesta simplement son intention, ce qui sembla amuser le Noir.

– T'as vu ça où, pétasse? lui demanda galamment le don Juan d'hôtels de passe. J'ai encore une bonne centaine de coups à tirer avec toi, et quand tu ne me feras plus envie, je te repasserai à un pote à moi, marchand de viande blanche dans différents coins de la planète. Un con comme le tien s'exporte facilement, et ta technique affûtée te vaudra un traitement spécial, espère!


L'exquise Marie, au courage (et à la culotte) bien trempé(es) ne parut pas aussi alarmée qu'on pouvait le supposer.

Elle hocha la tête et répondit:

– Tu sais, négro, on a encore du bon temps à prendre ensemble et rien ne dit que tu te lasseras de moi!

Il lui sourit, conscient de ce qu'elle avait peut‑être raison; il tenait avec elle une baiseuse d'exception.

 

* * *

 

Pendant leurs ébats tempétueux, on commençait à s'énerver à la Maison Pébroque. La môme Marie, qui demeurait toujours en contact étroit avec ses collègues, avait annoncé que le «client» s'approchait de sa voiture; depuis lors: nothing. Fort heureusement, restait cet incontournable «bip» logé dans une grolle de Monosperme. De plus en plus, la Rousse «régénérée» use des gadgets. Les romans policiers apportant en fin de compte, leurs techniques nouvelles à cette institution vieillissante.

Un dénommé Capuche reçut pour mission de retrouver le cousin de Blanc. Il portait un récepteur en bandoulière et sa portugaise droite s'ornait d'un appareil acoustique comme en sont équipés les sourds[44].

Après pas mal d'errance, le brave flic atteignit l'hôtel louche où le Noir abritait ses débordements. Malgré les interférences consécutives à son harnachement, il usa de son portable afin de demander l'avis de ses supérieurs.

Ceux‑ci lui promirent un prompt renfort. François Capuche était jeune, donc zélé. Assuré de l'imminente rescousse, il décida de se payer une action d'éclat pour son anniversaire tombant le lendemain et pénétra dans l'hôtel davantage borgne que le bon Le Pen.

Dans la plupart des grandes villes, et à Pantruche particulièrement, il existe des marchands de «nuits» toujours accueillants pour la pègre. Généralement, ce sont d'anciens marlous plus ou moins rangés ou des maquerelles dégoûtées du pain de fesses.

L'officier de police Capuche se trouva face à un sujet au sexe évasif, qu'on aurait cru conservé dans du formol. Cet être avait la figure plus ridée que son réticule à couilles (s'il était masculin) ou que sa chaglatte (s'il était féminin).

– La chambre de Monosperme Blanc? demanda‑t‑il à la créature incertaine.


Comme l'androgyne réservait sa réponse, il insista:

– C'est un magnifique homme de couleur accompagné d'une femme blanche bien tournée.

Son (ou sa) vis‑à‑vis décrocha un appareil téléphonique déjà en place au temps des crinolines et actionna une manivelle.

– Part d'qui? articula l'individu.

Capuche arracha la relique aux mains griffues et gronda:

– Police! Numéro de la chambre avant que je fasse fermer votre élevage à morpions?

– Seize!

– Montez avec moi!

L'être inclassable hésita, puis sortit de derrière sa banque. En définitive, il devait s'agir d'un mec car son pantalon, amidonné par la crasse, comportait une braguette. Une vie pas fatalement aisée lui avait enseigné l'art subtil de fermer sa gueule dans les moments où les paroles sont superflues.

Ils parvinrent devant le 16. Le bourdille toqua.

– Qu'est‑ce que c'est? fit une voix dont on devinait qu'elle roulait les «r», bien que la question n'en comportât pas.

– Répondez! chuchota le flic à l'oreille mielleuse du taulier.

L'autre grommela:

– La réception.

Le policier sortit son arme de service pour parer à une mauvaise surprise et attendit. Une confortable jubilation l'habitait.

Le verrou fut actionné, la porte s'écarta. Il aperçut sa collègue dans l'encadrement.

– A quoi joues‑tu? demanda le jeune O.P., acerbe.

En manière de réponse, un pistolet tenu par une main noire jaillit de sous l'aisselle nue de Marie.

Deux coups de feu claquèrent.

François Capuche ne fêta pas son anniversaire le lendemain.

 

 

Ce fut Béru qui, le premier, retrouva sa trace.

Kléber Dintzer avait disparu peu après la visite de Pinaud. Lorsque j'allai dans ses bureaux, la secrétaire m'expliqua que le gérant de fortunes avait pris quelques jours sabbatiques. Cela lui arrivait plusieurs fois l'an pour lui permettre de «recharger les accus». Dans ces cas‑là, il se munissait de la valise de voyage, toujours prête, dans un placard du vestiaire, et s'esbignait sans informer quiconque de sa destination.

Je demandai alors à mes valeureux Béru et Pinuche de retrouver coûte que coûte la piste du bellâtre aux cheveux argentés. Au cours de cette enquête foisonnante en péripéties, accaparé par mille tâches, je n'avais pas eu le temps de m'occuper de l'étrange personnage, aussi étais‑je fermement décidé à mettre les bouchées doubles. Donc le Gros, servi par la chance, «gagna le canard», comme disait volontiers mon papa. Ce fut d'une telle simplicité que les plus mauvais écrivassiers du genre (j'en ai dénombré vingt‑huit mille quatre cent trente‑deux à ce jour, sur le seul territoire français) n'oseraient utiliser un hasard aussi chichois. En quittant les bureaux de Dintzer, il refusa de repartir dans ma voiture, car il devait se rendre d'urgence porte de Bagnolet pour tirer l'épouse de l'un de ses maréchaux, une certaine Marie‑Louise Pranduque, à qui il avait fait tâter ses couilles dans les lavabos de Chez Finfin, le jour de son sacre.

Il fréta un G7. A peine fut‑il assis que le conducteur, un Albigeois disert, s'exclama:

– Décidément, j'suis abonné à cette maison: hier, à la même heure, j'y ai chargé un client.

On est poulardin ou on ne l'est pas. Sa Majesté Quatre interrogea prompto:

– C' n'serait‑il pas été un beau mec aux ch'veux blancs?

– Exact. Vous l'connaissez?

– J'commence, jubila Gradube. Et où vous m'avez conduit ce gentelman?

– Il vous intéresse?

– Pas sans raison, assura le Mahousse en déballant sa brèmouze de la Poule, tachée de gras et de vin.

Le taximan murmura:

– Je vous situais plutôt dans la charcuterie de gros.

– Biscotte mon côté intello vous aurera échappé, l'ami. Répondez voir à ma question: où qu'vous l'avez drivé, c'gandin?

– Aéroport d'Orly.

– Soyez plus précis si vous pourriez et je vous ferai sauter vos contrebûches jusqu'à la quille.

L'Albigeois en mouilla son caleçon à longues manches.

– Comme il venait de lâcher un pourliche convenable, j'ai coltiné sa Samsonite au guichet d'Air Portugal.

Son Enflure Impériale en loufa d'aise.

– Bravo, mec, n'heureus'ment que j'ai pas tombé sur un taxoche bougne ou chinago! C't'un bonheur d'causer av'c toive!

– Je peux même vous fournir une autre précision: le vol de votre type allait à Madère!

 

* * *

 

Quelques heures plus tard, nous nous envolons pour Madère, lui et moi. La Pine fait la gueule, mais étant connu du «client», il risquerait de nous «brûler».

Au moment où la nature européenne désarme, c'est grisant de retrouver l'été. Il règne à Funchal une douceur suave. Des senteurs de fleurs sauvages et de fruits créent une ivresse légère chez les voyageurs chargés des miasmes propres (si je puis dire) aux grandes capitales emmazoutées.

En débarquant, nous avons pris le minibus du Metropole Palace, au petit bonheur la chambre, nous disant qu'en cette saison de moyenne fréquentation, notre logeance ne poserait aucun problème.

Fectivement, l'on nous propose une suite (au prochain numéro) dont les fenêtres donnent sur la mer.

Nos valdingues à peine posées sur la claie à bagages, je fonce au turbin.

– Et moive? s'inquiète celui qui sème les vents sans jamais récolter la tempête, sinon dans son calbute.

– Prends un bain en m'attendant, ça te reposera.

Il maugrée.

– Si tu croives qu' j'ai venu laguche pour faire pâtiss'rie, tu t'goures.

J'endigue sa rancœur en lui montrant le minibar.

– Tu trouveras là‑dedans de quoi patienter.

C'est un Bébé rose calmé par la vue de son biberon que j'abandonne momentanément.

Retour à la réception.

Je demande si par hasard mon ami Dintzer ne serait pas descendu dans l'établissement.

Rapide survol du registre. Réponse: nenni.

Contre des escudos qui ne sonnent ni ne trébuchent car ils sont en papier, j'obtiens la liste complète des hôtels de l'île.

Location d'une tire de marque allemande, puis tournée des établissements hôteliers.

«Le soleil de la chance se remet à briller», disait la divine Mme Soleil (précisément) à sa clientèle fervente. Comme je pose ma question aux préposés du Madère et Grand Hôtel, un mec rondouillard, à tronche de cocu jovial, me dit qu'effectivement, Kléber Dintzer fut leur client jusqu'au jour où il acquit une propriété dans l'île.

– Où ce que? Où ce que? demandé‑je avec l'avidité d'un clodo regardant un camion blindé en train d'emporter les fonds d'une banque.

Flairant la good affure, le mec mate sa toquante, me dit qu'il se fera un bonheur de m'y conduire, la villa Santa Lucia étant à cinq minutes de là.

Cette demeure blanche, aux ouvertures cernées de briques vernissées, au toit de tuiles vertes, au jardin foisonnant d'essences tropicales, concrétiserait le rêve de trois milliards d'individus sur notre planète. On la devine fraîche du dedans et odorante du dehors. Doit y avoir une piscaille à l'arrière, entourée de fauteuils moelleux et, probablement, une ou deux ravissantes minettes aux touffes pubiennes aussi exubérantes que le parc. Une Ferrari jaune, décapsulable, met une apothéose sur un parking ombragé d'ifs.

Je repère le coinceteau, puis remporte le cornard supposé sur ses terres.

Now, de quelle manière attraper tout ça?

Je vais m'entretenir avec mon dauphin qui ressemble plutôt à une baleine.

La suite semble vide; pourtant, des geignements d'effort en provenance du balcon guident mes pas.

M'y rends.

Avise l'Obèse tout nu, occupé à faire ses abdominaux sous les yeux fascinés d'une dame trop tarte pour ne pas être britannique, laquelle occupe l'appartement contigu au nôtre.

Le Mastard se sachant observé, chique les montreurs de marionnettes avec son battant de cloche. La «mistress» côtoie la crise d'épilepsie. Congestionnée comme une entrecôte de bœuf! C'est sa première rencontre avec un écarte‑moniche pareillement phénoménal.

Ahô my God, my God! elle exprime avec des accents marquant la détresse d'une femme qui ne pourra jamais s'engoncer un tel module dans le moule à gaufrettes.

Cynique, le Dodu se met à flatter la bête pour lui faire acquérir sa plénitude.

Puis s'adressant à la convoitante:

– Prochez‑vous d'la grille, mémère Milady, j'croive qu'elle a les barreaux suffis'ment écartelés pour qu' j'vous la confiasse en vue d'un turlute mitoyen. Mais surtout gaffez‑vous d'vos ratiches britiches, si y a un point où j'déteste les escorchures, c'est bien sur le bec verseur!

 

 

Villa Santa Lucia, à nouveau.

Derrière les ifs, la Ferrari jaune est toujours tapie dans l'ombre.

– Dis‑moive, y s'met bien, l'gérant d'fortunes, apprécie Alexandre‑B. Dedieu! T'as looké c'te chignole? Note qu' c' t'un peu dommage d'avoir un' charrette qui dépasse le trois cents à l'heure su' un' île grande comme le cul à Berthe et qu'est tout' en montagne!

Cette remarque, pour acerbe qu'elle paraisse, n'implique aucune envie. Mon compagnon a toujours roulé dans une traction avant Citroën remontant aux années 30, sans jamais éprouver la moindre convoitise pour un véhicule plus performant.

Des bruits de rires et de flotte agitée nous entraînent vers la gauche de la maison. Nous empruntons cette direction et, comme je l'avais pressenti, découvrons une piscaille couleur émeraude. Je subodorais de la compagnie féminine, il n'y en a pas. Par contre, deux mecs strictement nus jouent les tritons dans l'eau chatoyante.

Les gaziers en question se poursuivent dans l'onde, se rattrapent, se palpent les pochettes‑surprises, se roulent des pelles, se carrent des doigts mutins dans le cyclope arrière, font mille et mille mômeries amoureuses, mille Emile grâces si grotesques que le doyen de l'Assemblée nationale en gerberait les tartines de confiture préparées par sa maman pour son quatre‑heures.

Nous stoppons près du vivier à pédoques, Sa Majesté et moi. Médusés. Gênés aussi, sans doute.

C'est dingue ce qu'il y a comme sodomites dans ce livre par ailleurs si puissant! Une épidémie! Un vertige! Un pullulage! L'empire de la vaseline!

Il s'écoule plusieurs minutes avant que ces naïaux[45] nous retapissent.

Les deux dauphines nous visionnent simultanément.

– Qu'est‑ce que vous foutez là? nous lancent‑ils d'une même voix, l'un en mauvais portugais, l'autre en bon français.

Je produis ma carte pro avec une telle aisance qu'on devrait me filmer et me projeter dans toutes les écoles de police de la planète, pour la précision et l'élégance du geste. Un magicien! A croire que ce rectangle barré de tricolore a été subtilisé au néant.

Les folâtreurs en demeurent saisis (pas par la queue).

J'identifie sans mal Kléber Dintzer, mais c'est son pote qui me trouble.

Je m'empare de deux peignoirs immaculés, sur le siège où ils furent jetés, et m'avance.

Ils bondissent hors de l'eau et se hâtent d'envelopper leur nuditance.

Vont pour gagner la maison.

– Non! Nous serons mieux sur ce gazon japonais, assuré‑je: profitons du merveilleux soleil.

Je leur désigne des chaises longues. Ils obéissent. Position privilégiée pour moi; pas fastoche de répondre aux questions embarrassantes d'un flic qui te surplombe.

Pourtant, Dintzer demande:

– Police française, d'après votre carte?

– Effectivement.

– Je vous fais observer que nous nous trouvons en territoire portugais.

– Et alors?

– Vous avez une commission rogatoire?

– Pratiquement.

– Qu'est‑ce que c'est que ce charabia? Vous l'avez ou vous ne l'avez pas?

L'Empereur, prince de l'impatience et roi de la violence, y va de son coup de talon dans la frite du Tout‑Beau. Vendanges d'automne, une fois de plus.

– Vous allez la sentir passer! promet l'endoffé.

– En attendant, c'est toive qui dérouilles, mec. Et c'est s'l'ment les gâteaux aux anchois d' l'hors‑d'œuvre.

Il shoote derechef dans la frime du gérant de (mauvaises) fortunes.

– Vos agissements sont d'une illégalité absolue! se mêle son pote de piscine, non sans courage, je le fais remarquer.

– Bonté divine! Vous êtes Yvan Dressompert, le journaliste disparu!

Voilà, en toute simplicité, l'exclamation que je lance à m'en faire un nœud aux cordes vocales.

D'après la mine de mon terlocuteur, je réalise le bien‑fondé de la question.

 

 

Pinaud sortit de la gare de Louveciennes, le cœur plein d'aubes fraîches et de lilas blancs. Il se sentait pimpant comme un vieux trou de balle vaseliné.

La veille au soir, il était allé colmater son spleen (dû au départ de ses compagnons) au Mirador, une boîte de nuit tenue par un Allemand, y avait lié connaissance avec une ravissante gretchen rose et blonde qui lui permit d'éjaculer entre ses seins plantureux.

César se montrait friand de cette pratique, pas toujours réalisable avec les personnes du sexe. La chère créature, intéressée par les coupures de la Banque de France dont son client se montrait peu avare, lui avait accordé rebelote en mâchouillant ses testicules, lesquels pendaient bas comme la poche d'une fronde. Telle pratique ravit le digne homme et son souvenir perdurait encore le lendemain.

Il prit un taxi pour se faire conduire au château.

Pour quelle raison y revenait‑il encore?

Mystère.

Une manifestation péremptoire de son instinct, probablement. Au cours de sa carrière, comme tous les vrais policiers, il s'était toujours senti «manipulé» par cette force obscure.

Une fois descendu du véhicule, devant la grille, il remonta l'allée d'honneur d'un pas léger. Le temps pluvieux faisait la gueule, mais celle‑ci n'effarouchait pas l'euphorie pinulcienne.

Un nouveau garde surveillait les lieux en ronflant. L'homme s'était confectionné un divan grâce au concours bénévole de deux fauteuils disposés face à face. C'était un dormeur du genre siffleur, dont la profonde exhalaison laissait craindre un brusque blocage de son appareil respiratoire.

César s'approcha pour le regarder de près, touché par ce témoignage de confiance absolue émanant du sommeil.

Non loin, le bassin de la tortue produisait son sempiternel glouglou, tandis que la bête rêvassait, ses paupières d'écailles à demi closes.

Ce vaste hall presque vide, la respiration hasardeuse du policier et le menu ruissellement de la vasque créaient une ambiance fantasmagorique à laquelle Pinuche fut sensible et qui retroussa sa joie comme le vent un parapluie. Il s'assit sur la margelle.

Le murmure de l'eau désorientant sa prostate, il dut céder aux exigences de sa vessie et confia au bassin une miction parcimonieuse.

Il réinstallait sa vieille bite dans la touffeur de son calcif, quand il crut percevoir un bruit qu'il eut du mal à identifier. Cela ressemblait à quelque assaut de la bise dans la cheminée; il s'en montra d'autant plus surpris qu'il n'y avait pas le moindre souffle d'air alentour.

Il s'approcha de l'âtre immense, avança sa tête entre les landiers. Le large conduit formait caisse de résonance et amplifiait une rumeur lointaine de conversation. Les mots restaient indistincts, pourtant on subodorait une discussion entre deux ou trois personnes.

«Voix de trépassés», songea Baderne‑Baderne dont, jadis, la vénérée mère faisait tourner les tables et utilisait les propriétés mydriatiques de la mandragore.

Il avait beau écarquiller les yeux comme des anus de constipés, il n'apercevait qu'un rectangle de ciel bordé de suie.

Se dit alors que les gens dont il entendait les voix devaient discuter dans une pièce traversée par le conduit.







Date: 2015-12-13; view: 435; Нарушение авторских прав



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