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IX. La jalouse





 

 

«Les gens qui aiment ne doutent de rien,

ou doutent de tout.»

 

Honoré de Balzac (1799‑1850),

Une ténébreuse affaire.

 

Rue Raynouard, mardi.

 

Eugénie,

C'est fini.

Ce n'est plus un mariage.

C'est un enfer.

Notre amour est réduit à une misérable peau de chagrin.

Ta façon de m'aimer, si particulière, si démesurée, nous a achevés.

Je n'ai jamais douté de ton amour, crois‑moi. Mais ce genre d'amour‑là, je n'en veux plus.

Eugénie, je te l'ai toujours dit, et je te le redis ici, tu es pathologiquement jalouse.

Pendant six ans j'ai supporté cette jalousie dévorante, tes soupçons, tes accusations, tes scènes, tes sanglots, tes rages, sans parler de toutes ces fois où tu m'as suivi, à pied, en voiture, où tu as fait mes poches, fouillé dans mes affaires, regardé mon agenda, étudié mes relevés bancaires, débarqué à mon bureau à l'improviste, humé mes cols, frémi à la vue d'un cheveu suspect.

Chaque détail infime de notre vie quotidienne devient une pièce à conviction et fait naître en toi, encore et encore, cette sourde rumeur: «Il me trompe! il me trompe! il me trompe!»

Un banal numéro de téléphone, griffonné sur un chéquier, sur un ticket de métro, ou sur un bout de papier égaré, ne manque pas de te mettre dans des états seconds.

Dans ces moments‑là, tu es capable du pire.

Capable de composer ce numéro pour insulter la personne qui répond.

Si c'est un homme, tu lui apprends que sa femme le trompe avec moi.

Si c'est une femme, tu la traites de tous les noms.

La dernière fois, c'était un garagiste, la fois d'avant, ma conseillère fiscale.

Les fois précédentes, je m'efforce de les oublier.

Eugénie, c'est bien fini.

Tu m'empoisonnes l'existence.

Comment vivre avec quelqu'un qui appuie sur la touche «bis» du téléphone dès que je raccroche, qui écoute chaque jour le répondeur à la recherche d'un message mal effacé, et qui ouvre mon courrier?

Penses‑tu que nos filles auront plus tard une conception saine du mariage et de l'amour?

Que fais‑tu de la confiance?

Connais‑tu seulement ce mot?

 

J'aurais dû te quitter quand Ève m'a appelé au bureau, peu de temps après notre mariage.

Elle était gênée et ne voulait rien me dévoiler par téléphone.

Nous avions pris rendez‑vous dans un café.

– Je crois que ta femme m'en veut.

– De quoi? Vous ne vous connaissez pas!

– D'avoir été ta petite amie.

– Mais c'était avant notre mariage!

– Elle m'en veut quand même.

Elle me raconta alors cette histoire invraisemblable.

Sa voiture, qu'elle garait dans le parking de son domicile, eut pendant deux semaines les quatre roues régulièrement crevées.

Puis elle trouva des mots orduriers sous les essuie‑glaces.

Ensuite, elle reçut des lettres anonymes, dans le même style, chez elle et à son bureau.

Ève ne comprenait pas qui lui en voulait à ce point.

Un jour, grippée, elle ne se rendit pas à son travail.

De son lit, elle entendit des bruits étranges sur le palier.

À pas de loup, elle s'approcha de la porte d'entrée et, à travers le judas, elle vit une jolie jeune femme, portant des lunettes noires, qui rôdait à l'étage.

La jeune femme sonna.

Ève retint son souffle.

La jeune femme sonna une dernière fois, puis s'en alla.

Devant la porte, incrustée dans le paillasson, il y avait une énorme et odorante crotte de chien.

Ève, de sa fenêtre, regarda s'éloigner la jeune femme, puis la vit s'engouffrer dans une voiture.

Elle releva le numéro d'immatriculation.

Je te fais grâce de la fin de l'histoire, que tu connais aussi bien que moi.

Tu t'es confondue en excuses.

Tu m'as dit être si amoureuse de moi, si folle d'amour, que tu étais devenue jalouse de mon passé et des femmes que j'ai pu aimer avant toi.

 

J'aurais dû m'inquiéter à ce moment précis.

Mais notre mariage était jeune, toi si belle, et moi plutôt flatté.

Aucune femme ne m'avait fait une chose pareille!

J'étais subjugué par toi, Eugénie, par ce tempérament de feu et de flamme, par ta passion, ta fougue.

Ta beauté m'aveuglait, cachait les failles de ton esprit torturé.

Oui, tu es toujours belle, Eugénie.

Il me semble qu'aujourd'hui, à trente ans, tu n'as jamais été aussi belle.

Tes yeux sont toujours aussi dorés, ta silhouette superbe, ta bouche insolente.

Je mentirais si j'affirmais le contraire.

Mais à présent je sais ce qui se trame et se noue derrière ce front pur, ces prunelles d'or.

Et cet enchevêtrement machiavélique, cette jalousie démoniaque, me répugne, me navre, me glace.

Eugénie, ce mariage est mort.

Ne tente pas de me séduire une dernière fois. Ne joue pas ta Salomé.

Tu n'as pas de huitième voile à ôter.

Ton corps est nu.

Il est beau, mais je ne le désire plus, car c'est un corps guidé par une tête malade.

 

Et l'affaire Fanny Guidoboni?

Elle avait emménagé avec ses deux enfants au troisième étage.

C'était une femme blonde de trente‑cinq ans, divorcée depuis peu.

Tu trouvais qu'elle sonnait trop souvent chez nous, sous des prétextes idiots.

«Elle est en manque d'homme, celle‑là, tu marmonnais. Elle te dévore des yeux! Ce n'est pas du sucre, ou du sel, ou des allumettes qu'elle vient chercher, mais mon mari!»

Une fois de plus, tu te rendais ridicule.

Ridicule, comme à ces dîners où tu pars en claquant la porte parce que mon œil s'est trop longtemps attardé sur un décolleté, une cambrure, que sais‑je, une chute de reins.

Cela fait glousser notre entourage.

«Ah, il faut inviter les B. à dîner, elle lui fait des scènes inouïes! Il faut le voir pour le croire.»

Tout le monde trouve cela drôle.

Sauf moi.

Moi je pars toujours à ta rescousse, et j'ai droit, comme d'habitude, à une scène violente dans la voiture, à une gifle, peut‑être, si tu es remontée; puis après, une fois à la maison, tu me fais l'amour, comme pour me demander pardon.

C'est fatigant. C'est lassant. C'est lamentable.

Dans la rue, tu m'épies sans cesse pour voir si je regarde des femmes.

Si j'ose observer même une sexagénaire pimpante, ma journée est gâchée.

Beaucoup d'hommes doivent me croire homosexuel, tant j'évite de contempler le sexe opposé.

Mais vois‑tu, Eugénie, tout cela est terminé.

Je m'en vais. Je te quitte. Je respire. Je revis!

Nous nous organiserons pour les jumelles. Elles sont intelligentes; à cinq ans, elles comprennent déjà bien des choses. Nous leur expliquerons.

 

Revenons, si tu le permets, à Mme Guidoboni, alias la jolie Fanny du troisième, qui m'apitoyait parce qu'elle se remettait mal de son divorce et qu'elle ne se plaignait guère.

Je devinais la tristesse dans son regard noisette. C'était une femme gentille et fine.

Tu étais persuadée que c'était ma maîtresse. Nuit et jour, tu parlais d'elle.

J'ai cru devenir fou.

Tu te comportais avec elle d'une façon effroyable.

Même les filles ne savaient pas pourquoi elles n'avaient pas le droit d'aller jouer avec les enfants du troisième.

Souviens‑toi, Eugénie, de cette nuit mémorable.

À trois heures du matin, on frappe à notre porte. J'ouvre.

C'est Mme Guidoboni, ébouriffée, le visage blafard.

Dans ses bras, elle tient Lionel, son fils aîné, quatre ans. Il dort.

«Est‑ce que je peux vous le laisser? Je dois emmener Richard à l'hôpital. Il a quarante de fièvre. Je crois qu'il a perdu connaissance.»

Nous déposons Lionel sur le canapé du salon et je monte avec elle au troisième, vêtu de mon simple caleçon, car il fait très chaud.

Richard, trois ans, est au plus mal.

Il respire difficilement et son front me paraît brûlant. Il ne réagit pas quand je tapote ses joues.

«Il faut appeler le Samu, vite!»

Dans l'affolement, je remarque à peine que Mme Guidoboni porte une chemise de nuit transparente.

Je suis bouleversé par l'apparence de Richard.

Très calme, elle appelle le Samu. Elle raccroche.

«Ils arrivent dans cinq minutes. Merci, merci pour tout. Je me sens si seule. J'ai si peur.»

Brusquement, elle éclate en sanglots.

Le spectacle de cette jeune femme désespérée m'est insupportable; je prends sa main, je tente de la réconforter.

À ce moment précis, tu entres dans la chambre.

Tu nous vois en petite tenue, assis sur un lit, se tenant la main. Tu ne remarques pas le garçonnet allongé à côté de nous.

Je perçois à ton insoutenable regard jaune que tu es prête à nous tuer.

Avec un hurlement rauque, tu te précipites sur nous, tu arraches une poignée entière de ses cheveux blonds à la jeune femme.

Criant de douleur, celle‑ci tombe par terre. Pour parvenir à te calmer, je dois te frapper. Ton nez saigne et coule à flots.

L'équipe du Samu fait irruption dans la pièce. Je montre l'enfant, aide sa mère à se relever; nous ne te regardons pas, tu es tapie dans un coin de la pièce comme un animal blessé, enfin maîtrisé.

Tu comprends petit à petit.

L'enfant est réanimé. Il est hors de danger. Le Samu l'emmène à l'hôpital où on le gardera en observation.

Je vois la honte décomposer tes traits.

Tu t'enfuis, le visage sanguinolent.

Je ne sais pas quoi dire à Mme Guidoboni.

Elle ne prononce pas ton nom.

Elle me demande de garder Lionel jusqu'à ce qu'elle revienne de l'hôpital.

J'accepte. Toute la nuit, je veillerai sur l'enfant.

Je ne sais pas où tu es allée.

Je m'en fiche. Je sais que je dois te quitter. Je sais que la vie avec toi est un enfer.

Pourtant, je t'ai aimée, Eugénie, et pas seulement pour ta beauté.

J'aime les deux filles que tu m'as données;

Laure et son regard calme, ses cheveux miel, Laurence et ses espiègleries.

J'étais fier de toi, de ton intelligence, tes reparties, ta grâce. J'étais fier d'être ton mari.

À présent, j'en ai honte.

 

Je voudrais te faire, avant de te quitter, une dernière confidence. Je t'ai toujours été fidèle. C'est toi qui t'es inventé toutes les infidélités dont tu m'accuses.

Ma vie entière, une question me hantera.

Pourquoi?

Pourquoi une femme aussi exceptionnelle que toi a‑t‑elle voulu gâcher ainsi son existence?

Tu avais tout.

Tu as été la victime de tes obsessions.

Soigne‑toi, Eugénie.

Prends ton courage à deux mains, et fais‑le.

Fais‑le avant qu'il ne soit trop tard (pas pour moi, je m'en vais), mais pour toi, et – surtout! – pour nos filles.

Adieu,

 

H.

 

 

Date: 2015-12-13; view: 402; Нарушение авторских прав; Помощь в написании работы --> СЮДА...



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