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Ïîëåçíîå:

Êàê ñäåëàòü ðàçãîâîð ïîëåçíûì è ïðèÿòíûì Êàê ñäåëàòü îáúåìíóþ çâåçäó ñâîèìè ðóêàìè Êàê ñäåëàòü òî, ÷òî äåëàòü íå õî÷åòñÿ? Êàê ñäåëàòü ïîãðåìóøêó Êàê ñäåëàòü òàê ÷òîáû æåíùèíû ñàìè çíàêîìèëèñü ñ âàìè Êàê ñäåëàòü èäåþ êîììåð÷åñêîé Êàê ñäåëàòü õîðîøóþ ðàñòÿæêó íîã? Êàê ñäåëàòü íàø ðàçóì çäîðîâûì? Êàê ñäåëàòü, ÷òîáû ëþäè îáìàíûâàëè ìåíüøå Âîïðîñ 4. Êàê ñäåëàòü òàê, ÷òîáû âàñ óâàæàëè è öåíèëè? Êàê ñäåëàòü ëó÷øå ñåáå è äðóãèì ëþäÿì Êàê ñäåëàòü ñâèäàíèå èíòåðåñíûì?


Êàòåãîðèè:

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LES FUNÉRAILLES DE PROSPER BÉRURIER





Frédéric Dard

Béru et ces dames

 

Le Commissaire San-Antonio. Hors-s?rie – 00

 

 

Béru et ces dames

 

Pour mon ami François RICHARD,

qui m’a administré tant de solides corrections.

S.‑A.

 

PREMIÈRE PARTIE

LES GENS ET LES ÉVÉNEMENTS DE SAINT‑LOCDU‑LE‑VIEUX

 

LES FUNÉRAILLES DE PROSPER BÉRURIER

 

Souvenez‑vous: ne jamais perdre de vue le côté drôle des choses tristes! Sinon, l’existence devient vite la Vallée des Sanglots. Ainsi, moi qui vous cause, lorsque j’assiste à un enterrement, je ne manque pas d’emporter le goupillon que m’a offert mon ami Lathuile, l’antiquaire. Au moment d’asperger le cercueil, quand la personne qui me précède me tend le goupillon collectif je le refuse d’un air grave et je sors le mien de ma poche. La bouille de l’intéressé, à ce moment‑là, n’est pas racontable.

A l’enterrement de l’oncle Prosper, c’est justement une respectable dame qui est devant moi. Elle balance son signe de croix goupillonné en direction du chétif cercueil en sapin véritable, entièrement découpé dans la planche, puis me tend le manche à culte avec civilité, un peu comme une maîtresse de maison vous tend le coutelas pour vous faire découper le poultock.

Je refuse l’objet d’un austère hochement de tête et je dégage mon aspergeur privé. La vioque s’exorbite et reste plantée devant la bière avec son instrument bénisseur à la main. Le goupillon se met à ressembler de toutes ses forces à un micro de la oertéef. J’enfouille le mien après avoir dit «tchao» en chrétien au regretté tonton Prosper, et je pousse la dame d’un geste autoritaire.

Abasourdie comme pas trois, la voilà qui se barre avec le matériel de la paroisse. Le chef croque‑mort la course pour récupérer le bien du clergé. Oubliant la pauvre madame, je me dirige vers la sortie du cimetière. Il fait froid et la neige unifie les tombes. Elles ne sont plus que mamelons anonymes d’où émergent des croix! Cet hiver, les défunts sont unis par la neige comme ils l’ont été par la mort. Leur condition sociale a été gommée par les frimas. Plus de marbre, de bronze, de dorures ni d’inscriptions vaniteuses. Les tombes enfin sont devenues des fantômes elles aussi et disent merde aux vivants.

A l’entrée du cimetière, deux silhouettes noires: celle de Bérurier et celle d’une dame qu’on devine sèche et jaune sous ses voiles. Je me place dans la nouvelle file qui vient de se former. Après l’ultime salut au mort, le salut to the family! L’agaçant, c’est qu’il faut toujours et partout faire la queue: à l’entrée des cinoches comme à la sortie des cimetières! On fait même la queue pour venir au monde, lorsqu’on fait partie d’un convoi de quintuplés.

Dans son lardeuss noir qui s’est rétréci à la teinture, Béru ressemble à une énorme andouille de Vire. Il a les pommettes violettes de froid et son naze agrémenté d’une longue stalactite fait songer à un cheneau bouché par le gel.

Il se tient à deux bons mètres de l’autre personne. Il serre les mains des hommes, embrasse les dames, larmoie et balbutie des mercis, ainsi qu’il sied en pareille circonstance. C’est moi qui l’ai piloté jusqu’à Saint‑Locdu‑le‑Vieux, son pays natal, car sa voiture est provisoirement hors d’usage. Berthe, grippée, n’a pu se joindre à nous. Pendant des heures nous avons lutté contre les congères, le verglas et les bourrasques de neige et nous sommes arrivés à Saint‑Locdu au moment précis où le convoi quittait le domicile mortuaire.

Je mate le Gros dans son rôle de neveu éploré. Il bégaie de froid, la pauvre biquet. N’y tenant plus, il a remis son chapeau, ce dont, vu la température, personne ne songe à s’offusquer. Un poème épique, ce bitos! Un taupé à bord étroit qu’il a également fait teindre chez un spécialiste du deuil‑express. Mais la teinture a mal pris, à cause de la graisse protectrice recouvrant le bada, probable. Comme ce dernier était initialement vert, il a maintenant les apparences d’un casque camouflé.

Voilà mon tour arrivé. Je me présente devant Sa Majesté qui m’attend, main ouverte, en claquant du râtelier.

– Tu parles d’un temps, mon pote, hoquette‑t‑il, j’ai le fignedé soudé à l’autogène!

Ce disant, il me tend sa paluche pour que je la lui condoléance. Lors, je dépose en son immense paume l’œuf dont je me suis muni à cet effet. Au contact de ce corps étranger, Béru cesse de parler et me fixe d’un œil interrogateur.

– Je suis de tout cœur avec toi, Alexandre‑Benoît, lui affirmé‑je. Je sais combien cette perte t’affecte, aussi te dis‑je: «Courage! Nous sommes peu de chose; les bons s’en vont et nous restons!»

Cela dit, je laisse la place à mon suivant qui se trouve être le maire du bled. C’est un gros zig sanguin qui ressemble vaguement au Mastar (le père de Bérurier fut valet de ferme chez le père du maire, jadis). Il serre la dextre béruréenne avec une puissance mammouthienne. C’est l’affrontement de deux colosses. L’œuf éclate dans leurs deux mains unies par les condoléances, au moment précis où le maire déclarait:

– Ton onc’ Prosper, c’était un brave homme. C’est bien pour dire que c’est toujours les meilleurs qui s’en vont!

Le premier magistrat de la commune lâche la main de l’endeuillé et considère la sienne d’un œil atone en se demandant comment sa compassion a pu se muer brusquement en une matière glaireuse.

Je m’écarte discrètement, tandis que le Gravos torche ses doigts après les gants de laine d’une dame et je reporte mon attention sur la personne en noir qui co‑famille avec Bérurier. Je m’incline devant elle.

– Mes sincères condoléances, madame!

– Merci, qu’elle me répond, avec une voix pareille à un pédalier mal graissé.

C’est une grognasse d’une cinquante‑cinquaine d’années, aigre comme un flacon de présure, avec un nez trop long, des épaules trop étroites, de la moustache et des paupières vipérines. Exactement le genre de personne qui fait sa L.A.[1] tous les matins. Qu’est cette dame par rapport au Gros? Mystère et arbre généalogique!

Le cortège s’est égaillé (ce qui peut paraître incongru lorsqu’il s’agit de funérailles). Maintenant ne reste plus dans le sinistre enclos[2] que Béru, la dame, le valeureux San‑Antonio, le zig des Pompes funèbres et les fossoyeurs.

Le Mastar me saute sur le poil.

– Merci pour les farces et attrapes, Mec! T’as l’esprit d’à‑propos.

– A propos d’à‑propos, Gros, le coupé‑je, qui est la dame ici présente?

Il défrime sa camarade de poignées de main et hausse les épaules avec mépris.

– Cette grande cavale? C’est ma cousine Laurentine, la plus foutue garce du canton!

Comme il a haussé le ton, la personne incriminée rapplique, tous voiles dehors.

– Un goujat qui n’a même pas le respect des morts, c’est moins que rien, hargne‑t‑elle.

– T’es pas encore morte, Laurentine! fait observer le Gros. C’est pas que je le regrette, note bien, mais je tiens à te le faire remarquer au cas que, dans toute ta punaiserie, tu t’en serais pas z’encore aperçue!

La cavale grimpe en mayonnaise. Elle baisse la voix, non pour atténuer sa véhémence, mais pour bien marquer à son effroyable cousin le respect qu’on doit à un champ de macchabes.

– Nous sommes dans un lieu saint! objecte‑t‑elle, et si des va‑nu‑pieds l’oublient, moi, Dieu merci, je m’en souviens!

Sa Bérurerie n’aime pas ce genre d’apostrophe.

– Pas si nu‑pieds que ça, ma belle, mugit‑il; tu continuerais sur ce ton que tes miches en gouttes d’huile s’en rendraient vite compte, vu que je pourrais bien leur présenter mon 44 fillette à bout carré!

Et de me prendre à témoin:

– Non, mais t’entends un peu le spécimen, San‑A.? Alors y a plus moyen d’enterrer son oncle tranquille? Miss Jaunisse prétend te donner la leçon de morale par dix au‑dessous de zéro!

Sa fureur le fait exhaler un panache de vapeur blanche. Tout en noir avec la fumaga qui lui part des naseaux, c’est vrai qu’il ressemble à une locomotive, le Béru! Pacific‑Express, modèle 22! Le croque‑mort met provisoirement fin à la discussion.

– La famille souhaite‑t‑elle donner une dernière bénédiction? s’enquiert‑il.

Béru louche en direction du cercueil posé sur la terre gelée.

– Vous croyez qu’il vaudrait pas mieux le descendre tout de suite au sous‑sol, ce pauvre homme? objecte‑t‑il. Avec le froid qu’il fait, c’est pas tellement indiqué de balancer de la flotte!

– C’est l’usage, plaide le Borniol’s man.

– J’y vais! décide la prénommée Laurentine.

Ces deux syllabes ont raison des réticences du Gravos.

– Bon, mais alors vite‑fait‑sur‑le‑gaz!

Il presse le pas pour arriver au cercueil avant Laurentine. Elle en fait autant, et les deux parents du défunt Prosper entament un cent mètres dans l’allée du cimetière. C’est Laurentine qui gagne, vu son avance et sa légèreté. Béru lui saute sur le voile au moment où la cousine va pour s’emparer du goupillon.

– Tu permets, oui? gronde‑t‑il. C’est à moi de goupillonner en priorité.

– A quel titre? grince la haridelle.

– Au titre que sur nous deux y en a qu’un qui pisse sur l’évier, eh, musaraigne!

Elle est tellement outrée, Laurentine, que le bras lui en tombe. Béru en profite pour saisir le goupillon. Vous le connaissez, Béru, mes chéries? C’est un brutal! Il a le geste violent. Or, figurez‑vous que, depuis la fin des bénédictions, l’eau bénite est devenue un bloc de glace. Sûr on n’avait pas mis suffisamment d’antigel dedans. Le Mastar soulève donc le seau en même temps que le manche. Mais il n’avait pas préparé son geste à un poids aussi considérable et le total lui échappe des mains. Voilà donc une cinquaine de kilogrammes qui choient sur les arpions de Laurentine.

Bing! En plein sur son cor et ses engelures! La vieille fille fait un couac et tourne de l’œil. Le croque‑mort exécute un arrêt de volée au moment où elle s’abat, mais il dérape sur une plaque de verglas et ils dégringolent tous les deux dans la fosse. Ça se met à couiner, à geindre, à vitupérer au fond du trou! Ça grouille, ça fourmille, ça s’enchevêtre! On n’a jamais vu un tel ramdam au fond d’une tombe.

Vite, les fossoyeurs et moi organisons une caravane de secours. Heureusement, on a les cordes destinées à descendre la bière. L’un des creuseurs se déguise en Maurice Herzog et opère une descente aux abîmes. Il saint‑bernarde à tout‑va! Un héros! Faudra le proposer pour la médaille, je sais pas laquelle, mais en France il en existe une pour tous les cas envisageables. En cherchant bien dans le catalogue, on doit trouver la décoration qui s’applique aux hisseurs‑de‑maladroits‑tombés‑dans‑les‑caveaux‑de‑famille! L’autre fossoyeur et moi, voilà qu’on ohhh‑hisse à tour de muscles.

Ça réchauffe. Béru refuse son concours. Il dit que si le mec des Pompes ne se trouvait pas au fond du trou, il se grouillerait de reboucher celui‑ci bien que la terre soit gelée, quitte à louer une autre concession pour ce pauvre Prosper qui fait le pied de grue dans son pardingue en bois d’arbre. Il doit se faire une philosophie, le brave décujus, là‑haut. Quand on est l’oncle d’Alexandre‑Benoît Bérurier, il faut s’attendre à ne pas avoir l’enterrement de tout le monde!

Enfin voilà les deux chutistes qui refont surface. Laurentine a sa robe retroussée jusqu’aux épaules, ce qui nous propose une vue panoramique sur son pantalon noué au‑dessus du genou, ses jarretières noires et son jupon en toile de lin. Le Gros se claque les jambons.

– Ah ben! dis donc, Laurentine, rigole l’insolent, comment que tu les emballes tes appas rances! Dis, ton entresol Renaissance c’est pas de la verrerie de Saint‑Louis! Personne risque d’y porter atteinte, ma vieille! Même un robot en perdrait ses rivets!

Je lui fais signe d’écraser, vu que le croque‑mort s’est pété une cheville en faisant le valdingue. On le coltine jusqu’au corbillard qui attend devant la grille du cimetière. On l’allonge à la place du passager. C’est la première fois qu’il fait du tourisme à bord de sa calèche. Jusqu’alors, il n’avait jamais eu l’occasion de se payer l’intérieur. Pour lui, c’est une promotion, en somme.

Le cocher fouette sa jument et le cortège s’ébranle. On suit à pinces, vu que ma voiture est restée devant la maison du tonton.

On a fait l’aller derrière un mort. On fait le retour derrière un vivant. On y gagne!

 

Date: 2015-12-13; view: 402; Íàðóøåíèå àâòîðñêèõ ïðàâ; Ïîìîùü â íàïèñàíèè ðàáîòû --> ÑÞÄÀ...



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