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PROLOGUE 17 page





Jérémie replia le journal posément.

– Qu'est‑ce qu'il se passe? demanda timidement Ramadé.

Son époux avait toujours mis une barrière entre son foyer et sa vie professionnelle.

– Rien, répondit‑il d'un ton mort.

Il se rendit dans leur chambre où il planquait son flingue, au fond d'un cache‑pot de cuivre ciselé sur lequel il plaçait une superbe plante artificielle. Il s'assura que le chargeur était plein et glissa le pétard à sa ceinture, au‑dessus de sa fesse gauche.

 

* * *

 

L'effervescence policière annoncée par le journal avait cessé. N'en subsistait qu'une tire barrée de tricolore à un carrefour. Deux gardes l'occupaient en devisant; l'un d'eux fumait, un coude à la portière.

Blanc s'approcha et produisit sa carte. Les gars sursautèrent. Le fumeur largua son clope.

– Vous êtes ici en service régulier, ou est‑ce à cause du bougnoule meurtrier? demanda Jérémie.

Interloqués, les draupers le considérèrent avec effarement.

– Pour la seconde hypothèse, répondit le conducteur.

– En ce cas laissez là votre brouette et suivez‑moi!

Les «requis» hésitèrent.

– Ça urge! fit froidement le protégé de San‑Antonio.

Il mit le journal sous les yeux des confrères.

– Mettez‑vous bien cette gueule dans le cigare, mes amis, vous ne pouvez vous tromper: nous sommes cousins germains, d'où la ressemblance. Dans une même famille, il y a la bonne herbe et l'ivraie. Je crois savoir où se planque ce fumier. Je fonce à la cueillette; tout ce que je vous demande c'est de surveiller les deux issues de son terrier. S'il fuit, cela voudra dire qu'il m'aura mis à mal, alors foutez‑le‑moi en l'air! Et pas d'hésitation, surtout! Vous me le seringuez à pleins chargeurs, sauf s'il est accompagné, naturellement! Ça va se passer au bout de cette rue. Vous verrez une blanchisserie. L'un de vous planquera dans l'allée qui la précède, l'autre fera le pet près du magasin. Puis‑je compter sur votre détermination?

Ils acquiescèrent sans mot dire.

– Préparez vos armes, et ne comptez pas dégainer au dernier moment, avec cet oiseau vous seriez marron!

 

 

L'Ineffable pénétra dans la soupente aménagée au‑dessus du local à vendanges et toussa car elle était envahie de fumée. Les consommateurs de tabac ont tendance à s'asphyxier sans seulement s'en apercevoir, avec un stoïcisme complaisant qui fait rigoler leur cancer en cours d'élaboration. Etrange suicide, voluptueusement consenti par l'homme paniqué par les menus dangers, mais qui tète son trépas voracement comme Romulus la louve de Rome.

Pinaud sentit gronder son asthme dans ses bronches. Certes, il pétunait, mais seulement des mégots agoniques qu'il rallumait pour le seul plaisir de brûler ses moustaches.

Il fonça au vasistas et l'ouvrit au maximum. L'air mouillé de l'automne commença son boulot de nettoiement. César l'aspira de ses pauvres soufflets racornis, puis examina les lieux, meublés de deux paillasses nanties de couvertures feutrées et d'un conteneur en plastique recelant de quoi s'alimenter.

Hormis ces éléments de dépannage, la pièce ne contenait qu'une lunette astronomique fixée à un trépied et un fusil à balles de fort calibre, équipé d'un viseur à infrarouges. Le grenier était transformé en mirador, depuis lequel les guetteurs attendaient leur cible.

Poussant son inspection, il trouva, fixé à la poutre de soutènement, le système de phonie qui lui avait permis d'entendre parler les occupants de cette soupente, par le vieux poste de radio. Sans doute l'homme abattu et son complice en fuite, avaient‑ils des notions approximatives de l'utilisation de ces appareils, puisque l'écoute s'opérait dans les deux sens.

Le vénérable limier réfléchit sur la conduite à adopter et décida de rester. Il prit un paquet de biscuits dans la cantine, se mit à les grignoter, assis sur celle‑ci.

Je l'ai déjà dit, le répéterai jusqu'à ce que des touffes de cresson me sortent des narines, les authentiques policiers bénéficient d'un atout majeur: la perspicacité. Et la Pine en possède à revendre.

Ayant clapé ses biscuits, des «Petits Lu»[53], le Fripé dodelina de toute sa personne, s'endormit, chuta sans se faire mal de son siège improvisé, puisqu'il le fit sur l'un des deux matelas où son sommeil s'épanouit.

Ce que furent ses rêves n'est pas précisé dans cette œuvre d'exception, sache cependant que La Gâtoche en écrasa quatre heures consécutives avant d'être arraché à Morphée par un grincement de porte.

Vieillissant mais fin limier, Pinaud s'éveilla instantanément et fut debout en moins de quatre secondes. Tous ses sens (en déconfiture) aux aguets, il comprit que le bruit ne provenait pas de sa mansarde. Trop caverneux! Il émanait du diffuseur. D'autres frôlements du même type se renouvelèrent: légers chocs, glissements de pas, souffle précipité.

«Eh bien, nous y sommes, pensa l'adorable flic à poils (teints mais) blancs. Ce qui doit arriver se produit toujours, il suffit d'attendre.»

Il descendit, quitta la remise. Au‑dehors, quelques reliquats d'averse s'égouttaient des arbres dont le plus jeune devait avoir son âge.

Avançant sur l'herbe du parc pour ne pas faire crisser le gravier, il regagna le château.

De lointaines lumières municipales mettaient des traînées blêmes autour du domaine. César arquait de son allure empreinte d'application.

Parvenu à la bâtisse, il s'arrêta afin de contempler les fenêtres noires. En scrutant bien, il crut apercevoir une petite lueur errante au premier étage. Il attendit encore pour s'assurer qu'il ne s'agissait pas d'un reflet, puis gagna avec lenteur la façade principale. Il adoptait une démarche veloutée d'un chat et réussissait à se déplacer sans bruit, certain que les spasmes de la bise le rendaient insonore.

La porte n'était pas fermée de l'intérieur; il pénétra dans la bâtisse et ôta ses chaussures. Après quoi, il emprunta l'escalier: ombre dans l'ombre comme l'aurait écrit un romancier qui ne chiait pas la honte. Gravit chaque marche en posant les pieds sur la partie la plus large, celle qui est scellée dans le mur. Le palier atteint, il s'immobilisa, l'oreille en radar de marine.

Ce qu'il entendait restait feutré, mal discernable. Pourtant quelqu'un se mouvait dans la chambre de Titan Ma Gloire.

Il dégagea le feu de l'agent buté, l'assura dans sa main flétrie, ligotée de grosses veines bleues. Sans crainte, il gagna la petite antichambre capitonnée, puis le saint des saints: la pièce vénérée où l'Illustre dormait, pompait des jeunâtres sans vergogne, et se faisait introduire le colombey dans les deux églises.

Pinuchet vit une lampe électrique pourvue d'un auvent qui en réduisait le faisceau. Une femme assise sur le tapis examinait le contenu d'un tiroir qu'elle avait étalé entre ses jambes.

Elle dut brusquement prendre conscience d'une présence étrangère, car elle saisit sa torche portable et balaya la chambre. Lors, elle découvrit cet homme d'un certain âge, armé d'un pistolet, clignant des yeux comme un hibou.

– Ne bougez pas! recommanda la Vieillerie en tâtonnant de la sinistre pour dégauchir le commutateur.

La pièce s'éclaira en grand.

Il découvrit une fille d'à peine trente ans, au teint mat, aux yeux brillants.

S'en approcha, sans cesser de braquer son ronflant sur elle. La trouva jolie, constata qu'elle n'avait aucune arme. «Apparemment», rectifia‑t‑il in petto, car il avait eu des déconvenues de ce côté‑là au cours de sa carrière.

– Qui êtes‑vous? demanda‑t‑il.

– Qui êtes‑vous? questionna‑t‑elle.

Ils prononcèrent ces mots avec un tel synchronisme qu'ils ne purent s'empêcher de sourire.

Pinaud répondit le premier en produisant sa carte.

– La police! fit‑elle, moins qu'heureuse d'apprendre une telle nouvelle.

– Cela ne doit pas être votre cas? repartit Pinauprose.

Elle hocha la tête:

– J'étais une amie de Titan Ma Gloire.

– Que cherchez‑vous dans sa chambre, maintenant qu'il n'est plus? interrogea le Bêlant avec un rien de sévérité.

– Je lui avais écrit des lettres d'amour que je ne tiens pas à voir publiées dans un journal à scandale.

Il émit une sorte de bruit caverneux causé par la faim qui commençait à le tenailler.

– Une personne étrangère à cette maison n'a pas le droit de venir y perquisitionner en pleine nuit, quand bien même elle aurait eu des bontés pour le propriétaire!

– Je sais, j'ai commis une grave faute, dit la fille en penaudant comme les petites branleuses de la Comtesse de Ségur lorsqu'elles se font morigéner par la mère Rostopchine.

Sa contrition laissa César de glace, tels les saints fêtés les 11, 12 et 13 mai. Malgré sa nature mansuète, il chiqua à l'inflexible:

– Je vous prie de vous lever et de m'accompagner!

Elle se mit à sangloter, quitta sa position assise pour se mettre à genoux. La posture de suppliante amena sa bouche au niveau de la braguette pinulcienne. Sur l'instant, il ne comprit pas le rose dessein de la coupable. Ce fut seulement lorsqu'elle lui saisit les abats avec ses dents, à travers l'étoffe de son grimpant et que, simultanément, elle pétrit sa couillasse qu'il réalisa le viol perpétré sur sa personne.

– Cette initiative ne modifiera pas mon comportement, prévint‑il honnêtement. Je me suis toujours montré un fonctionnaire de devoir et j'entends le rester, même dans une situation scabreuse. Cependant si vous m'honorez d'une fellation, je l'accepte volontiers.

– Tu feras ce que tu voudras, râla la femme en pleine lubricité, mais j'ai trop envie de ta bite! Tu sens comme elle gonfle, chéri? Dis, le sens‑tu?

– Certes! admit Pinaud dont le sensoriel était à la noce, si l'on peut dire.

Les doigts de la ravageuse s'affolèrent sur sa braguette protubérante. Elle parvint à dégager l'objet que défendait un calcif d'une autre époque. Le vieux flic n'avait pas été particulièrement gâté par la nature. Son ziffolo à coulisse se montrait correct, sans plus, dans le style passe‑partout.

– Quelle merveille! s'extasia cependant sa partenaire frénétique.

Elle prit le modeste champignon dans sa bouche et le mordit de toutes ses forces, avec une telle voracité qu'un gros lambeau de tête de nœud resta entre ses dents.

Elle le recracha et hurla:

– Sale salaud! Sale salaud! Ta queue a un goût de pisse!

Pinuche ne perçut pas l'insulte car il venait de s'évanouir sous l'empire de la douleur[54].

 

 

C'était une petite blanchisserie de quartier, tenue par une adorable Sénégalaise nommée Nuit‑du‑quatre‑août M'Bapa. Elle avait débarqué à Paris quelques années auparavant, en compagnie de Monosperme Blanc dont elle était la maîtresse, mais surtout «la chose».

Il l'avait enlevée à une honorable famille de Dakar (le père pilotait un taxi) dans l'intention de la mettre au turbin sur les trottoirs de la Ville lumière. Elle se montra totalement réfractaire à cette louable activité, allant jusqu'à se taillader les veines du poignet plutôt que de pomper son premier client, un certain Dieudonné Dubois, brave homme au demeurant, qui travaillait au Bon Marché en qualité de magasinier.

Comprenant qu'il n'y avait rien à en tirer du côté prostitution, le gredin lui trouva une place de plongeuse dans un bar de Pigalle. Elle ne s'y plut pas davantage et devint repasseuse chez une vieille blanchisseuse du 13e, percluse de rhumatismes articulaires, qui lui confia rapidement la boutique en gérance.

C'était la femme d'un seul amour. Malgré sa grande désillusion ou à cause d'elle, elle ne connut aucun autre homme. Monosperme passait quelquefois, vider ses couilles et le tiroir‑caisse de la chère âme, laquelle avait troqué son prénom de Nuit‑du‑quatre‑août, contre celui, moins pittoresque, de Constance[55].

Dans les mois qui suivirent son arrivée, Jérémie fréquenta beaucoup son cousin et sa «fiancée». Il tenta à maintes reprises de le mettre en garde, mais ce déraciné aimait trop la vie facile, les beaux vêtements et les filles de la nuit. Déçu, découragé aussi, l'époux de Ramadé finit par ne plus voir son ancien compagnon. Cet éloignement ne l'empêchait pas de garder un œil sur le voyou de la famille. Quand il fut intégré à la P.J. sous la houlette de San‑Antonio, il tira Monosperme de quelques mauvais pas, tout en sachant secrètement que son louche destin était en marche.

Lorsqu'il pénétra dans la blanchisserie, la jeune Sénégalaise repassait un pantalon d'obèse sur sa presse. Elle tressaillit en reconnaissant le parent de son jules. Le policier crut la voir blêmir sous sa peau d'ébène bien astiquée.

– Salut, Petite Fleur! jeta‑t‑il, retrouvant l'un des noms gentils qu'il lui donnait jadis.

– Jérémie! s'exclama‑t‑elle un peu plus fort qu'elle n'aurait dû.

La boutique sentait la lessive et le roussi. Quelques objets de bazar africain la décoraient, voisinant avec un crucifix orné d'un rameau de buis. Le Sénégal est en majorité musulman, mais Nuit‑du‑quatre‑août pratiquait le catholicisme, agrémenté d'un charmant paganisme.

Ils s'embrassèrent sans élan.

– Les affaires marchent? demanda‑t‑il.

Constance haussa les épaules:

– Je me contente de peu.

– Il y a longtemps que tu as vu ton mec?

– Assez, oui, assura‑t‑elle.

– Sais‑tu qu'il a fait du vilain?

– C'est pas vrai?

– Il a buté un flic!

Elle bafouilla, ne sachant quelle attitude prendre, empêtrée dans un rôle qui la dépassait.

– Tu te rends compte? insista son pays. C'est la viande la plus chère qu'on puisse s'offrir. S'il se fait poirer, mes confrères risquent de tirer avant de lui faire les sommations. Surtout qu'il est black! Qu'on prétende le contraire ou pas, la ségrégation perdure, tu as dû t'en apercevoir.

L'immense futal ressemblait à la partie inférieure d'un éléphant aplati!

Elle ne disait mot, semblant ne pas l'entendre.

Jérémie montra l'arrière‑boutique et interrogea la femme du regard.

Comme elle demeurait sans réaction, il franchit le rideau de perles séparant le magasin de l'appartement. Cela fit un bruit froufrouteur qui lui rappela son enfance: «ils» avaient le même à la maison.

Il pénétra dans une petite pièce à vivre pourvue d'un coin‑cuisine. Une cigarette mal écrasée achevait de se consumer sur le méchant carrelage jaspé. Après ce modeste living, suivaient un cabinet de toilette, puis une chambre à coucher tout en longueur. Le Sénégalais ouvrit la porte sans vergogne, en véritable flic qu'il était devenu; il ouvrit le dormitorium de la blanchisseuse. Le lit non fait et l'odeur pugnace du tabac le renseignèrent.

– Dis donc, Cul‑de‑rat! gronda Jérémie, tu ne vas pas jouer à cache‑cache avec moi: la fenêtre est fermée et le verrou de la porte de derrière tiré. Conclusion, tu te trouves soit sous le plumard, soit dans la garde‑robe. Mon chargeur contient six balles. Pour commencer je tire trois pralines sous le pageot et trois autres dans le meuble; avec un peu de chance, y en aura bien une pour toi!

Il se tut, rien ne broncha.

Jérémie commençait à douter de la présence du forban lorsqu'une détonation retentit tandis qu'une intense douleur embrasait sa cheville.

Il réalisa que le «gentil» cousin se tenait sous le lit. Simultanément, la couche de Nuit‑du‑quatre‑août se dressait à la verticale, s'interposant entre Jérémie et l'impitoyable Monosperme. Le salaud aurait pu profiter de l'occasion pour tenter un rush vers la sortie donnant sur la cour, mais au lieu de cela, il s'arc‑boutait afin de presser son parent contre le mur. Ainsi, jadis, étouffait‑on les malheureux atteints de la rage.

Avec une force accrue par le danger et la fureur, il continuait à comprimer le blessé. Il le tint longuement dans cette posture. Jérémie tentait de refouler cette inexorable poussée, mais n'y parvenait pas. Sa main armée, bloquée contre le mur, s'engourdissait rapidement et sa cheville éclatée lui causait une atroce souffrance.

«Ce n'est pas possible de crever comme ça!» pensa‑t‑il. Un vertige ruinait sa rébellion. A nouveau, il se revoyait au village en compagnie du misérable. L'école… le fleuve en période sèche, avec ses langues de sable dont ils faisaient des plages!

Au moment où une vague pourpre le submergeait, il lui sembla que la pression faiblissait quelque peu. Il reprit courage. Parvint à se glisser de côté. Sa tête se dégagea et il put voir la pièce. Le garde qu'il avait posté dans le couloir de l'immeuble, entendant la détonation, venait de faire sauter la maigre serrure d'un coup des pôles (pardon: d'épaule). Obéissant aux recommandations de l'officier de police, il braquait son revolver dans le dos de Monosperme.

– Les mains levées! aboya‑t‑il.

En guise d'obtempération, l'Enragé passa sa main droite tenant l'arme sous son bras gauche et lâcha deux bastos derrière lui.

La première fracassa un globe en verre recouvrant la couronne de mariée de l'ancienne teinturière, mais la seconde se logea dans la poitrine du courageux flic, à quelques centimètres de son palpitant.

– Putain de ta mère! jeta le drauper en appuyant sur la détente de sa seringue.

Une série de pruneaux saccagèrent la colonne vertébrale du cousin qui devint dès lors aussi inoffensif qu'un gigot d'agneau piqué d'ail.

Restait au poulet factionnant dans la rue d'accourir pour dresser le bilan de laid chaud fourré. Il trouva un officier de police à la cheville éclatée, un sous‑brigadier crachant le sang et le truand noir paralysé à vie.

Devant un tel carnage, Constance pleurait à chaudes lances et promettait au Tout‑Puissant d'abandonner sa teinturerie pour devenir religieuse.

Ce qu'elle fit l'année suivante.

Elle devait se retirer chez les Filles de la Contraception où la Supérieure la promut repasseuse de la congrégation.

Deux ambulances survinrent. Dans l'une l'on chargea le garde au soufflet perforé, dans l'autre les Sénégalais.

Jérémie souffrait beaucoup.

Monosperme n'éprouvait aucune douleur. Il était devenu pareil à un bloc de glace. Conscient de son état, il murmura:

– Je suis nase à vie!

– La faute à qui? riposta son voisin de brancard.

Tout en parlant, Blanc‑flic remerciait le Seigneur de ne pas être l'auteur de cette paralysie qu'il aurait passé le restant de ses jours à regretter.

– Oui, soupira le voyou, j'y suis allé fort. Je me croyais invincible!

– Personne n'est invincible, grommela le policier. Conclusion: on est niqués, toi et moi, connard!

Il y eut un silence. L'infirmier se mit à parler avec le conducteur par le judas de séparation.

Monosperme dit doucement:

– J'avais lu dans la presse que tu t'occupais de l'affaire du château de Louveciennes?

– Et alors?

– Je peux t'apprendre des choses à ce sujet.

– Toi?

– Pourquoi pas, le Criquet?

Jadis, il donnait ce surnom à Jérémie parce qu'il reproduisait à s'y méprendre le bruit de cet insecte.

– Eh bien, si c'est le cas, parle! geignit le poulet.

Son parent marqua une ultime hésitation.

– Après tout, je te dois bien ça! dit‑il. La solution de tes problèmes se trouve au château de Louveciennes.

Et il s'évanouit.

 

 

Le révérend Pinaud passa un temps très bref dans les quetsches. Il surmonta sa douleur et, fier Sicambre, inclina la tête pour vérifier les dommages infligés à sa queue par l'hyène vorace.

La tête du champignon d'amour venait d'être partiellement sectionnée et le cryptogame saignait d'abondance (comme les cornes du même nom). Un morceau de mou, d'un violacé écœurant, gisait sur le tapis.

Le malheureux partit à la recherche d'une salle de bains, lava longuement sa plaie en émettant des cris de souffrance et se fit un pansement de fortune à l'aide d'un gant de toilette en tissu‑éponge.

Une sombre résignation l'habitait. Il songeait que cette mutilation sonnait le glas de sa sexualité agissante. Il lui faudrait, désormais, appeler faire l'amour ce qui, jusqu'alors, en constituait les hors‑d'œuvre.

Indomptable, il se jura de continuer l'enquête sans davantage perdre de temps avec sa pauvre vieille bitoune mise à mal.

La houri s'était enfuie en abandonnant le tiroir renversé et les objets qu'il renfermait. Avait‑elle eu le temps de s'emparer de quelque chose? Si oui, il ne pouvait savoir de quoi il s'agissait. Il regardait mélancoliquement le fatras jonchant le sol lorsqu'il fit une découverte qui devait l'aider à poursuivre sa chasse.

Dans sa précipitation, la fuyarde avait renversé un pot de porcelaine contenant du talc, matière ayant son rôle à jouer lorsqu'on pratique la masturbation.

La rétive donzelle, en piétinant cette poudre, offrait l'empreinte de ses mignons ripatons et laissait des traces de sa fuite.

Cette aubaine ragaillardit l'héroïque perdreau.

Il allait, s'appuyant sur le faisceau de sa lampe comme sur une canne. Il se réjouissit que la pluie fût calmée, ainsi le talc, bien qu'il s'estompât, continuait de composer un tracé lisible sur l'herbe rase. Il le conduisit vers la partie du mur longeant une voie peu usitée, compromis entre la sente forestière et l'allée secondaire. Une portelle de bois commençait à s'affaisser sur des gonds tordus. Dans sa précipitation, la femme ne s'était pas donné le temps de la refermer.

Pinaud passa un moment à interpréter les indices livrés à sa sagacité. L'anthropophage avait enfourché une bicyclette. Il fut heureux de découvrir un cataphote au support rouillé. Sans doute s'agissait‑il d'une bécane exténuée, comme il en agonise dans les greniers parce qu'on n'a pas le courage de la mettre aux ordures.

La pièce avait été arrachée par les ronces contre lesquelles se trouvait le vélo en attente. Partant de cette quasi‑certitude, il n'eut plus qu'à suivre les marques des roues. Elles l'entraînèrent jusqu'à un chemin débouchant sur une rue quiète de Louveciennes.

Parvenu à ce modeste carrefour, la Pine (mutilée) s'arrêta, indécise. Toutes traces avaient cessé.

La voie était silencieuse et blafarde. De très rares véhicules l'empruntaient à cette heure tardivo‑matineuse. D'un geste harassé, il tira sur son calcif, lequel comprimait sa verge en partie étêtée. Il sentait qu'en aucun cas la piste ne devait se refroidir. César‑l'Ebréché était dans l'état d'un homme frappé d'une attaque, qu'on oblige à rester lucide pour préserver une chance d'en réchapper.

Devait‑il prendre à gauche ou à droite?

Une récitation de son premier âge lui vint à l'esprit et il la balbutia, comme on ânonne une prière:

 

«Un enfant, au bout d'une route,

Trouva tout à coup deux chemins.

Il s'arrêta, rempli de doute,

Roulant son chapeau dans sa main.

Fallait‑il prendre à gauche, à droite,

Ou bien rester là jusqu'au soir?»

 

Sans achever son évocation, l'Equeuté opta pour la droite, reflet de ses opinions politiques, bien qu'il s'en défendît.

Il alla, le pas musardin à cause de sa biroute en feu.

«J'ai une lampe à souder entre les jambes!» songea le pauvre homme.

Au moment où il passait devant un transformateur électrique comme il en existe encore dans les campagnes et les banlieues, ce qu'il redoutait se produisit: une ardente envie d'uriner. Il atteignait l'âge des prostates en fleur, ses mictions devenaient de plus en plus fréquentes et impérieuses.

Dans le cas présent, pisser ne serait pas une partie de plaisir car il allait devoir ôter son sexe endommagé du gant de toilette servant de gaine protectrice. Le sang avait collé l'étoffe à la plaie et il n'osait envisager la souffrance consécutive à leur séparation.

Pudiquement, l'Ebréché du panais contourna la construction aveugle en se débraguettant. Il se figea brutalement. Son besoin de licebroquer le quitta momentanément. Derrière le transformateur gisait un vélo d'homme dont la roue avant décrivait un «8» et dont la potence était brisée.

En y regardant de plus près, le retraité constata que l'engin n'avait plus de cataphote. Sans aucun doute, la fuyarde venait de se fraiser la gueule en pédalant sur une machine trop grande pour elle.

Ragaillardi, Pinaud urina et ce fut moins effroyable qu'il ne le craignait. Il partit examiner la chaussée où il décela des traces de la chute, entre autres du sang. La garce s'était blessée assez durement, si l'on se référait à la quantité de raisin versé.

Date: 2015-12-13; view: 413; Нарушение авторских прав; Помощь в написании работы --> СЮДА...



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