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PROLOGUE 12 page





– C'est à propos de ta gonzesse qui me filait: Sainte‑Marie‑la‑pute! L'attendez pas, elle risque d'avoir quelques années de retard.

Pris au dépourvu, Blanc resta silencieux.

– Vous êtes givrés d'embaucher des pétasses ayant pareillement le feu au fion! Elle m'a pompé trois fois de suite avant de bouffer le cul d'une potesse à moi.

– Intéressant.

– Très. Puisqu'elle aime le paf et la moulasse, on va lui en fournir, cousin. Tu sais quoi? On la garde en otage. Elle sera nourrie, logée et enfilée jusqu'à la glotte. Je compte m'établir en Amérique du Sud un jour. Si je ne l'embarque pas, vous pourrez la récupérer pour en faire un paillasson! En attendant, ta peau n'est qu'en sursis.

– Rien de fâcheux? s'inquiéta César quand le coup de fil cessa.

– Non, répondit Blanc. Tu sais ce que c'est: il y a souvent de petites frictions dans les familles…

Il se rappela un texte de Marcel Aymé sur des ouvriers se rendant au travail, à l'aube: «Ils étaient tristes et regrettaient les lampes.»

Lui, en cet instant, ce qu'il regrettait, c'étaient toutes ses années de jadis, en compagnie de Monosperme. Lorsqu'ils se baignaient dans une anse du fleuve Sénégal et capturaient d'étranges bestioles aquatiques qu'ils enfermaient à l'intérieur de bouteilles où elles ne tardaient pas à mourir. Ils confectionnaient des sarbacanes, ou bien des instruments de musique avec de grosses tiges de roseau.

Oui, il était triste et regrettait le soleil.

 

 

Du provisoire‑qui‑dure!

Pile ce qu'on pense en arrivant chez les Biouf: Une baraque arrondie, en tôle ondulée (merci pour la climatisation). A l'intérieur, un vaillant ventilo livre au lauchem une lutte perdue d'avance. Les occupants de cette gentilhommière ont eu beau rassembler des palmes par‑dessus le zinc, il y fait une tiaffe d'enfer.

Au moment où nous nous présentons, ils allaient se mettre à table. Leur bectance m'a l'air, au premier œillard, moins comestible que la graisse pour lubrification des pompes à vidange.

Ils semblent aussi âgés l'un que l'autre, bien qu'ils soient père et fils. Gueules boucanées, labourées de rides profondes, regards enfoncés, plis des lèvres taillés au ciseau à froid. L'épuisement et le soleil ont transformé les deux visages en bas‑reliefs illustrant la peine des hommes.

La venue de l'employé d'hôtel stoppe leurs gestes lents. Ils échangent quelques mots dans cette langue si éloignée de la mienne.

Le frangin me fixe, et lâche un rot en comparaison duquel le meuglement d'une vache en gésine ressemblerait au grand air de Manon chanté par la principale diva du Metropolitan Opera de Nouille York.

Par l'intermédiaire du fils interprète, je raconte mon histoire de reportage. Mes pourliches le rendent persuasif, il plaide ma cause avec la froide virulence de Me Vergès et de nouveaux talbins concluent magnifiquement sa péroraison.

Je pige, à l'émotion des Arbis, que me faire plaisir représentera pour eux une tâche sacrée.

Etant un littérateur partisan éperdu de l'antichiasse, je ne vais pas t'essorer la prostate avec le compte rendu de mon interrogatoire, long comme une envie de pisser dans un enterrement. Moi, t'es au courant: sobriété, efficacité!

Je branche les enturbannés sur les péripéties de la construction du formidable ouvrage. En fond sonore, le grondement cataracteux de l'eau s'évacuant selon un débit aménageable.

En fin de compte, j'apprends que peu après le début des travaux, une catastrophe se produisit sur le chantier: une grue géante bascula, tuant une dizaine d'hommes dont l'ingénieur en chef…

Les promoteurs engagèrent alors des effectifs de remplacement. Tiens‑toi bien, Sébastien, ceux‑ci se composaient des six personnages sur lesquels j'enquête, plus l'ingénieur belge mort avec eux dans l'accident de téléphérique.

Le staff reconstitué poursuivit l'immense ouvrage et conduisit à bien la réalisation d'Escouffian.

Le temps que je mets à rassembler toutes ces données est incalculable. Si je t'appliquais les tarifs horaires de mon garagiste, tu devrais vendre le vélo de course de ta grand‑mère pour me payer!

Dehors, la lumière baisse son pantalon, mais la lune prend l'intérim. Je vois ma gerce et ma fille, assises sur un tronçon de canalisation. Marie‑Marie conte une histoire de petit renard à Antoinette. L'animal rend chaque soir visite à un très vieil homme pour lui tenir compagnie. Un jour il est blessé par un vilain piège de braconnier, et le dabe le soigne. Touchant. D'autant que ma Musaraigne d'autrefois possède le sens de la narration.

Pardon. Je m'éloigne. Mais ne t'inquiète, j'ai des dons de boomerang.

Donc, le barrage est achevé. Inauguration pharaonique par le jeune Fouace, fils de Soliman‑l'Albuminurique dont le père, chassé du pouvoir par la Révolution des Turbans Noirs, vend des merguez à la foire du Trône. Les réalisateurs de l'œuvre se dispersent.

L'Affaire s'écrit ainsi et s'arrête là. Seulement un homme survient, nommé San‑Antonio. Un zig avec le cerveau encore plus volumineux que ses burnes. Il sent, IL SAIT, qu'il existe QUELQUE CHOSE.

Quoi?

A lui de le découvrir.

Sur mes instances, les Arbis consentent à claper, à condition toutefois que je partage leur briffe.

L'horreur!

De la merde, fais confiance, y en a, et pas de la chouette! Avec les graminées, tu trouves des parcelles d'animal. Mammifère? Volatile? Poisson? Le mystère ne reste pas entier, hélas! mais en charpie. Cruelle épreuve que je mène à bien. De retour au palace, je me ferai servir un grand verre de n'importe quel alcool pourvu qu'il dépasse 45°. Juste pour désinfecter, tu comprends?

Et pendant que le repas se déroule, Marie‑Marie continue de distraire NOTRE fillette dans la pénombre bordée de mauve. Image de sérénité. Chansonnette d'âme…

Brusquement, il m'arrive une inspire. Pile au moment où je glaviote un morceau de pas consommable dans le creux de ma main avant de l'évacuer sous le tapis berbère. Comment articuler ma question à ces messieurs pour qu'ils l'entravent?

– Dites‑moi, mes frères, après la mort de l'ingénieur en chef et de ses équipiers, des modifications dans les plans du barrage ont‑elles été effectuées par les remplaçants?

Ils ont de la peine à piger, aussi dois‑je réitérer ma demande, en simplifiant le vocabulaire. Reusement, le palacier n'est pas glandu.

Quand il paraît avoir parfaitement assimilé ce que je peux savoir, il le transmet à son papa et à son frérot.

Concertation.

L'ampoule suspendue à la tôle voûtée diffuse une lumière crue qu'aucun abat‑jour ne vient endiguer. On ressemble à des mineurs, à l'intérieur de ce logement cylindrique.

Ma question est dépecée, reprise, mise à plat. Ils se monosyllabent des trucs colmatés par des silences, et repartent.

Puis, sir papa, après un long pet cascadeur semblable à une salve de mitraillette tirée au plus profond du gouffre de Padirac, enfile ses mains laborieuses dans ses manches et tchatche longuement.

– Que dit‑il? m'impatienté‑je.

– Qu'un conduit, non prévu initialement, a été percé dans l'épaisseur de l'ouvrage depuis la rive où nous sommes.

Une vibration éminemment musicale retentit dans le tréfonds de mon âme. Comme sensation, ça me rappelle une fellation au thé chaud que m'avait prodiguée une adorable Asiatique.

– Messieurs, fais‑je à mes amis arabiens, si ce n'est pas Allãh qui vous a mis sur ma route, c'est au moins son cousin germain ou le mari de sa sœur! La nuit est claire comme l'émoi d'une jeune mariée à l'instant où elle laisse transformer son hymen délicat en salade des quatre‑saisons; laissons tomber café, pousse‑café et cigares pour nous rendre à ce mystérieux conduit. Je vous en saurai tellement de gré que vous ne saurez plus où le mettre.

Ils consentent.

Nous partons.

Au passage, je donne un baiser à mes chères donzelles.

 

* * *

 

Furet mesure qu'on approche, le grondement de la chute bouillonnante me cigogne la dure‑mère. Si je prolongeais mon séjour ici, on devrait m'opérer de la cataracte!

En contournant légèrement le ventre du géant, on constate que des échelons de fer sont scellés dans le béton: une douzaine environ, espacés d'une vingtaine de centimètres.

Ton ami Bibi s'élance pareil à un sapajou, atteint une niche aménagée dans le flanc du barrage.

Le conduit, mon chéri!

Faisceau de ma torche.

– Boudi! comme disent les Suédois. Y en a long sur le porte‑bagages!

Derrière moi, le frère du garçon d'hôtel se fond dans mon ombre. Je ne distingue que son glissement et son odeur, laquelle est moins charmeuse que celle du parc de Bagatelle en été.

Un étrange malaise me point. Au fond, je suis content de ne pas me trouver seul dans cette expédition.

Je ne sais plus qui, du maréchal Lyautey ou de mon crémier, a dit: «A force d'avancer, on finit toujours par arriver quelque part»? Comme il avait raison.

A quelques mètres: une porte.

Bleue!

Mais cependant rébarbative.

Mon faisceau la parcourt lentement. En manière de serrure, elle ne dispose que d'un clavier carré dont les dix touches sont numérotées de 0 à 9.

Classique! Mais vachement couillesque! Combien d'entre elles faut‑il presser pour déclencher l'ouverture? Et dans quel ordre? Selon le calcul des probabilités, je peux passer la nuit, plus une partie de ma vie, sur ces chiffres avant d'obtenir un résultat.

Je déplace la lumière jusqu'au visage de mon équipier.

– Alors? demandé‑je.

– Dans le cul, la balayette! déclare‑t‑il, à peu de chose près, dans sa langue.

– Tu as une idée? insisté‑je pauvrement et en désespoir de tu sais quoi? Oui: cause!

Au lieu de proférer, il caresse les touches du clavier. Naturellement, rien ne s'opère (loi de Lavoisier).

– Tiens‑moi la loupiote, Adalbert!

Mon geste est éloquent car il obéit gentiment.

Je récupère ma liberté de mouvements et reproduis sur mon calepin la composition du clavier. Je t'ai précisé qu'il comprenait dix touches numérotées de 0 à 9; toutefois, j'explique pour la compréhension générale, que cette numérotation ne s'effectue pas dans l'ordre. Sur la première ligne horizontale figurent: 0, 8, 2; sur la seconde: 7, 1, 3, 9; sur la troisième: 4, 5, 6.

Tu ne trouves pas ça étrange, voire simplement curieux?

Non? C'est parce que tu n'as pas pris tes pilules au phosphore, Nicéphore! Ben moi, je tique!

Trois chiffres en haut, quatre sur la deuxième ligne, et à nouveau trois. Cherchez l'erreur!

Mon gambergium lâche des gaz qui me giclent par les oreilles, et peut‑être même par le trou de la pine? Viens contrôler, chérie!

Lillico, je fonce à la ligne comportant les quatre chiffres. Presse chacun avec une tactilité de non‑voyant atteignant le clitoris de sa compagne.

Nothing!

Arrzva chouïa zigoumi? demande pertinemment mon compagnon.

– Pas encore, mais ça va venir! le rassuré‑je‑t‑il.

Je lui ai repris la lampe, laquelle trembille dans ma main comme les testicules d'un cavalier de jumping dans sa culotte.

Une idée lumineuse, et donc bienvenue, m'assaille.

Ne bouge pas, je vais te la révéler. Je sens que ça s'organise. La ligne du haut comporte des chiffres pairs (0, 8, 2), celle du dessous, des chiffres impairs (7, 1, 3, 9), la troisième comprend (4, 5, 6), un chiffre impair et deux chiffres pairs, mais les trois sont dans l'ordre.

Si, après une telle constatation, tu continues de répéter partout que je suis un con, je te fais bouffer le slip de Bérurier!

Je pourrais te laisser mijoter à feu doux jusqu'à ce que ta moelle épinière se caramélise. Mais, tu ne l'ignores pas, ma conscience professionnelle refuse ce pain‑là.

Le prestigieux Sana a découvert que, pour obtenir les faveurs de cette porte, il convient d'appuyer 4 fois sur le 4, 5 fois sur le 5 et 6 fois sur le 6.

C'est pas grandiose, le génie humain?

Ce que je ressens, en pénétrant dans ce lieu mystérieux, est proche d'une timidité mêlée de gêne. Le comprends‑tu‑t‑il? Un peu comme lorsque tu guignes ton épouse occupée à tailler une bouffarde à son masseur.

Chose curieuse, en délourdant, une lumière intense et froide pour salle d'opération s'est déclenchée, me révélant un local d'environ trente mètres carrés. En son centre un énorme caisson d'acier nanti de quatre cadrans sur un côté.

Pourquoi ce cube, seul dans un local creusé dans la masse du barrage, me cause‑t‑il un indicible sentiment de peur?

Je looke mon cicérone.

Lui, la joue dans le genre passif, style: je ne pense pas, j'attends.

Craintif, j'approche du bloc qui me fait songer à la pierre noire de La Mecque, modèle réduit. Les cadrans sont disposés les uns au‑dessus des autres. Quatre trous de serrure les flanquent. Sous chacun d'eux sont inscrits une lettre et un chiffre.

J'examine longuement ce bigntz.

Mon caberluche bat le beurre! Des bribes de pensées s'agglutinent. Des images naissent. Des certitudes s'élaborent.

Je finis par ressortir mon légendaire calepin, sélectionne une page aussi vierge que la Cicciolina lors de son baptême, et note consciencieusement les lettres et les chiffres inscrits sur la carène.

Tu sais quoi, Eloi?

Je songe aux quatre petites clés plates trouvées dans un talon de la mère Gudule. Par «acquisition de conscience», dirait le Gros, je relève l'empreinte des serrures sur un autre feuillet de mon carnet.

La trouillasse qui me nouait les tripes se dissipe. Un signe à Nez‑de‑dromadaire, mon guide, et nous partons rejoindre les autres.

A l'arrière de la Land‑Rover, Marie‑Marie et Antoinette se sont endormies, enlacées, sur la banquette.

Somptueux tableau qui me mettrait des larmes plein les yeux si j'avais le temps de les laisser sécher!

 

 

A l'instigation de l'impératrice, Poléon IV décida d'organiser la réception du sacre Chez Finfin, dans le quartier de l'ancienne Halle aux vins. C'est dans cet établissement que Berthe avait rencontré son Empereur alors qu'elle y travaillait en qualité de maîtresse servante. Le taulier était mort d'une cirrhose entretenue avec amour. Depuis son décès, beaucoup de picrate avait coulé sous le pont.

L'établissement repris par un sien neveu, surnommé La Sardine, crevure huileuse faisant songer aux tuberculeux d'avant les sulfamides, aurait périclité, si le nouveau propriétaire n'avait eu pour épouse une solide luronne originaire d'Europe centrale, qui ne rechignait pas à relever ses harnais et à se faire tirer «toute debout» dans l'appentis de la cour pour peu qu'on le lui demandât poliment.

Cette pratique drainant une forte clientèle masculine, les affaires marchaient très convenablement.

La nostalgie du passé avait donc conduit le couple impérial à choisir ce lieu pour y consacrer sa prodigieuse élévation sociale. On avait tapissé les murs de drapeaux tricolores et d'un poster géant représentant le descendant de l'Empereur en petit caporal.

La société, peu nombreuse mais de qualité, réunissait quelques parents, les membres d'un club bouliste auquel avait jadis appartenu Alexandre‑Benoît, et une escouade de blaireaux à trogne écarlate qui se blindaient la gueule avec lui les soirs où une soif incoercible l'emparait.

Le dernier des Ramolino avait troqué sa redingote vert olive contre une sorte de tunique rouge, taillée dans le velours d'un ancien rideau de scène ayant appartenu au Caméo Casino‑Ciné d'une banlieue chiatoire. Sans doute était‑il moins majestueux qu'il ne l'imaginait, mais il gagnait en pittoresque ce qu'il perdait en souveraineté. Un producteur de cinéma avisé n'aurait pas hésité à engager les bijoux de sa femme au mont‑de‑piété pour lui signer un contrat.

De ce côté, Berthe‑Joséphine se la donnait impératrice à fond‑la‑caisse. Elle déployait un maintien hautain, accordait des sourires parcimonieux de constipé saluant des premières selles «conformes», distribuait des tapes mutines avec un éventail (emprunté aux campagnes espagnoles).

Le beaujolais nouveau coulait d'abondance, comme d'un chéneau le trop‑plein d'un orage. Les convives déjà ivres entonnaient tour à tour La peau de couille et La petite Amélie. Il y eut bien un ténorino d'origine italienne pour se risquer dans le grand air de Manon, mais on le conspua et il s'en fut bouder derrière le portemanteau de l'entrée. Alfred, le coiffeur, amant en titre de la Bérurière, organisait «la claque» de cette réunion mondaine. Au moindre fléchissement du vacarme, il brandissait son verre en clamant:

– Pour l'Empereur et l'Impératrice, hip! hip! hip!..

– Hourra! complétaient les homme liges.

Voyant que le nombre de soûlés s'accroissait vertigineusement, l'inconstante Joséphine souffla à l'oreille de son homme qu'il était temps de procéder à la cérémonie du sacre.

L'imminent Empereur qui commençait lui‑même à patouiller de la menteuse en convint. Choquant à plusieurs reprises son verre vide contre une bouteille pleine, il requit le silence et l'obtint.

– Les mecs, annonça‑t‑il, c't'ici que les éteignoires s'éteignirent, l'moment d'me faire sacrer est v'nu. Si l'dévoué personnel voudrerait bien aménager l'autel, j'y saurais un plein pot d'gré.

Aussitôt on fit droit à son désir. Les loufiats et les tauliers groupèrent quatre tables pour former une estrade. On plaça deux fauteuils côte à côte sur ce praticable. Une chaise servit d'escalier.

Galamment aidée par son monarque, Berthe se jucha et il la suivit. Dès lors, les acclamations crépitèrent, que Napoléon jugula d'un geste romain.

S'adressant à Alfred, il demanda, soucieux:

– T'as la couronne?

Yes, Sandre! répondit le grand chambellan.

Il s'en fut retirer de sous le comptoir, l'impérial couvre‑chef. Celui‑ci n'était pas en or, ni d'aucun métal, simplement en plastique authentique représentant des lauriers dorés. Il s'en saisit avec ferveur et revint au trône.

– Le pape! Où qu'est l'pape? hurla soudain l'Encouronnable.

Il y eut un moment de confusion, voire de panique: Pie VII avait disparu.

Ils le retrouvèrent aux cagoinces, en train de s'expliquer avec une vieille prostate inopérable.

On avait déniché, chez un vague costumier des Puces, une sorte de soutane blanche trop longue pour lui et dans laquelle il se prenait les pinceaux en marchant car il mesurait un mètre cinquante. Une calotte de rabbin, passée au blanc d'Espagne, complétait la tenue du saint homme.

Il possédait une barbe grise où s'étaient réfugiés les reliefs du repas (il lui était difficile de s'alimenter avec une mâchoire pourvue seulement de trois molaires obstinées).

– J't'avais dit d't'raser, Marcel! bougonna l'Illustre.

Le vieux mec hocha la tête en manière d'excuse.

– Tu t'rappelles ton tesque, z'au moins?

– Fais‑toi pas d'souci.

– Alors, go!

Le merlan présenta la couronne au papounet qui s'en saisit malassurément.

Et déclama:

– Alexandre‑Benoît, né Ramolino par la grâce de Dieu, en vertu des pouvoirs qui m'sont confédérés, en mon nom et au nom du président de la République, je te promouve empereur des Français à part entière pour toute la durée de ta vie et au‑delà.

Il voulut coiffer l'auguste tête de l'impérial attribut; las! sa courte taille l'en empêcha et il le fit tomber.

L'Empereur le ramassa en fulminant:

– Quand on est bon à nibe, on est bon à nibe, bordel à cul!

Rejoignant involontairement la vérité historique, il ceignit lui‑même son front.

La foule laissa éclater sa liesse. Chaviré par le boucan, Sa Sainteté Marcel chut de l'estrade improvisée, se fêlant trois côtes.

Très belle manifestation, vraiment. A coup sûr, elle resterait dans les mémoires.

Ce fut au moment où Sa Majesté Napoléon IV, cédant à une demande collective, se mettait à chanter «Introduis‑moi ton pouce dans le train et qu'on en finisse», que l'événement se produisit.

La porte du bistrot s'ouvrit à demi, mais personne n'entra, sinon l'aigre bise qui se mit à siffler dans l'estanco comme un arbitre de foot auquel vingt‑deux joueurs font un bras d'honneur en même temps.

Alexis, le serveur cacochyme, porta ses pieds plats jusqu'au seuil, regarda, vit et, se retournant, demanda à la ronde:

– Quelqu'un pourrait‑il m'aider?

Il y eut des volontaires.

Un groupe hydrique[43] se constitua; des hommes se baissèrent pour arracher au trottoir un être ensanglanté qu'il coltina jusqu'à une table provisoirement inoccupée.

Joséphine aux beaux harnois lâcha un cri pathétique, puis, se tournant vers son époux, murmura:

– Viens voir, Ta Majesté: c'est Pinaud!

«Et c'était bien lui, en effet», aurait écrit Alexandre Dumas ou l'un de ses façonniers.

Lui, avec l'oreille gauche à demi sectionnée, ce qui suffisait à empourprer ses effets. Lui, avec le regard d'un être apercevant la Mort embusquée derrière sa concierge.

– Que vous est‑il arrivé, cher César? roucoula la colombe bérurière en se grattant la chatte à travers la moire de ses atours.

Le blessé pria qu'on le mît sur son séant.

Et l'on.

– Y t'est arrivevé quoi est‑ce? intervint l'Empereur. T' t'es foutu la gueule par terre?

En manière de réponse, Chère Loque se prit à pleurer.

– Mais cause, au lieu d'chialer kif un vieux gruyère au soleil! s'emporta le patineur de la Berezina!

Lors, rassemblant ses forces, la Vieillasse proféra ces sombres mots:

– Jérémie est mort!

La nouvelle tomba sur les Bérurier comme, par fort typhon, une cheminée d'usine.

Quatre porta la main à sa poitrine mais, à cause de sa toison pectorale, ne perçut point les battements du cœur.

– Mon Dieu, balbutia‑t‑il, ç'avait beau être un Nègre, une nouvelle pareille te cisaille le mental! Et d' quoive t'est‑ce il est canné?

– Deux balles dans la poitrine! La seconde m'a sectionné l'oreille.

– Mais quand, mais comment, mais z'où? demanda le nouveau sacré.

– Il y a moins d'une demi‑heure, révéla Pinuche. Chez Yvan Dressompert.

– Et qu'est‑ce vous foutiez‑t‑il chez c'taré en fuyance?

– Nous étions allés perquisitionner à son domicile hier, Blanc et moi, explique la Carcasserie, et n'avions rien découvert de particulier. Ce soir, comme nous venions à ta sauterie, nous sommes passés devant chez lui. C'est alors que nous vîmes de la lumière. Aussitôt, nous stoppâmes et nous précipitâmes à son appartement.

«La porte se trouvant incomplètement fermée, nous y entrâmes. Deux types étaient occupés à fouiller. «Police! Les mains en l'air!» intimâmes‑nous. Les individus sursautèrent. L'un d'eux sortit un pistolet muni d'un silencieux et nous tira dessus. Puis ces malfaiteurs s'enfuirent. Sonné par la balle qui m'avait atteint au temporal, je n'eus pas la force de me jeter à leurs trousses. Ma vue se brouillait, je sombrai dans une demi‑inconscience.

«Enfin j'ai pu récupérer quelque peu. Blanc gisait face contre terre, immobile. Je l'ai retourné: yeux clos, visage cireux. J'ai palpé son thorax: c'était compact et déjà froid. Que faire? San‑Antonio est en Asie Mineure! Toi, à ta sauterie.»

– Mon sacre! corrigea le Mastard.

– Soit: ton sacre, admit volontiers le Bêlant. J'ai décidé de venir chercher de l'aide auprès de toi, afin de ne pas mettre tout de suite les autorités au courant.

L'Obèse appréhenda la situation, puis s'ébroua. Il frappa la table du poing pour réclamer le silence.

L'ayant obtenu, il parla:

'coutez‑moive, tout l'monde: l' d'voir m'appelle su' le champ d'bataille, j'suis obligé d'mett' les adjas. Durant et pendant mon absence, c'est l'impératrice qu'assurera la gérance. N'lu foutez pas trop la paluche au réchaud, biscotte j'veuille une cour corrèque. D'alieurs, m'sieur Alfred veillera au grain. Slave dit, vous pouvez écluser c'qu' v'voudrerez, c'est Ma Pomme qui douille!

– Vive l'Empereur! hurla l'assemblée d'une voix.

Et elle entonna La Marseillaise.

 

 

– C'est éteint, nota Pinuche à sa descente de voiture; quelqu'un est donc revenu après moi car je suis parti en laissant l'appartement éclairé.

Ils s'engagèrent dans l'immeuble où quelques téléviseurs lâchaient encore du lest. Ce soir‑là on cérémonisait les «7 d'Or». Une bande d'enfoirés remettaient solennellement à d'autres enfoirés un trophée de conception martienne qui faisait chialer le récipiendaire. Car l'homme étant fondamentalement con, il suffit qu'on applaudisse ses illusoires mérites pour qu'il sente le droit divin.

Date: 2015-12-13; view: 426; Нарушение авторских прав; Помощь в написании работы --> СЮДА...



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