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PROLOGUE 15 page





Quittant son poste d'écoute, le cher vieux bougre emprunta l'escalier.

Le perdreau de service dormait toujours.

La Pine examina la chambre du fond de chacun des étages franchis par le canal de fumée.

Les pièces étaient vides, déjà poussiéreuses. César eut beau tendre l'oreille, il n'entendit plus le moindre son.

L'inspection de l'immense grenier se montra moins négative, car des traces de pas se lisaient dans la poussière. Celles d'un homme et d'une femme.

C'est en redescendant que la mystérieuse conversation reprit, plus présente. Croyant devenir chèvre, comme l'assurait pour des riens Mme Cliquet, notre ancienne boulangère de la rue de la Libération[46], l'acharné bonhomme renouvela son investiguance.

La persévérance est toujours récompensée. Dans une piaule du second, déjà visitée, se trouvait un vénérable et donc volumineux poste de radio, arrondi du dessus, dont le haut‑parleur s'ornait d'une lyre en acajou. C'était cet appareil qui émettait les bruits intempestueux.

Ici l'émission, quoique granuleuse, livrait des bribes audibles. Ainsi, une voix grasse, affligée d'un vilain accent d'Europe centrale, déclarait:

– Ce vieux type n'a pas l'air très malin, il va repartir bredouille, et le flic est un abruti ne faisant que dormir et boire de la bière!

Un rire ponctua ces paroles. Le son se brouilla comme le font parfois les ondes hertziennes perturbées par la proximité d'un moteur.

Pinaud tenta de tripoter les boutons du vénérable appareil, ce qui ne fit qu'aggraver la cacophonie. Il n'y connaissait pas grand‑chose en radio, d'ailleurs toutes les techniques le rebutaient. Il admirait le progrès sans chercher à en percevoir les mystères. Le génie humain constituait à ses yeux un don du ciel permanent, et il en savait gré au Tout‑Puissant.

Les égarades du poste s'étaient tues. Le fragile bonhomme essaya de tirer des conclusions utiles du phénomène.

Par exemple, le fait que les «fantômes» mentionnassent sa présence prouvait qu'ils étaient très proches. Pas suffisamment toutefois pour se trouver dans le château.

César, conscient de sa fragilité en la circonstance, regretta d'agir en solitaire et sans arme.

«L'on» suivait probablement ses déplacements, sans qu'il sût où se tenaient les observateurs.

Mal à l'aise, il redescendit. Le dormeur s'éveillait en bâillant fort, comme brait un âne.

Apercevant la Vieillasse, il bondit sur ses pieds plats.

– Qui êtes‑vous et que faisez‑vous ici? tonna‑t‑il.

Cette apostrophe peu amène réconforta César en lui démontrant qu'il n'était plus seul.

– Officier de police Pinaud, de la Criminelle! se présenta‑t‑il en extirpant de ses souks personnels la preuve de ce qu'il avançait.

– Enchanté! assura le dormeur tel un homme fraîchement apprivoisé par Merlin.

Baderne‑Baderne demanda:

– Il y a longtemps que vous montez la garde dans ce château?

L'apostrophé consulta sa Bozon‑Duramier à cadran fluo.

– Quatre heures et des…

– Vous n'avez aperçu personne?

– Personne!

– Entendu des voix?

Le Glandeur risit sottement.

– J'sus pas Jeanne d'Arc!

Comme pour assurer l'autorité de l'émérite Pinaud, la rumeur de converse reprit, sortant de l'âtre.

– Je veux parler de ÇA! fit le Vétuste.

Son terlocuteur s'assombrit.

– Première fois que je les perçois.

– Savez‑vous pourquoi?

– Heu, répondit l'uniformé qui se montrait loquace, à l'occasion.

– Parce que vous dormiez! s'emporta César, lequel perdait rarement son contrôle.

– Moi! Mais je vous jure que non!

La brusque véhémence du vieux flic fut pareille à une soupière brûlante renversée sur sa tronche de non‑pensant.

– Taisez‑vous! cria le richissime rentier. J'ai passé plus d'un quart d'heure à vous regarder dormir. Je vais faire un rapport à vos supérieurs pour leur révéler la manière dont vous montez la garde!

Penaude, la sentinelle pionceuse baissa la tête et sentit un courant électrique parcourir ses entrailles.

Pinaud fut remué mais n'en laissa rien paraître.

– Dégainez votre arme, vérifiez‑en le chargeur et ôtez le cran de sûreté!

Le garde s'exécuta en sucrant les fraises.

– Vous y êtes? Alors, suivez‑moi!

 

* * *

 

Ils avançaient, l'un suivant l'autre, vers l'arrière de la maison. Titan Ma Gloire y avait fait planter une vigne. Son vin était exécrable, mais l'académicien s'en montrait très fier. Il produisait un millier de bouteilles élégantes dont il n'était pas avare.

Ses amis confiaient le contenu à leur évier ou au vinaigrier et en conservaient le délicat flacon pour en faire des pique‑fleurs ou des lampes de chevet.

De l'autre côté du minuscule vignoble s'élevait la bâtisse servant de chai. Un pressoir et quelques barriques gardaient en permanence la saine odeur du raisin écrasé.

Au‑dessus du local, on avait ménagé deux pièces mansardées ne servant presque jamais, car cette exploitation viticole ne justifiait qu'une minuscule main‑d'œuvre épisodique.

La Vieillasse avait, lors d'une de ses précédentes visites, jeté un regard distrait sur cette petite dépendance mais, à cet instant, quelque chose lui assurait qu'il s'y passait du glauque.

Les deux perdreaux pénétrèrent dans le chai. Tout était silencieux. La Pine considéra l'escalier de meunier menant à la partie supérieure. Il examina les maigres marches et y constata des traces de boue fraîches qu'il désigna à son compagnon.

Celui‑ci regarda, comprit, fit un signe d'acquiescement et ôta ses groles afin de gravir les degrés sans les faire geindre.

Après quoi, son arme bien en pogne, il monta.

Il était utopique de croire qu'il suffisait d'être en chaussettes pour amortir les grincements provoqués par son ascension.

Lorsqu'il parvint à l'ultime marche, il se pencha afin de guigner par le trou de la serrure. A peine se trouvait‑il opérationnel qu'il poussa un atroce hurlement et bascula à la renverse en lâchant son arme.

Il chut aux pieds de Pinaud. Sa tête porta sur une pierre de soutènement. Il se tut, resta immobile; une longue et mince tige d'acier sortait de son œil gauche crevé tandis qu'une flaque de sang s'agrandissait sous sa nuque.

Médusé, César fixa avec une éperdue navrance l'homme qu'il venait de houspiller un moment auparavant.

Il n'eut pas loisir de s'occuper de lui, car la porte s'ouvrit et deux individus se ruèrent sur l'échelle de meunier.

Un calme glacé habitait le tendre bonhomme.

Il vit le pistolet de son confrère en uniforme, sur le sol cimenté, et le ramassa prestement. L'un des fuyards atteignait déjà la porte, son acolyte sur ses talons.

Le dabe éleva l'arme et, posément, comme au stand d'entraînement, pressa par trois fois la détente. Le second type fit une étrange cabriole de lièvre flingué en pleine course, culbuta et s'écroula devant un tonneau.

Le Vieux toussota à cause de la poudre.

 

 

Lorsque la voiture policière parvint au bout de l'esplanade de l'aéroport, Jérémie pensa qu'elle allait prendre à gauche, en direction de la capitale; aussi fut‑il désagréablement surpris de la voir obliquer sur la droite, côté désert.

Les flics qui l'emmenaient étaient au nombre de quatre: un gradé plein de morgue, plus trois hommes à la peau bistre et aux regards d'anthracite. Aucun ne mouftait. La radio cessait de crachoter, parfois, pour lancer des ordres ou des indications avec des intonations gutturales.

Le véhicule roulait sur une chaussée riche en nids‑de‑poule. Çà et là, des bosquets de palmiers roussis fournissaient un peu d'ombre dont profitaient les rares usagers de cette voie brûlante.

La vétuste Range‑Rover fonçait comme au temps de sa jeunesse, en émettant des bruits inquiétants qui devaient s'aggraver chaque jour.

Elle parcourut une vingtaine de kilomètres avant d'atteindre une oasis au centre de laquelle s'élevait une construction neuve sans rapport avec le style du pays. Elle eût été mieux à sa place à Saint‑Domingue ou à Miami.

Les flics s'aventurèrent jusqu'à l'entrée d'un magnifique patio carrelé, l'officier descendit de la voiture et pénétra d'un pas vif dans le mini‑palais.

Cette équipée ne disait rien qui vaille à Blanc; il maudissait San‑Antonio de l'avoir catapulté dans l'aventure. Celle‑ci était venue se greffer à l'affaire de Louveciennes sans que rien ne le laisse prévoir.

Au bout de quelques minutes, le chef réapparut et adressa un signe à ses hommes.

Jérémie fut débarqué sans ménagement et entraîné à l'intérieur de la résidence. On promena un compteur de détection sur toute sa personne, puis le poussa en avant.

Il eut tout juste le temps d'apercevoir une enfilade de vastes pièces, somptueusement décorées «colonial britannique». Très vite on lui fit descendre un escalier pour l'emmener dans un local bas de plafond, sans fenêtres, aux parois capitonnées. L'endroit était meublé d'une table de marbre, pourvue de sangles, d'un monumental fauteuil, prétentieux comme un trône, et de différents appareils à l'utilité mal définie mais qui, rassemblés dans un tel lieu, ne pouvaient servir qu'à des sévices.

Les hommes firent asseoir Blanc sur la table et attendirent.

Un surprenant personnage ne tarda pas de survenir. Il était jeune, la trentaine, une barbe noire, taillée en pointe, envahissait son visage jusqu'aux pommettes. A son entrée, les militaires s'inclinèrent obséquieusement. Il portait un turban de soie verte et un ensemble blanc dont la veste se boutonnait sur l'épaule.

Il prit place avec aisance dans l'énorme siège et, s'adressant à Jérémie, demanda:

– Vous parlez anglais?

– Oui, monsieur.

– Votre nationalité?

– Sénégalaise d'origine, puis française par naturalisation.

– Vous avez une profession?

– J'appartiens à la police parisienne.

– Votre identité?

– Blanc, Jérémie. Mon passeport se trouve dans la poche arrière de mon pantalon.

– Quel motif justifie votre voyage?

– Je suis chargé d'intercepter le chef de notre laboratoire de police technique afin de lui reprendre quatre clés dont il est venu négocier la vente avec votre gouvernement.

– Pour le compte de qui agit‑il?

– Pour le sien!

– C'est‑à‑dire?

– Il paraît que ces clés ont un énorme intérêt et il a voulu en tirer profit.

– A quoi servent‑elles?

– Top secret; mes chefs ne m'ont fourni aucune explication.

– Vous espérez que je vais vous croire?

– Oui, car je suis dans l'impossibilité de vous dire autre chose puisque je ne sais rien!

Un bref instant passa. L'Arabe enfonçait son regard incandescent comme un fer rouge dans celui de Jérémie, aurait écrit Pierre Loti entre deux pipes[47].

L'homme au turban couleur émeraude sortit de sa poche un étui à cigarettes d'or incrusté de rubis, en prit une et attendit que l'officier y boute le feu. Après quoi il rangea sa demi‑livre de jonc.

– Si j'ai bien compris votre version des faits, reprit le petit pote en tas, le directeur de laboratoire quitte Paris avec ces clés. Vos chefs découvrent aussitôt le larcin et vous catapultent ici à bord d'un jet spécial pour que vous arriviez avant lui à Kalamarfarcî. Mission remplie. Vous l'interceptez à sa sortie de l'aéroport et l'engagez à aller déposer lesdites clés dans une cabine téléphonique. Correct?

– Tout à fait, fit le Noirpiot, ahuri par la sagacité de son vis‑à‑vis.

– N'eût‑il pas été plus simple qu'il vous les remît en mains propres?

– Je le savais suivi et moi‑même m'estimais surveillé. Il m'a paru plus prudent d'opérer par le truchement de cette cabine.

– Passons. Qu'avez‑vous fait de ces clés?

– Elles ne se trouvaient pas à l'endroit où je lui avais ordonné de les déposer.

– Donc l'homme du laboratoire vous a floué.

– Hélas oui.

– Il a fait mine d'obéir à votre injonction, mais en réalité les a conservées?

– Ça me semble évident!

– Il doit y avoir une autre solution!

Il adressa un signe, non pas aux hommes présents, mais à un objectif logé dans le mur.

Puis il prit, dans sa poche supérieure, un fume‑cigarette et y vrilla l'extrémité dorée de sa tige.

La porte s'ouvrit et deux autres militaires poussèrent Mathias dans la pièce.

 

 

Les beignes délivrées par Bérurier n'étaient jamais anodines. Même quand il croyait «retenir» ses coups, leurs traces faisaient toujours impression. Ainsi, le beau visage de Kléber Dintzer se mettait‑il à enfler et à prendre un ton safrané dont on était certain qu'il virerait au bleu, puis au violet, dans un bref délai.

Le gérant de fortunes allait repartir en vitupérances, mais Sa Majesté Poléon IV le prit en pitié:

– L'mieux qu' t'aies z'affaire, l'Chicos, c'est d'causer s'l'ment quand‑est‑ce on t'l' d'mand'ra. A quoi t' servira ta belle frimousse si j't' la rendrerai pareille à celle d'E.T., l'p'tit gonzier de l'espace?

Sa victime dut convenir in petto de la justesse du raisonnement car elle se le tint pour dit.

J'adressis au Gros un regard profond comme l'épave du Poséidon et pénétris dans la maison.

La villa Santa Lucia est une charmante demeure secondaire où il devait faire bon oublier la frénésie de Paris. Meublée vacances, avec un goût raffiné. En bas, un séjour dont le coin‑repas se trouvait rehaussé de cinquante centimètres et clôturé par une balustrade. Une cuisine parfaitement équipée, un vestiaire et un cabinet de toilette. L'étage, aménagé dans la toiture, se composait de deux chambres mourantes séparées par une salle de bains pour petites filles dévergondées. On y découvrait des jets rotatifs, des vibromasseurs à têtes ondulatoires, des fouets, des bottes dites cuissardes et une sorte de cheval‑d'arçons au dos affublé d'un superbe gode à injection.

Pas la moindre trace de personnel, une femme de ménage devait suffire au service de ces gentils messieurs.

M'en vais rejoindre le trio sur la terrasse.

– Tout compte fait, déclaré‑je, l'interrogatoire va avoir lieu dans votre adorable salle d'eau; vous y serez plus à l'aise pour hurler.

Paroles opportunes, propres à créer une ambiance favorable à nos nouvelles relations.

Alexandre‑Benoît fredonne Les Matelassiers en s'activant. C'est lui qui, à l'heure de la violence, prend les initiatives, sous mon contrôle, naturellement.

– Mes biches, débute‑t‑il, jovial, j'sais pas si vous l'auriez r'marqué, mais quand est‑ce on a choisi la voie du crime, y a toujours un moment qu'on l'a dans le fion.

Réalisant que sa déclaration peut sembler de circonstance, il ajoute:

– C' dont en quoi vous avez l'habitetude, av'c vos pots larges comm' l' tunnel d'Fréjus! Vous v' croiliez à l'abri des poursuites dans c't'île madérisée, hein mes lopes? Ben c'est l'contraire. A l'étranger, la Brigade espéciale qu'nous appartenons môssieur et moive, peuvent s'en donner à tire‑larigot. Un taxi nous attend, prêt à nous driver dans un coinc'teau peinard, pendant qu'vous r'garderez tremper vos couilles dans c'bocal d'fleurs qu'j'voye su' c't'étagère.

Parler ne l'a jamais empêché d'agir. Tout en décrivant ce futur idyllique, il affuble nos clients d'une paire de cadennes en bois de figourier, plus dur que l'acier et totalement indétectable par les détecteurs d'aéroports.

Yvan Dressompert porte son bracelet au poignet droit, son pote écope de la seconde boucle au gauche, après que la chaîne eut été glissée derrière une conduite d'eau.

Cette disposition menée à bien, le nanti pondéral s'assied sur un tabouret rond et, me désignant les deux bougres, assure:

– Si m'sieur l'Grand Inquiquineur veuille bien se donner la peine…

Avant de commencer, j'ordonne à Sandre d'aller fermer hermétiquement portes et fenêtres, pas risquer d'être interrompu par le facteur ou le livreur de l'épicerie.

– Du temps qu'j'y es, annonce cet élément de choix, j'boucl'rai aussi les volets, ça f'ra plus intime.

Pour tout te raconter, les messieurs poussent des frites de dysentériques auxquels on entonne un bidon d'huile de ricin.

L'homme de finances murmure:

– Croyez‑vous qu'on ne puisse s'arranger à l'amiable? Je peux vous verser beaucoup d'argent. Vraiment beaucoup!

Mon visage impavide lui flanque de l'étoupe dans la gorge.

– Vous êtes tombé sur des flics de la pire espèce: le fric ne nous intéresse pas, fais‑je. Un chien courant ne chasse pas pour le pognon, il chasse simplement parce qu'il est conditionné pour cela. Nous, c'est du kif.

– Mais, bon Dieu, qu'espérez‑vous de nous?

– La vérité. Rien de plus simple.

– Et quand vous l'aurez?

– Nous l'inscrirons noir sur blanc et vous signerez votre déposition.

– Et puis?

– Et puis rien. Nous transmettrons votre confession au parquet de Paris qui prendra le relais. Parallèlement je vais enregistrer vos dires, afin de prouver qu'ils ne vous auront pas été arrachés de force.

– Vous avez le sens de l'humour, fait Yvan Dressompert en agitant son poignet enchaîné. Il faut un certain culot pour prétendre que nos hypothétiques aveux ne nous auront pas été extorqués sous la contrainte.

Béru réapparaît, la bouche pleine et les lèvres graisseuses. Il parle en mastiquant, ce qui n'enrichit guère sa diction.

– J'ai trouvé un restant d' cassoulet dans vot' frigo, assure l'Ogre. Pas triste! On direra c' qu'on veuille, mais chez Olida c'est pas des peigne‑culs.

Il retrouve le mignon tabouret et l'engloutit dans son phénoménal fessier.

– Où en êtes‑vous‑t‑il? s'inquiète le Boulimique.

– Aux avant‑propos. Nous allons entrer dans le vif du sujet. Ces chérubins vont narrer les choses en détail. Vous êtes prêts, messieurs?

Comme ils s'abstiennent de répondre, Alexandre‑Benoît balance un coup de talon rageur dans les balloches du journaliste. Il y est allé avec tant d'impétuosité que l'écrivailleur émet un hurlement de steamer paumé dans les brumes de la Tamise et se prend à gerber.

Justice immanente: la brutalité de Sa Majesté impériale a eu raison du frêle siège qui s'écartèle sous son michier apocalyptique pour adopter la forme d'une araignée.

Humilié, le Mammouth se relève.

– Et ça t' fait marrer, empaffé! lance‑t‑il en même temps que sa droite dans le visage déjà marqué du camarade Kléber.

Léger knock‑down de l'infortuné.

Toujours écumant, le «Rosier de Madame Husson», ferme la bonde de la baignoire et ouvre en grand le robico d'eau chaude.

– Vas‑y, commence! me dit‑il. Si y aurait du court‑jus dans leurs souv'nirs, j'ai d'quoive leur rafraîchir la mémoire.

Parvenu à ce point du récit, deux méthodes s'offrent à moi: soit je te bonnis tout, réplique après réplique, en n'omettant aucune syllabe ni vent de Béru, soit je te concise les choses sans pour autant te les livrer prémâchées, faisant ainsi confiance à ton intelligence, à ton imaginaire luxuriant et à mon sens déambulatoire de l'essentiel. De mauvaises langues ne m'ont‑elles pas surnommé le «Sir Concis», calembour à double tranchant donnant à penser que j'ai été baptisé au couteau à greffer, particularité inexacte malgré toute ma bonne volonté.

Ainsi donc, conscient de ton assentiment unanime pour la deuxième formule, je porte à ta connaissance, puis à ta reconnaissance, les faits suivants:

Lorsque Titan Ma Gloire décida d'entreprendre une biographie de Napoléon, il chargea son homme d'affaires et confident, Kléber Dintzer, de lui trouver un nègre auquel, pudiquement, on décerna le titre de «fichiste». Le gérant de fortunes se mit en quête de l'oiseau rare et ses démarches l'amenèrent chez Yvan Dressompert, chaudement recommandé par des amis homos.

Leur rencontre généra un coup de foudre réciproque qui devint rapidement passionnel.

Dintzer présenta le journaliste à l'Illustre, auquel il eut l'heur de plaire, et le marché fut conclu. Le rédacteur en chef du Cahier et la Plume, s'il savait trousser un bouquin historique pour académicien constipé du Watterman, n'avait pas assez de loisir pour amasser l'énorme documentation nécessaire au bâti de l'œuvre. Il dénicha un spécialiste en la personne vénérable de Félix Galochard.

Jusque‑là, tu suis bien? Pas de questions?

O.K.: j'enroule.

Au moment de leur rencontre, le gérant de fortunes et le journaliste menaient l'un et l'autre (ou l'une et l'autre) des activités extralégales. Le premier dans la drogue, l'autre en prêtant main‑forte à un réseau de terroristes aux vastes entreprises. A la tête de celui‑ci: Gudule de la Bruyne, aventurière chevronnée et cousine germaine d'Yvan.

Comme il arrive parfois, ces deux personnages si particuliers s'étaient reconnus. Gudule fascinait Yvan, lequel «touchait» sa cousine par la dévotion qu'il lui témoignait. Ils étaient devenus farouchement complices.

L'appartement de Dressompert fut le pied‑à‑terre parisien de la Flamande. Ainsi pouvait‑elle séjourner à Paris sans laisser trace de son passage dans un quelconque hôtel, donner ses rendez‑vous, préparer ses coups, surveiller les éléments de son réseau français. L'honorabilité du journaliste, voué à la chose littéraire, constituait un bouclier à l'abri duquel Dame Gudule s'en donnait à cœur joie.

C'est ainsi qu'Yvan Dressompert avait participé à l'opération du barrage d'Escouffian.

Son rôle? Liquider l'équipe chargée de fabriquer le conduit et d'installer «l'appareil» à un point névralgique de l'ouvrage. Nous l'avons déjà évoqué: cataclysme garanti sur facture.

«Cela est bel et bon», comme psalmodiait le vieux curé qui m'enseigna le catéchisme à une époque où je n'avais pas encore commis de péchés notoires.

La baignoire pleine d'eau bouillante fume comme la blanchisserie de Gervaise[48].

Béru, assis sur le bord du récipient, pousse une clameur de souffrance et, pour se soulager, administre une mandale à Dintzer dont la physionomie ne lui revient définitivement pas.

Puis, calmement, l'Empereur se déculotte (il ne porte pas de slip) et étend son bénoche sur le sèche‑linge.

L'incident diversionne la tension. Les deux aficionados du chibre exorbitent de stupeur. On pourrait loger des rosaces de cathédrale dans leurs cavités oculaires.

Alexandre‑Benoît s'en rend compte.

– V'là qui vous f'rait craquer l'anneau d'vot turne, hein, mes bichettes? gouaille‑t‑il avec cynisme. S'l'ment c'morcif d'empereur est réservé aux dames inclusiv'ment. L'dernier julot qu'a voulu y porter la main est encore en train d'faire d'la réducation à Garches.

Agacé par son boniment de camelot, je jette:

– Le cours d'anatomie est terminé, oui? Je peux poursuivre?

– Qui t'en empêche‑t‑il? demande l'ingénu libertin.

Devenu pudique, biscotte ma réprimande, il étale une serviette sur l'admirable chose, obtenant du coup une maquette du Cirque Knie, si cher aux Suissagas.

– Venons‑en à vous, enchaîné‑je, le doigt pointé sur Dintzer.

Il se croit obligé de placer un petit sourire torve, plein d'une fanfaronnade dissimulant mal son inquiétude.

– Selon mes renseignements de source sérieuse, pour un gérant de fortunes, vous n'aviez plus de gros pactoles à faire fructifier. C'est un sport qui réclame du nez, de la persévérance et une belle honnêteté. Au fil des années, vos clients déçus vous ont lâché; il ne vous restait que quelques pigeons faciles à plumer, style Titan Ma Gloire. Des bordereaux de placement falsifiés, un stock de choix en minets et en schnouf vous permettaient de le garder bien en main. En fait, vous lui procuriez mieux que des revenus: du bonheur!

«Le vieux croquant s'est peu à peu transformé en complice précieux. Il vous aidait à écouler la came dont ce forban de Jérôme Bauhame assurait l'approvisionnement à une partie de la capitale.

«Seulement, il y eut un os dans votre charmant négoce, vous contraignant à vous séparer de l'académicien d'une manière un peu brutale. Pour ce faire, on mit à votre disposition un tueur à gages, expert en la matière, qui a parfaitement exécuté son contrat, transformé en infirmier.»

Date: 2015-12-13; view: 506; Нарушение авторских прав; Помощь в написании работы --> СЮДА...



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